Oasis //F//

Le soleil tape fort sur cette région de Luanera. Filao n'a pas l'habitude de fréquenter des coins aussi chaud, surtout en plein hiver ! Le jeune yearling est content de trouver enfin une oasis. Il zigzague discrètement entre d'étranges camélidés et se fait tout petit de peur de se faire piétiner dans un mouvement de foule. Il accède enfin à l'eau et ne se fait pas prier pour boire goulûment. L'eau est sableuse, bien moins pure que celle de son lac natal mais il devra s'en contenter.

Et l'ébène était venu lui aussi profiter de la chaleur du sud. Il ne souffrait pas vraiment du froid de l'hiver et la chaleur des dunes le faisait transpirer, mais c'était en fait plutôt une excuse pour veiller sur son fils. Il n'arrivait pas à digérer le fait qu'il avait déjà grandi.

Filao continue de boire tranquillement. C'est alors qu'il aperçoit une ombre noire en face de lui qu'il connait bien. Le jeune foal soupire et se recule pour s'éloigner du point d'eau. Mais dans sa maladresse habituelle, il percute un chameau et pousse un geignement bruyant. Les autres camélidés se mettent aussitôt en mouvements, tous bougent, se bousculent, Filao disparaît sous la masse de sabot.

Lui qui s'attendait à pouvoir passer un peu de temps avec son fils, loin du camp, loin du reste du troupeau. Réagissant au quart de tour, Njörd n'hésita pas une seule seconde à se jeter dans la masse pour retrouver le doré, se faisant lui aussi bousculer, cherchant le yearling du regard. Filao ! l'appela-t-il.

Filao c'était un peu fait surprendre par la bousculade, mais il réussi à éviter les coups en reculant dans l'eau boueuse. Très vite le petit groupe de chameaux disparaît au petit trot à travers les dunes. Ne reste plus que le yearling et l'étalon noir. " Papaa... " souffle Filao en levant les yeux au ciel. " Tu es plus obligé de me surveiller, je suis plus un bébé. " ronfle t il en dilatant les naseaux. Il est un peu vexé car il a l'impression d'être sur-couvé par ses parents, pourquoi ne lui font-ils pas confiance ? Néanmoins, il aime beaucoup trop son père pour être fâché et s'avance vers lui en relevant les oreilles.

L'étalon noir ne broncha même pas en recevant un coup de sabot sur la mâchoire de la part d'un chameau qu'il avait poussé pour finalement pouvoir se retrouver face à son fils. Son regard est ferme, d'autant plus avec les paroles que lui lança Filao. T'es plus un bébé, mais tu te mets dans des situations dangereuses, Filao. rétorqua-t-il. Il finit par pousser un petit soupir, son expression s'adoucissant. Et c'est pas non plus parce que t'es plus un poulain que j'ai pas le droit de passer du temps avec mon fils.

Filao tire une mine scandalisée. " Quoi ? C'est pas vrai ! " s'offusque t elle. " Si t'avais pas été là, j'aurais pas été distrait et je me serais pas cogné dans le chameau. " rétorque t il, avec un tout petit peu de mauvaise fois. " De toute façon, c'est qu'avec toi qu'il m'arrive des trucs, je manque de me noyer, je mange des baies empoisonnées, et là je me fais piétiner par des chameaux. T'es relou papa ! Tu portes clairement la poisse ! " s'exclame t il, complètement désabusé. Et oui, fifi le poulain tout mignon laisse peu à peu place à Filao l'ado rebelle. M'enfin, rebelle juste pour la forme, il est pas si terrible.

Alors ça, il ne s'y attendait pas. Et c'était justement ce qui le blessait le plus en fait. Ses autres enfants avaient été plutôt faciles à l'adolescence, il ne savait pas trop comment réagir. Mais comme à l'habitude, il conserve son calme, bien que son regard se corse. Le respect était très important pour Njörd et Filao allait bientôt s'en rendre compte. Ne blâme pas les autres pour ce que tu fais. Il fit une pause, le visage neutre. Je te laisse une chance de te rattraper. Mais juste une. l'avertit-il.

Filao qui plaisantait jusqu'à présent, se vexe réellement. Ses oreilles s'enfouissent dans sa courte crinière. Il ne réponds rien par respect pour son père mais la pression commence à monter. A cet instant précis, il retient qu'il devra s'éloigner encore plus loin du troupeau pour obtenir sa solitude tant désirée. " Je n'ai jamais demandé à apprendre à nager ! Je ne savais pas que les baies étaient toxiques et je ne les auraient pas mangé si tu m'avais mieux surveiller. Pour les chameaux, ce n'est pas la première fois que je fais ça, et il ne m'est jamais rien arrivé avant aujourd'hui ! " se défends-t-il en frisant l'insolence. " C'est toi qui reproches aux autres tes propres erreurs ! " accuse t il, réellement vexé. Suite à quoi il se détourne vivement pour s'éloigner. C'était la première fois qu'il remettait en question l'autorité de son père. Lui qui était si doux et calme d'habitude... les hormones devaient commencer à le titiller. Si il y avait bien deux choses qui l'exaspérait c'était qu'on le surveille comme un bébé, et qu'on lui reproche des choses où il n'est pas responsable. Adoleschiant.

Njörd ne trouvait pas ça drôle du tout. Ça lui faisait de la peine en fait, bien qu’il ne le montre pas, ou peu. Ses oreilles se tournèrent vers l’arrière à son tour. Est-ce que tu te rends compte de ce que tu dis ? Il lui en faudrait plus pour qu’il perde son calme, et c’était là le challenge de Filao. Reviens ici, jeune homme. ordonna-t-il d’une voix forte en voyant le doré s’éloigner. Apprendre à nager était essentiel et je n’ai pas pris cette décision seul. Si ce n’était pas moi, ça aurait été ta mère. T’as pas failli te noyer, arrête de dramatiser un peu. Tout le monde boit la tasse en apprenant à nager. Et justement, j’étais là pour te rattraper. Il prenait enfin sa propre défense, espérant lui ouvrir les yeux. Pour les baies, je me souviens de t’avoir dit de ne pas les manger et tu les as avalé quand même. Pour les chameaux... J’ai rien fait et rien dit. conclut-il. Il planta son regard sévère dans celui de son fils. Ne fais pas le con avec moi et encore moins avec ta mère. Tu es en train de me manquer de respect et je ne laisserai pas ça arriver bien souvent. Là, il laissait plus ou moins passer car c’était sa première offense, mais il n’hésitera pas à le punir s’il dépassait la limite. Parce que ouais, il était plus un bébé mais Njörd était toujours son père et en plus son chef

Plus Njörd parlait, plus Filao était excédé et accélérait la cadence pour s'en aller. Son père l'énervait, il préférait fuir les conflits plutôt que de les affronter. Lorsque ce dernier se plante devant lui, Filao le contourne sans toutefois le bousculer, il n'est pas insolent au point de s'attaquer à son père. " Fou moi la paix. " grogne t il, comme un lionceau avant de partir à nouveau. Il rentre la queue entre ses postérieurs, prêt à décocher une ruade si son père le suivait de trop près. Cette fois-ci, il était réellement fâché. Cela ne servait plus à rien de discuter.

Il fut tenté de le suivre, de se heurter à lui et de lui faire comprendre qu'il ne devait pas s'adresser comme ça à ses parents. Mais il resta là, le regard rivé sur lui alors qu'il s'éloignait. Njörd alla s'adosser contre un palmier pour rechercher un peu d'ombre, sans quitter l'adolescent du regard, espérant qu'il revienne de lui même. Parce que ouais, il cherchait à le faire culpabiliser

Et comme Filao n'était pas un méchant dans le fond, il regretta très vite de s'être emporté. Il shoote deux ou trois cailloux pour évacuer sa colère, mais très vite la tristesse prend le dessus. Le yearling jette un coup d’œil discret vers son père qui est toujours là, hésites, puis s'avance d'un pas tout penaud, encolure basse. " Papa.. " dit il à voix basse en s'arrête à quelques mètres de lui. " Excuses moi de m'être énervé... " souffle t il en baissant les oreilles, les yeux rivés au sol.

Il dut réprimer un sourire satisfait en le voyant revenir vers lui au bout de quelques minutes. Mais loin de lui l'idée de le pardonner aussi facilement. Son regard est toujours aussi dur, aussi sévère. Il n'aimait pas être fâché contre ses enfants, mais il devait apprendre qu'il n'avait pas le droit de s'adresser comme ça à lui. J'ose espérer que c'était la dernière fois que ça arrive. Je ne laisserai pas passer la prochaine fois. l'avertit-il. Mais tous connaissaient sa clémence et l'amour qu'il avait pour ses enfants, si bien qu'il se détendit un peu, cherchant le regard du yearling avec un petit sourire aux lèvres. Je n'aime pas me disputer et encore moins avec toi, Filao.

Filao accepte les remontrances en courbant l'encolure docilement. Il n'ose même pas relever le regard vers son père. Il a conscience qu'il est allé trop loin et ne sait que dire pour se racheter. Ses oreilles tombent piteusement de part et d'autre de son crâne. " C'est promis.. " souffle t il en posant son museau sur son propre cœur pour jurer. Les dernières paroles de son père lui font énormément de bien. Il grince des dents légèrement car il avait envie de lui sauter au cou pour lui faire un câlin et tout oublier comme lorsqu'il était poulain. Mais maintenant il était un jeune adulte, ce genre d'attitude n'était plus de son âge.

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