welcome home ∆ P

Calée entre deux arbres aussi morts qu'elle, la grande jument noire inspire profondément l'air ambiant. Aussi vide de senteur, rien que cet arrière goût de brûlé. Ici, elle se sentait chez elle. La véritable maison d'un spectre, sans âme, sans émotion.

L'atmosphère est devenue tendue. Très, tendue. Elle a cette désagréable sensation d'être épiée. Ce qui est le cas. Virevoltant au gré d'une brise glaciale, le parfum de son paternel arrive jusqu'à elle, mettant ses sens en alerte. Depuis quand le jaguar ce trouve ici ? Elle frissonne de colère, de ne pas l'avoir reconnu plus tôt. Tu comptes rester pendant combien de temps dans ton trou, jaguar ? Sa voix, toujours posée, semble sortir d'outre tombe, cassant le silence si agréable du lieu.

Il attend qu’elle le remarque. Il sait qu’elle ne tardera pas à percevoir son odeur. Et il veut la voir le faire. Capter son changement d’expression à l’instant même où elle remarquera sa présence. Il adore faire ça. Lire en ceux qu’il aime ce qu’ils ne savent dire. Ce qu’ils ne savent que ressentir. Et en Plum, Asmund lit toute la déception du monde. Et de la colère. Beaucoup de colère. « Le temps qu’il faudra. » Sa voix rauque, du même timbre que celle de sa fille, s’élève enfin. « L’important, c'est de ne pas se tromper de camp lorsqu’on en sort. » Il met les choses à plat immédiatement, sans quitter le regard sombre de sa fille. Ce n’est pas une réprimande, Asmund juge Plum suffisamment grande pour qu’il n’ait plus à la gronder sévèrement. Pourtant, dans cette simple phrase dont seules la sagesse et le calme émanent, Plum captera avec évidence la grave trahison dont Asmund l’accuse.

Le temps qu'il faudra. Non, cette réponse ne lui plait pas tant que ça. Être observée sans qu'elle ne puisse elle aussi observer, quelle désagréable sensation. Et puis, cela aussi voudrait dire qu'elle devra se coltiner la présence de son paternel. Fut un temps, elle aurait voulu le toucher, lui parler, telle une fille à son père. Mais aujourd'hui, il n'y a plus que la rancune. Mais ce n'est pas pour autant qu'elle souhaite sa mort. Tu as toujours été comme ça, à tourner autour du pot ? Voilà quelque chose qu'elle ne tenait pas de lui. Elle réprime un léger rire. Je ne suis pas désolé que ça te fasse chier que je sois avec Tsunami. Mais si ça peut te rassurer, je suis uniquement du côté des esprits de la forêt. Qu'il y croit ou non, peu lui importait. Même si elle éprouvait une profonde reconnaissance à ses parents adoptifs de l'avoir nourri, c'était Mère Nature, la première à lui avoir offert protection lorsque sa mère s'est barré.

Pourquoi, d'un coup, son coeur faisait des siennes. A tambouriner comme un fou contre sa cage thoracique, suite à toutes les paroles de son père. Non, ce n'était pas de la joie. Même si cela remonte à longtemps la dernière fois qu'elle a pu en éprouver, elle reconnait très bien cette émotion. Un colère qui monte en crescendo, doucement mais sûrement, consumant tel un brasier ardent la totalité de son corps. Attend.. Un sourire à la fois fou et amusé attire les lèvres de la jument noire, qui s'avance et observe autour d'elle pour capter le regard du jaguar. .. je rêve, ou je me fais engueuler par mon papa ? elle sort peut-être de ses boules, mais l'autorité c'est plus d'actualité.

Ce n'est un droit chemin que pour ton point de vue. elle serre la mâchoire lorsque enfin elle découvre la cachette du jaguar et croise son regard. Ce soupire qui s'échappe de sa bouche.. le ferait-elle chier ? Pourtant, c'est lui qui est venu l'emmerder pendant un moment de profonde réflexion. Nous partageons peut-être le même sang, mais tu n'as pas d'ordre à me donner.

Elle couche ses oreilles, tant de blabla, ça commence à lui taper sur le système, à lui donner mal à la tête. Elle commence d'une voix calme.. Je ne suis pas en COLÈRE ! pour finir par une voix puissante et colérique, accompagnant ses derniers mots par une violente et brutale ruade contre le vieux tronc d'un arbre en décomposition. Le souffle court et bruyant, elle se calme aussitôt en voyant les dégâts de sa colère ; Mère Nature lui fera payer, c'est certain. Elle s'approche de l'arbre, posant son chanfrein contre le tronc de la victime.

Je suis désolé. elle souffle ces paroles dans un doux murmure étrange, destiné au tronc à l'écorce déchiré. Alors que le silence l'englobe et avec pour effet d'agir sur elle comme un calmant puissant, voilà la voix de son père briser ce calme. Elle ouvre ses yeux, les muscles à nouveau tendus. Tu ne comptes pas lâcher l'affaire.