/ the cure

N A R V A L

Il ne comprend pas. Il ne comprend pas comment ses pas ont pu le guider jusqu'ici. Tout le rebute, le répugne, le dégoûte. De la couleur du ciel à celui du sol, de l'odeur nauséabonde des plantes en putréfaction à celle de l'eau qui respire le poison. Il avance la mâchoire fermement verrouillée, le regard fixé loin devant lui pour éviter de s'attarder sur la moindre chose résidant ici. Le fantôme aimerait tout ravagé d'un incendie ou tout engloutir d'un tsunami, cet endroit n'avait vraiment pas lieu d'être. Mais bientôt, un individu lui fait barrage, et le contraint à s'immobiliser. Il ferme les yeux et prend une grande inspiration pour se maitriser. Il les rouvre et pose son regard de glace sur la jument bicolore. Que fait-elle à l'orée de la surface de l'eau ? Il ne réprime pas une grimace, écœuré. Que fais tu ? Ne peut-il s'empêcher de demander, ne comprenant pas qu'elle ne cherche pas à quitter rapidement ce lieu infame.

Il la surprise mais ne s'en excuse pas. L'inconnue lui fait rapidement face et son regard de glace se heurte à celui d'une innocence pure. Son visage jovial, son sourire doux et sa voix bienveillante se heurtent en un bloc à son impassibilité.
Tu étudies ? répète t-il, ses sourcils se fronçant, marquant son incompréhension. Etait-elle guérisseuse ? Ces plantes pouvaient-elles avoir une quelconque vertue pour des soins ? Que souhaites tu faire de ces plantes ? La réponse devrait satisfaire ses interrogations.

Narval ne remarque pas le malaise qu'il peut créer chez elle, et même s'il l'avait remarqué, il y aurait été insensible. Il se focalise sur ce qu'elle lui montre au sol, tout en écoutant précautionneusement ce qu'elle lui dit. Le mâle blanc ne s'intéresse pas à grand chose ni à grand monde, mais miraculeusement, elle parvient à le captiver. Comment connais tu tout ça ? Es tu guérisseuse ? demande t-il en redressant l'encolure, se rendant compte qu'il avait baissé le visage pour observer minutieusement ces plantes ragoutantes. Il vient glisser de nouveau son regard dans le sien, intrusif.

Wiccane ? Il ne connait pas, mais cela ne l'effraie pas, il a soif d'apprendre. Tant il est captivé, il n'a lui même pas remarqué qu'il s'est rapproché d'elle, que son visage jouxte imprudemment le sien. Lorsqu'il s'en rend compte, il détourne son regard, perplexe, puis esquisse un pas de côté pour reprendre un peu de distance. Ma mère est une sorcière. Tu n'en es pas une. Je suis apte à comprendre la différence.

Il s'attendait à ce qu'elle lui explique, mais elle n'en fait rien, lui renvoyant ses propos comme s'ils n'étaient que mensonge. Alors qu'il observe de manière dégoûtée ses sabots pataugeant dans l'eau nauséabonde du marais, il relève lentement ses iris bleus jusqu'aux siennes. Elle me l'a dit. souffle t-il tel le blizzard soufflerait sur les terres du Nord. Ce n'est pas grand chose, pas de preuves accablantes, mais pour lui c'est amplement suffisant. Parce que sa mère ne lui mentirait pas, n'est ce pas ?

Son regard glacé se fiche sur son sourire, ce qui le fait légèrement froncé les sourcils. N'est-elle jamais contrariée ? Il a du mal à croire qu'une âme puisse être si pure. Tandis qu'il reste un instant sceptique et silencieux, elle se remet à la quête de plantes, dégageant ainsi de nouvelles flagrances ignobles. Il grimace et détourne un instant la tête, comme si cela pourrait lui permettre de rendre l'odeur plus supportable. Et donc tu ne souhaites pas m'apprendre ce qu'est une wiccane ? demande t-il en s'efforçant de reposer son regard sur elle, tentant de ravaler tout le dégoût que lui inspire ce qu'elle fait. Les wiccanes détestent-elles les sorcières ? se permet-il d'ajouter. Peut être existait-il une rivalité entre ces deux entités ?