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4h. Le soleil n'est pas encore levé. L'oasis est déserte et même les caïmans dorment encore. Une silhouette longiligne s'approche de l'eau et étire son encolure musclée pour se délecter de quelques fraîches gorgées.

N A R V A L

Le mâle blanc à la carrure déjà imposante ne quitte pas la silhouette sombre du regard, la pistant tel un prédateur traque sa proie. Sa mère était-elle parvenue à s'échapper ? Il reste cependant attentif, méfiant, sur ses gardes. Peut être était ce un piège. Il scrute avec minutie chacun de ses gestes, mais la distance rend chacun d'eux incertain. Il doit prendre le risque de s'approcher, si c'est bel et bien sa mère, elle l'avertirait, d'un quelconque moyen.
Plus la distance se réduit, plus les chances pour qu'il s'agisse de Mygale s'amoindrissent, pour devenir néant. Il se trouve à quelques mètres à peine de l'individu qui se désaltère, parfaitement immobile en l'observant, ne pouvant pas défaire ses yeux glacés de sa silhouette pour une raison qui lui échappait.

Tandis que l'étalon se désaltère en silence, il perçoit des bruits de pas. Quelqu'un approche. Toutefois, Adam ne se dépeint pas de son assurance et continue de s'abreuver sereinement. Imprudent, peut-être. Les pas s'arrêtent et le reptile finit par se redresser doucement. Malgré les ténèbres qui commencent lentement à les quitter, Adam discerne parfaitement le visage de l'étalon. C'est un parfait inconnu qui le fixe d'un regard glacé. La vipère soutient ce regard. Vous désirez ? Il se sent violemment fixé. Bien sûr, ça ne le dérange aucunement.

Leurs regards s’entrechoquent, et il reste là, à continuer à l'observer sans comprendre pourquoi. Quelque l'empêche de partir, mais quoi ? Il est dérouté face à cette situation inédite pour lui. Cela le frustre autant que cela émoustille sa curiosité insatiable. Tout. Oui, il désire tout. Du ciel jusqu'à la terre. Des continents aux océans. De la haine à l'amour. Et rien. Car au fond rien de tout cela n'a d'importance, rien de tout cela ne compte. Ne reste que la vie et la mort.

Adam agite ses fines oreilles et penche doucement son visage veiné. Il ne quitte pas le blanc des yeux. Il vous faudra être plus précis, mon tout beau. Murmure t-il d'une voix mielleuse. Il semble jeune, à peine sorti de l'adolescence. Il est encore mûr, un fruit délicat et délicieux que l'on croque en espérant jamais le finir. Un fruit sucré, suffisamment âgé et suffisamment jeune pour être un met exquis.

Mon tout beau. Ne reste que ces mots. Il ne décèle pas de moquerie, ni de mesquinerie. Son ton mielleux est presque enjôleur. Il le flatte, le… Séduit-il ? Étrangement, l'idée ne le répugne pas, au contraire, elle est même… Attractive. Il ne peut défaire son regard du sien, même si il s'aventure de temps à autre sur ses traits si atypiques. Ces traits qui lui rappellent sa mère. Son attirance est-elle déplacée ? Peut être. Il ne s'interroge pas réellement la dessus, il s'en inquiétera plus tard, ou bien jamais.
Apprendre. Découvrir. Cela reste encore évasif, mais c'est qu'il est totalement novice en la matière. Peut être le devinera t-il ? Peut être serait il apte à l’instruire ?

Le jeune est curieux. Le jeune est naïf. Le jeune est aveugle. Mais peut-être croit-il que Adam soit en mesure de lui redonner la vue ? En effet, Adam en est capable. Mais le regard qu'il lui offrira pourrait changer son monde à jamais. Changer sa vision pour toujours. Qu'est-ce qui te fais croire que je suis un bon professeur ? Siffle t-il en se rapprochant, incapable de lâcher l'entier du regard.  

Narval reste toujours parfaitement immobile, le laisse venir à lui sans ciller. Se contente de l'observer venir, de laisser ses yeux clairs danser avec les siens, sans jamais interrompre le ballet. Rien ne me laisse penser que tu en serais un mauvais. Il n'est pas insolent, encore moins provocant, juste concret et concis.

Puisqu'il insiste. Adam quitte le regard froid de son interlocuteur pour poser le sien sur les courbes musclées de celui-ci. Il se glisse jusqu'à lui en une fraction de seconde et frôle sa peau sans toutefois toucher ce corps à peine sortit de la puberté. La jeunesse envoûte si facilement. Comme s'il lui faisait subir un véritable examen, le grand étalon laisse ses naseaux frémir le long du corps du mâle blanc. Assuré, décidé et vicieux, Adam scrute les réactions du jeune sans cesser cette danse fantasmagorique.

Narval ignore. Il ignore ce qu'il se passe. Il ignore ce qu'il va se passer. Et c'est frustrant. Et c'est terriblement excitant.
Il le laisse se mouvoir jusqu'à lui, gracile et élégant. Hypnotique. Mais instinctivement, il se raidit lorsqu'il pénètre son périmètre personnel. Néanmoins, il prend sur lui pour ne pas reculer, réinstaurer une distance qu'il jugerait respectable, pour ne pas avoir à respirer le même air que lui. Il ne le rebute pas comme les autres. Il est enclin à partager sa bulle. Narval n'en a juste pas l'habitude.
Il tressaille lorsque les naseaux du mâle sombre frémissent contre sa peau. Sensation étrange et nouvelle, pas désagréable, pas exaltante non plus. Doit-il lui rendre la pareille ? Il n'en a aucune idée. Mais d'avoir son corps, sa peau, à porter de naseaux lui fait tendre à son tour l'encolure pour l'effleurer seulement.