Everything or nothing ▬ A

La jungle. C'est un territoire que je ne connais pas très bien. Pourtant, c'est ici que mes pas m'ont guidée. D'un pas lent, presque claudiquant, je m'approche de la cascade. Le sang dans mon toupet a séché. La plaie n'était finalement pas si grave qu'elle n'y paraissait et elle s'était refermée d'elle même en l'espace de quelques jours. Je m'arrête près de la rive et glisse ma tête sous l'eau pour nettoyer le sang qui a séché sur mon chanfrein et mon toupet. Ce qui n'est pas si facile d'ailleurs.

( Ahahah non j'suis morte, pauvre Absy!!     )

Je frotte énergiquement mon chanfrein humide contre mon antérieur pour nettoyer le sang séché. Ce n'est pas tellement efficace mais ça a au moins le mérite de l'effacer partiellement. Je plonge une nouvelle fois la tête sous l'eau pour humidifier de nouveau mon poil et... Pouf, dans l'eau, la tête la première. Et, évidemment, je bois la tasse au passage et manque de m'étouffer en remontant à la surface. Une fois sur mes pieds, je ronfle des naseaux pour chasser l'eau qui m'est rentrée dans le nez et prend ensuite une grande inspiration.
Mon regard tombe alors sur Winterfell et je comprends aussitôt. Mes oreilles se plaquent contre ma nuque et je sors de l'eau rapidement, bousculant le grand gris au passage.
- Tu n'es pas censé patrouiller par hasard ? Je lui demande en posant mon regard au bleu glacé sur lui.

Je profite d'être près du gris pour m'ébrouer énergiquement. Il parait que le partage c'est quelque chose de très important.
- Pourtant tu n'as pas l'air si malade, je réponds, l'air dubitative.
Il est certainement sur la voix de la guérison, vu que ma mère et même Njörd m'avaient parlé d'un état bien plus inquiétant concernant Winterfell. Là, il semble être plutôt en forme. Un peu trop peut-être.
Sa question me surprend. Comment peut-il savoir pour la clairière ? Tout le monde me surveille ou quoi ? Est-ce que c'est encore un coup de ma mère ? Ahhhh, ils me rendent tous folle !
- Je suis une Nilaak maintenant. Et j'avais pas envie de me nettoyer au lac ni au lagon, je réponds simplement.

Le temps est un formidable professeur. J'ai appris à être calme et posée, un peu à l'image de ma mère. Et puis... Je me sens bien trop fatiguée pour être aussi volcanique que durant mon enfance et adolescence. Bien que, dans le fond, j'ai toujours mon petit caractère. Simplement, je fais en sorte de le dissimuler un maximum.
- Je... Rien. Je me suis simplement cognée comme une idiote. Je suis tellement tête en l'air... je réplique, un peu gênée.
Je n'ai pas envie de raconter à tout le monde les problèmes que j'ai avec ma fille. Et encore moins à Winterfell que je ne connais que très peu, finalement.
- Njörd m'apprend à devenir une sentinelle, je lâche ensuite, pour le détourner du sujet précédent.
S'il pouvait penser à tout sauf à ma blessure, ce serait super.

Je me mords l'intérieur de la joue en remarquant son air dubitatif. Mince, moi qui pensait qu'il serait assez con pour gober mon mensonge... C'est loupé. Tant pis, tant qu'il ne m'en demande pas davantage, ça me va.
- Merci pour le conseil, je réponds en rigolant.
Pour la première fois, j'ai l'impression qu'il est sympa. C'est vraiment étrange. Ça ne lui ressemble tellement pas.
- En effet, j'fais ce que je veux , je réponds en redressant fièrement mon encolure.
Je suis libre. De mes choix, de mes actions, de mes relations. De tout. Aujourd'hui, s'en est terminé de la cage dorée. Aujourd'hui, mes ailes sont de nouveau déployées. S'en est fini de l'obscurité.
- Comment ça se fait que t'es aussi gentil ? Tu as enfin réussi à coincer une meuf dans un coin pour dépoussiérer ton zgueg ?

Un sourire amusé se dessine sur mes lèvres lorsque je l'entends exprimer son mécontentement. Toujours aussi dramaturge, l'étalon blanc.
Je lève les yeux au ciel lorsqu'il me dévoile sa marchandise. Le sexe d'un mâle manque vraiment d'élégance comparé à celui d'une femelle.
- Je n'ai pas de futur fiancé. Ni au masculin, ni au féminin, je déplore en levant une nouvelle fois les yeux au ciel.
Loin de moi l'idée de ne pas en vouloir d'ailleurs mais... Il y avait un côté assez satisfaisant à être seule. Déjà, pour la liberté. Pas besoin de rendre de compte à personne. Et vaquer de mâles en femelles, c'est tout de même appréciable, ça aussi.

Inconsciemment, je me tends légèrement lorsqu'il parle des chaleurs avec un terme qui ne m'inspire malheureusement plus grand chose. Amours. J'avais presque oublié la présence de ces dernières. Elles n'apportaient jamais rien de bon, hormis un sentiment de frustration dû à la privation, sur une période où l'envie de céder à la tentation était clairement la plus intense.
- On peut choisir de ne pas l'être, je lui rappelle.
Enfin, il parlait certainement d'être seul sans compagnon et non pas d'être juste sans amant éphémère mais... Qu'importe.
- J'ai fais le grand voyage en sens inverse. Pour retrouver les terres sur lesquelles j'ai grandis, en quelques sortes.
Pour retrouver des endroits qui avaient énormément compté pour moi. Peut-être pour provoquer quelques rencontres aussi. Réelles ou fantomatique.
- Tu es allée voir une guérisseuse ? Je lui demande.

( Absinthe est née durant le voyage hein, elle n'est pas née sur les anciennes terres )


Certains lieux renferment des histoires. Les visiter, c'est un peu comme rendre un hommages aux souvenirs qui y sont liés et qui sont comme emprisonnés là-bas. Impossible d'expliquer ce phénomène et le plaisir qu'on ressent à revivre les souvenirs qui hantent ces lieux à une personne qui ne l'a jamais vécu.
- Winterfell. Ne me la fait pas à moi. Tu sais très bien que Fiona n'aurait jamais refusé de te soigner si tu avais au moins eu l'idée de te rendre à l'antre, je l'engueule.
D'ailleurs, j'avoue que c'est un peu l'hôpital qui se fout de la charité, quand on se dit que je suis moi-même malade et que je refuse également de consulter un guérisseur. Enfin... Ce n'est pas le même genre de maladie non plus.
- Est-ce que tu es suicidaire ? Je demande finalement en plissant les yeux, autant perplexe qu'intriguée.