F | Vengeance

Heureusement pour son arbre si précieux, l'ébène n'était pas bien loin lorsque le craquement lugubre se fit entendre, aussitôt suivi d'une voix purement malveillante. Et pourtant, en voyant la blessure du tronc d'arbre, il n'hésita pas à se glisser entre celui-ci et entre l'inconnu, les oreilles contre sa nuque. Et lorsqu'il posa enfin véritablement son regard sur l'autre noiraud, Njörd se figea. Mais c'est quoi ce bordel... Il avait l'impression de se regarder dans l'eau du lagon.

Dans sa tête, c'était la confusion totale. Comme un inconnu pouvait le connaître sans que lui ne puisse l'identifier ? Et surtout, qu'avait-il fait pour mériter qu'on l'interpelle de la sorte, avec une haine si puissante que l'on pouvait la sentir à des kilomètres ? Le roi fronça des sourcils, ça ne lui disait rien de bon. Cela dit, son visage de décomposa à l'entente du nom de son géniteur. Il manqua de s'étouffer avec sa salive, surpris. Quoi ? lâcha-t-il, par réflexe. Il avait toujours imaginé son père biologique comme étant mort et enterré, bien qu'il ne l'ait jamais rencontré. Je sais pas d'où vous connaissez mon nom et celui de mon père de sang, mais si c'est une putain de blague, c'est pas la peine de la continuer.

Dites sur un ton différent et avec des mots différents, les paroles de l'autre noiraud auraient pu être positives, amicales même. Ça aurait pu initié le début d'une relation normale entre deux frères. Et pourtant, avec la haine et la rage qui faisait vibrer la voix de l'étalon, ce n'était décidément pas la tournure que prendraient les choses. Frigg et moi n'avons pas fui. Nous avons été abandonnés. dit-il d'un ton sec. Il ne connaissait pas sa vie, visiblement, pour dire ce genre de choses. J'ignorais que j'avais un frère, mais je ne suis pas vraiment surpris pour autant. fit-il en soupirant, visiblement découragé de son père biologique. Il était clairement le pire connard de l'humanité. Qu'est-ce que tu veux ?

Pourtant, le connaissant, c'était clairement pas Njörd le menteur. De toute façon, où aurait-il pu inventer une histoire pareille ? Un enfant naissant n'avait clairement pas une telle imagination. J'suis issu d'un viol. Alors ouais, ma mère m'a abandonné avant même que je puisse marcher. rétorqua-t-il plus sèchement. L'inconnu, ou plutôt Fléau, avait le don de lui faire perdre son calme pourtant habituellement si olympien. Et en lui menaçant de s'en prendre à sa famille, il vit rouge instantanément, s'approchant de son frère pour que leurs visages soient à quelques centimètres l'un de l'autre. Il était un peu plus grand que lui et ne s'empêchait pas d'utiliser ça pour le regarder de haut. Tu t'en prends à eux et c'est toi qui va se retrouver sous mes sabots. Ne me sous-estime pas. gronda-t-il. Sa famille était sa faiblesse, oui, mais sa force aussi. Il devenait aussi féroce qu'un lion lorsqu'ils étaient menacés. Je t'ai rien fait. Et en plus de ça, ouais, j'te connais pas. Justement, tu bénéficieras pas d'un traitement de faveur parce que tu es soi-disant de mon sang.

Njörd sentait son sang battre à ses tempes tellement il sentait la pression monter. Qu'il s'attaque à sa mère, il n'en avait rien à faire. Il l'avait toujours détestée pour l'avoir abandonné de toute façon. Il n'y était pour rien dans cette histoire, il n'avait même pas besoin de se défendre pour le savoir. Mais qu'il s'en prenne à sa femme et leurs enfants, par contre, ça ne passait pas. Il ne savait pas d'où il savait qui étaient sa famille, mais rendu là, il n'en avait plus rien à faire. Il les menaçait et c'était suffisant pour être en colère. Attaque-toi à eux, ne touche qu'à un seul de leurs crins et t'es un homme mort. Je rigole pas, j'aurai aucun scrupule à tuer quelqu'un qui s'attaque à ma famille. gronda-t-il, prêt à tout.

Toute cette histoire commençait vraiment à l'irriter, tout comme ça l'inquiétait. Il allait devoir redoubler de surveillance autour de ses proches, il allait devoir multiplier les patrouilles et surtout ne pas envoyer sa famille. Mais l'attitude du noiraud l'agaçait. Il n'était pas roi du monde, qu'est-ce qu'il croyait ? C'était bien un fils d'Ölum, pour parler comme ça. Tu te crois si fort, mais tu ne penseras pas la même chose bien longtemps. À la moindre offense, j'te descends. Alors tiens-toi loin si tu tiens à ta vie.