L'echo de ta voix est venu jusqu'à moi //F//

Le sol craque sous les gros sabots de l'étalon brun. Beaucoup de temps a passé depuis sa visite avec Balsamine lorsqu'il était poulain. Ce lieu, qui autrefois l'effrayait, aujourd'hui le fascinait. Il s'avance dans l'antichambre et quitte le parquet grinçant pour rejoindre un sol de pierres polies. Ce lieu est vétuste, une fine pellicule de cendres recouvre les murs. Filao est incommodé l'air poussiéreux et souffle bruyamment pour dégager ses naseaux.

Silencieux, l'enfant continuait son exploration. Il y avait tellement de choses à voir, à découvrir, à retenir, qu'il faudra sûrement qu'il s'y prennent en plusieurs fois pour tout assimiler. Ses yeux bleus sont pourtant attentifs, aux aguets, mais sa mémoire encore en plein développement. Il était déjà présent à l'intérieur de la bâtisse, à observer les fresques discrètes que formait la cendre sur les murs, quand quelqu'un entra. Par réflexe, la petite flamme se cacha derrière l'un des larges bancs en pierre, essayant d'observer l'inconnu sans se faire remarquer.

Filao n'est pas un fin pisteur. Il ne remarque donc pas la présence de l'enfant, trop obnubilé à regarder le ciel à travers le plafond désagrégé. L'étalon s'approche de l'autel et souffle bruyamment pour balayer la poussière. Filao a horreur de la saleté. De léger craquement derrière lui, lui font dresser l'oreille mais il ne s'en inquiète pas. Les vieilles bâtisses grincent souvent.

Gaara l'observait faire, se posant bien des questions. Etait-il sur le territoire de ce mâle adulte ? Auquel cas, il ferait peut-être mieux de s'éclipser avant qu'il ne le remarque... Il ne savait pas encore comment agissaient les gens d'ici, peut-être se montreraient-ils aussi hostile que les équidés qu'ils avaient rencontrés sur la route, avec Cxalùn. La petite flamme, un sabot après l'autre, recula et sentit sa croupe se heurter à la pierre, qui on-ne-sait-comment, fit craquer une poutre. La bâtisse était tellement vieille. Mais cela n'inquiéta pas l'inconnu. Alors, l'enfant continua en gardant un oeil sur le bai. Et là, ce fut son sabot qui percuta une sorte de coupelle, dont le bruit cuivré se répercuta dans ce qu'il restait du bâtiment. Gaara s'immobilisa, tétanisé, dans cet instant de flottement qui précédait la fuite.

Filao continue son exploration jusqu'à ce qu'un bruit métallique ne résonne derrière lui. L'étalon se retourne vivement, oreilles en arrière et l'air menaçant. Il cherche du regard le prédateur qui tente de lui faire une embuscade. Son regard fouille chaque recoin de l'église jusqu'à tomber sur une frêle créature. Un petit poulain à peine sevré. Filao pointe ses oreilles vers l'avant, surpris mais rassuré à la fois. " Qu'est ce que tu fais là p'tit ? " demande t il sans oser s'approcher pour ne pas l'effrayer.

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La petite flamme demeura immobile, comme une statue, à défier le temps. Son regard demeurait fixé sur le grand mâle qui l'avait désormais remarqué. Il craignait sa réaction, son comportement, un nouveau danger peut-être. « Je regardais. » répondit-il au bout d'un moment, avec l'accent quelque peu guttural de sa langue maternelle. Ses mouvements se firent lents, et il se repositionna ainsi normalement, son poil poussiéreux paraissant presque terreux à la lumière du soleil. Demeurant tout de même aux aguets, prêt à fuir en cas de danger, il orienta une oreille vers l'inconnu. Il n'attaquait pas ?

Filao dresse ses deux oreilles vers l'avant pour paraître moins hostile. Il s'approche a pas doux en le contournant légèrement pour ne entrer dans son espace de confort. L'étalon lui laissait l'occasion de fuir s'il le désirait. La voix du poulain comporte des notes étrangères qui sonnent bizarrement aux oreilles du mâle, il doit se concentrer pour décrypter ses mots. " D'où viens-tu p'tit ? " demande t il d'une voix douce et curieuse à la fois. Il tente d'apprivoiser cette petite chose fragile.  

Lui aussi trouvait les sonorités étranges dans la voix de l'inconnu. Gaara se laissa approcher, bien qu'il s'assurait toujours d'avoir une porte de sortie au cas où. Instinct de survie obligeait. D'autant plus que tout était nouveau pour lui. Il comprenait sa langue, mais devait aussi faire des efforts pour comprendre, parfois. C'était plus facile de parler cette langue avec Cxalùn. « Loin. Du désert. » C'était là qu'avait commencé son aventure, sa vie. Il en tenait même son prénom. Mais il ne connaissait pas bien les banalités, fort peu éduqué. Alors il ne se présenta pas, bien ce fusse le moment de le faire dans une conversation classique.

Eh bien. Ce n'était pas un bavard. Il semblait tout intimidé et cela serre le coeur de l'étalon. Etait-il seul ? Vu son instinct de fuite, Filao en est convaincu. Il reste alors en retrait, pour ne pas que sa forte corpulence effraye le poulain. " Moi je m'appelle Filao. J'habite ici. " dit il en lui offrant un premier sourire. Il espère réussir à détendre l'atmosphère, et peut-être même que le jeune poulain lui confiera son nom.

Gaara n'en perdait pas une miette, et avait plutôt l'impression que l'inconnu faisait en sorte de ne pas l'effrayer davantage. Il se demanda un instant ce qu'aurait fait Cxalùn à sa place. Elle aurait sûrement témoigné davantage d'assurance en tout cas. Il lui donna son nom, et ce qui suivit le fit tiquer. Il habitait ici ? « Je ne voulais pas m'introduire chez toi. Pardon. » Le concept de maison le séduisit un instant. Le concept de vouvoiement, il ne connaissait pas non plus. Dans sa langue maternelle, il n'y avait pas de distinction. Il observa autour de lui d'un regard neuf, presque impressionné. Pourtant, il n'avait encore rien vu des grandeurs de ce monde. « Gaara. » lâcha-t-il au bout de quelques instants, rendant ce qu'on lui avait donné : un nom.

L'étalon esquisse un sourire amusé. Le tutoiement ne le dérange pas, a vrai dire c'est plutôt le contraire qui l'aurait vexé, car après tout il se trouve encore jeune. Un poulain enfermé dans un corps qui ressemblait de plus en plus à un adulte. " C'est très joli, Gaara. " répète t il en essayant d'imiter l'accent, même si c'est encore un peu difficile pour lui. L'étalon lève la tête vers le plafond et éclate de rire en réalisant que le poulain pensait qu'il habitait dans l’église. " Non... ma maison n'est pas ici, cette bâtisse appartient aux terres libres. Mon campement se situe près d'un lac, à quelques foulées d'ici. " précise t il en essuyant quelques larmes de rire sur son antérieur.

Il aimerait lui retourner le compliment, mais il trouvait son prénom à lui, difficile à dire. Filao. C'était un enchaînement de lettres et de sons qu'on retrouvait peu dans sa langue. « Fila-o. » articula-t-il un peu difficilement, se concentrant. Puis il le vit rire, et se demanda ce qui était si drôle. Gaara n'était pas susceptible, alors il attendit juste qu'il arrête, le regard interrogateur. « Campement ? » demanda le jeune roux, un peu plus détendu finalement. Il gardait les stigmates de son voyage, qui l'avaient rendu prudent, sur ses gardes. Avec l'âge, il sera peut-être moins méfiant. « Les terres... libres ? Il y en a qui ne le sont pas ? » remarqua la petite flamme avec perspicacité, attaché aux détails.

Filao est amusé par l'attitude du jeune poulain. Il prends un peu le blaze du grand frère. " Il existe 4 troupeaux ici. " explique t il d'une voix très pédagogue. " Les Nilaaks qui vivent au lagon, les Wiha au littoral noir, les Nayatis sur l'île, et les Ergiens au désert. Toutes les autres terres sont libres, on peut y circuler à notre guise. " Il couve le jeunot d'un regard doux. Plein d'affection.  

Les noms résonnent étrangement à ses oreilles. Sa mère ne lui avait jamais parlé de ça, peut-être parce qu'elle ne faisait pas d'aucun d'eux. Avait-elle eu ses raisons ? Après quelques secondes de silence, il reprit la parole. « Tu es donc un Ni.. Ni-ilaak ? » articula-t-il, sa langue refusant de lui répondre pour certaines syllabes. « Qu'est-ce qui les différencie, ces troupeaux ? » Lui n'avait connu que la vie de solitaire. Enfin, il n'avait pas été seul, mais n'avait jamais appartenu à un quelconque clan.

" Oui exactement. Mes parents sont les chefs du troupeau. " souligne t il en soufflant doucement. Il tente un pas vers lui. On a l'impression qu'il marche un peu sur des œufs. Filao essaye de bien faire, de ne surtout pas l'affoler. " Les troupeaux sont créés soit par des membres d'une même famille, comme les Nilaak ou les Ergiens, soit par des chevaux qui ont les mêmes idéaux, comme les Nayatis ou les Wiha. Peu importe le lien de départ, ils forment à la fin un peuple unis et loyal. " répondit il d'une voix bienveillante.