Bad day //F//

La nuit a été difficile. Et la matinée aussi. Foudre est allongée dans la tanière la plus cachée de la Roche-mère. La jument avait passé sa nuit à vomir. Son corps était encore secoué de spasmes incontrôlables. Depuis qu'elle avait ingéré le poison, son corps était martelé de toutes parts. Fatiguée, la noiraude au teint blafard est couché sur le coté, la respiration sifflante et la tête au contact du sol frais. Elle se repose.  

(faucon)

Il a fini sa ronde. En ce moment, il les fait de nuit. Comme ça, il a pleinement le temps de penser. De nourrir son esprit assassin. D'imaginer des scénarios qui le font frémir lui-même tant ils sont sombres et cruels. Il finit toujours son tour de garde par une chasse. Cela le détend. Un loup, un renard, une belette. Ce qu'il trouve. N'importe quel sang apaise un peu le sien, qui menace d'exploser. Cette nuit, c'était une chouette. Il l'a prise par surprise, sinon il n'aurait jamais pu l'avoir. Elle est plus rapide que lui, bien sûr. Mais il a appris à se fondre dans le décor comme s'il en faisait partie. Comme s'il y était absent. Il revient avec un peu de sang sur les naseaux, qu'il essuie sur une large feuille à l'entrée de la Roche Mère. Il se sent épuisé, las, et pourtant contradictoirement, rempli d'une énergie noire et tenace. Il repère vite l'odeur de Foudre dans l'antre et cherche la niche où elle s'est couchée sûrement au début de la nuit. Celle-ci est bientôt fini, le ciel commençait déjà à perdre de son obscurité. Une autre odeur parvint à ses naseaux qui se pincent immédiatement. Non pas celle du sang, plutôt celle de vomissements. Il les trouve ici et là et continue d'un pas plus rapide pour arriver jusqu'à elle. Son corps est penché sur le côté, malgré sa robe, elle a le teint pâle. Il s'avance directement, sans gêne. Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Tu as besoin de quelque chose ? demande-t-il froidement. Mais Foudre le connait, elle saura que cela cache son inquiétude et son affection pour elle.

Foudre à les yeux fermeés. Les bourdonnements dans ses oreilles se sont atténués mais elle a toujours cette impression de distorsion lorsqu'elle fixe un point. Un bruit de pas fait grimacer la noiraude, elle a la migraine et ne souhaite pas être dérangée. Mais lorsqu'elle reconnait les effluves de Faucon (malgré l'odeur de vomi omniprésente), la jument fait l'effort de relever la tête. " Ca va. " maugrée t elle en posant sur lui un regard farouche bien que fatigué. " J'ai juste avalé quelque chose... de puissant. " rajoute t elle. Quand Séléné lui avait expliqué qu'elle risquait d'être malade et douloureuse, Foudre n'imaginait pas que ce soit à ce point.

Quelque chose de puissant ? Le mâle bondit près d'elle, sévère, presque menaçant. Comment ça, quelque chose de puissant ? Qu'as-tu pris, Foudre ?! Son ton est autoritaire. Il sait qu'elle n'aimera ça mais il est malmené par son inquiétude. En ce moment, c'est difficile pour lui de contrôler ses émotions comme à son habitude. Il s'imagine un poison, quelque chose de dangereux. Pourquoi aurait-elle fait ça ? Vomis, lui ordonne-t-il alors, angoissé.

Foudre ne réagit même pas à son ton agressif, elle n'a plus de force. Complètement vidée. Elle esquisse un rire douloureux. " J'aimerais bien, mais je n'ai plus rien à vomir. " dit elle en allongeant ses antérieurs pour décontracter son ventre. Elle repose sa tête au sol. " Ne sois pas inquiet, ça va passer. " dit elle en refermant les paupières. La jument tremble un peu, elle est fébrile.   

Faucon est persuadé qu'elle a tenté de se suicider mais il ne sait pas POURQUOI et cela l'inquiète et l'agace puisqu'elle ne lui dit rien. Compte tenu de son état, il se retient de s'énerver. Sinon, il l'aurait sûrement secouée Il vient même se coucher contre elle, pour calmer ses tremblements. Dis-moi ce que tu as pris et pourquoi tu l'as fait. Son ton est ferme et autoritaire, comme toujours. Avec une grimace cachée, il se force à rajouter : S'il te plait.

Foudre a les yeux fermés mais elle perçoit l'inquiétude de Faucon qui diffuse comme une aura autour de lui. La noiraude esquisse un sourire faible, elle aimerait être moqueuse mais elle est tellement nauséeuse que c'est impossible. Lorsqu'il vient se coucher contre elle, Foudre se rapproche pour venir coller son corps froid contre le sien. Il est chaud, c'est agréable. Sa présence l'apaise un peu et ses tremblements diminuent. " J'ai.. j'ai pris une potion. Mais ne t'en fais pas, elle ne me tuera pas. Ce n'était pas le but. " souffle t elle, son corps se raidit subitement, et Foudre ravale un haut-le-coeur. Mais quand est-ce que vont s'arrêter ces foutus nausées ?  

Bon sang, elle tourne encore autour du pot et Faucon commence à perdre patience. Pourquoi ? répète-t-il en s'efforçant de garder un ton calme même si dernièrement, son self-control mis à rude épreuve n'est pas dans sa plus belle forme.

Le ton de l'étalon est sec, exigeant. Il veut tout savoir, et tout de suite. Adieu son jardin secret. Si ça n'avait pas été Faucon, elle l'aurait sans doute mordu, mais elle a trop d'affection pour lui pour opposer quelconque réaction. " J'ai pris une potion d'avortement. " lâche t elle de but en blanc, comme une bombe. Ses yeux restent mis-clos, elle aimerait sonder son regard pour connaitre son appréciation, mais elle se trouve du coté de son oeil invalide.

Et bien heureusement pour elle. Bon sang, qu'est-ce qu'ils ont tous en ce moment, à lui faire tomber le ciel sur la tête à chaque tournant ? Il serre les dents. Dans son oeil traversent plusieurs émotions succintes. La surprise, la curiosité, la colère. Avorter ? Ils se sont tous passés le mot à vouloir violer toutes celles qu'il protège, bon sang ?! C'est qui ? marmonne-t-il, la bouche serrée, peinant à contrôler la colère qu'il sent monter à lui. Boréale, et maintenant Foudre ? C'en est trop pour lui.

A peine a-t-elle fini de lui dire que c'était volontaire qu'il réagit. Si c'était consentant, vous saviez qu'il allait y avoir un poulain, non ? grogne-t-il à son tour, avec l'impression de parler à une enfant. Hors, Foudre n'est pas une enfant. Elle n'est ni immature ni inconsciente. C'est pourquoi il ne saisit pas son geste. Si elle ne voulait pas d'enfant, il lui suffisait d'attendre.
Mais peut-il vraiment la blâmer pour ça ? Et si, comme lui, elle avait cédé à ses envies, sans pouvoir s'en retenir ? Il soupire, exaspéré - tant pour elle que pour lui, finalement. Cela le revoie à sa propre erreur. Sauf que lui n'a pas forcé à un avortement. D'apprendre qu'il s'agit de Gryffon le laisse mitigé. Tant il est rassuré car Gryffon est un ami, tant cela l'énerve un peu, sans savoir pourquoi. T'es sûre que ça va marcher, au moins ?

Ne pourrait-il pas, lui aussi, utiliser cette solution ? Réparer son erreur, l'effacer, l'oublier à jamais ? Il n'oserait pas. Cet enfant doit rester un secret, mais il doit vivre si sa mère le souhaite. Il subit les reproches de Foudre sans montrer ni culpabilité ni animosité pour autant. Il les encaisse, muet et solitaire, gardant son oeil glacé sur elle. Il la suit des yeux, prêt à intervenir si elle s'écroule. Même si elle le repousserait. Faucon est comme ça. Quand il a choisi une âme, il s'y accroche. Il est dur pour la réveiller, froid pour l'encourager, et on a beau le pousser, il revient toujours. Invincible. Si sensible au fond, pourtant. Tout au fond. Il ne s'excuse pas, non pas par fierté mais parce qu'il ne regrette pas sa petite leçon. Il n'aurait peut-être pas dû, mais c'était plus fort que lui. Au moins, il a la décence de ne pas surenchérir. Il revient vers elle, détendu mais assuré, appuyant son flanc contre le sien pour la soutenir, l'empêcher de tomber. Recouche-toi, tu vas faire un malaise, lui intime-t-il toujours fermement. Son regard est inquiet et l'inquiétude le pousse à la dureté. Combien de temps est-ce que ça prend ? Le sait-elle seulement ? Lui a-t-on expliqué ? Qui t'a donné ça, au fait ?