We're all mad here ▬ A

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Come with me
And take my hand
Let's go down
To Wonderland

Avec une lenteur presque calculée, la jument dorée entre dans le lac. La fraîcheur de l'eau la fait à peine tressaillir, même lorsque l'eau vient caresser son ventre sensible. Lentement, son regard bleuté effleure la surface de l'eau. Elle est soulagée de voir que son corps ne présente plus aucuns stigmates de sa gestation éphémère ni même de sa fausse couche. Ses flancs sont de nouveau sveltes. Peut-être même un peu trop. Les récents événements l'ont abîmée. Elle ne s'est pas réellement remise du cauchemar qu'à enduré sa mère. De la mort de son père. De l'arrivée de Fléau. Et d'autres choses qui semblent bien insignifiantes à côté de ça, mais qui ne le sont pas réellement.

Et lui, il la surveille, de loin. Ça fait des jours qu'il l'épie sans oser l'approcher, parce qu'il sait qu'elle prendra la fuite en le voyant. Qui ne le ferait pas ? Il était monstrueux. Et il s'en rendait compte que lorsqu'il était au contact d'Absinthe. Elle avait vu le monstre en lui sans même qu'il n'en parle, et elle avait fui. Pour se protéger, pour protéger l'enfant. Mais au vu de ses flancs tout plats, il se doutait bien qu'il était mort, ce gosse, et sans qu'il ne l'explique, ça lui donnait un drôle de sentiment. De la.. peine ? Oui, ça devait être cela. C'était le même sentiment qu'il ressentait lorsqu'il l'observait sans l'aborder, de loin, à regretter ses faits et gestes sans pouvoir réparer ce qu'il avait cassé.

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Les naseaux d'Absinthe effleurent avec délicatesse la surface de l'eau. Parfois, le bout de ses lèvres y trempe également. A vrai dire, elle ne sait pas vraiment ce qu'elle fait parce que son cerveau tourne à plein régime. Elle est totalement déconnectée de la réalité si bien qu'elle ignore la présence de Fléau, pourtant toute proche. Enfin... Jusqu'à ce que le vent le trahisse en lui emmenant son odeur. Immédiatement, la dorée redresse la tête et parcourt les environs du regard. Il n'est pas loin, c'est certain. Mais où ?
- Fléau ? L'appelle-t-elle, avec une pointe d'hésitation.
Est-elle seulement prête à le voir ?

Le regarde de l'étalon se perd sur les courbes généreuses d'Absinthe sans qu'il n'y prenne garde. Il ne sait pas vraiment combien de temps il reste immobile, caché, à la regarder évoluer dans l'eau. Et il ne tient même pas compte du changement de direction du vent. Ce n'est que lorsqu'elle l'appelle qu'il sursaute et se réveille de sa léthargie. Elle ne le voit pas, il en est certain, mais il n'a pas envie d'aller la voir. Peut-être pour la première fois de sa vie, il a peur. Et puis finalement, il sort de sa cachette et s'approche d'elle avant de s'arrêter lorsqu'il reste une dizaine de mètres entre eux. Son regard est un peu fuyant, il ne sait pas comment l'aborder ou quoi lui dire.

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Plusieurs minutes s'écoulent avant qu'il daigne apparaître dans son champ de vision. Toujours immobile au beau milieu du lac des vents, Absinthe le fixe sans mot dire.
Il semble vraiment pas à l'aise et machinalement, la palomino se demande si elle a fait une connerie à un moment donné. Est-ce le fait d'avoir vu ses flancs plats ? Impossible... Elle a prit soin de l'éviter lorsque ses flancs étaient arrondis. Comment pourrait-il savoir qu'elle avait perdu leur enfant ? Qu'un soir, elle s'était réveillée en pleine nuit parce qu'elle trempait dans une mare de sang ? Ce souvenir la hantait encore de temps en temps. Cette petite forme rose et difforme, perdue dans un lac de sang... Absinthe n'avait jamais vu de spectacle aussi cruel.
- Tu me surveilles ? Demande-t-elle finalement.

Ils se toisent en silence durant quelques secondes, et Fléau renâcle, mal à l'aise. Pourquoi ne fuit-elle pas maintenant qu'elle connait la vérité ? Maintenant qu'elle sait qu'il est un être infâme et monstrueux ? Il ne comprend pas pourquoi elle reste là, en face de lui, à le regarder en silence. Ses oreilles se balancent d'avant en arrière tandis qu'il observe la palomino. Sa question ne le surprit pas vraiment, et un légers sourire orna ses lèvres alors qu'il haussait les épaules. Je ne sais pas si on peut dire ça, lui répondit-il finalement. Je surveille surtout qu'il ne t'arrive rien, avoua le solitaire.

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Pourquoi fuirait-elle ? Elle ne ressent aucune crainte vis-à-vis de Fléau. Parce que, finalement, elle baigne dans l'ignorance. Elle ne connait pas ses projets secrets. Elle sait simplement qu'avec Njörd le contact est mal établit. Mais elle ne se sent pas en danger lorsqu'il est là. De toutes façons, elle n'a plus réellement peur de mourir. Plus maintenant.
La réponse du mâle l'intrigue un peu. Veille-t-il sur elle comme un étalon veille sur sa jument ? Cette pensée la fait sourire bien qu'elle ne sache pas réellement comment le prendre.
- Tu sais que je suis une grande fille... N'est-ce pas ? Souffle-t-elle, un brin joueuse.

Peut-être devrait-elle le craindre. Peut-être devrait-elle se rendre compte qu'il était mauvais, même pire que ça, qu'il était un monstre sans âme et sans cœur. Enfin, sans cœur, l'était-il vraiment ? Tic Tac Tic Tac. Plus il passe du temps à ses côtés, plus il se rend compte qu'elle agit sur lui d'une manière totalement inédite. Si Örum voyait ça, il le punirait à coup sûr. Il n'avait pas le droit de se montrer faible, pour rien du tout, et certainement pas pour une petite attirance qu'il jugerait d'inutile.
Un sourire crispé se glissa sur les lèvres de Fléau à la réponse d'Absinthe et il leva légèrement les yeux au ciel. Je suis au courant, merci, lui répondit-il, un peu plus durement que ce qu'il aurait voulu. Mais cela n'empêche pas que je dois vérifier que tout va bien, que tu vas bien, lâcha-t-il avant de se gifler mentalement. Pourquoi avait-il une chose pareille ?

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Absinthe frissonne à la réponse du grand mâle noir. Il fait un peu frais soudainement, non ? Et dire qu'elle voulait simplement détendre l'atmosphère à la base... C'est visiblement loupé. Son sens de l'humour serait-il à revoir ? Peut-être bien. Faut dire qu'elle n'a plus tellement l'habitude. Je dois ? Sérieusement, il trouve que c'est son devoir de vérifier qu'elle aille bien ? Tout ça parce qu'il a manqué de lui faire un gosse ? Enfin... Qu'il lui a fait un gosse, en fait.
- Oh... Merci, souffle-t-elle, sur le cul.
Elle s'attendait à presque tous les scénarios, sauf celui ci.
- Et du coup, qu'est-ce que tu constates ? Est-ce que je vais bien ? Est-ce que tu es rassuré ? Demande-t-elle finalement, légèrement provocatrice.
Faut croire qu'elle aime toujours autant chercher la merde, la blondinette...

Dans une autre situation dans un autre espace-temps, la réaction d'Absinthe l'aurait amusé, mais ce n'est pas le cas ici. Il ne peut pas s'en amuser, il n'en a même pas la force. Sa gorge se noue légèrement et il plante son regard dans celui de la palomino lorsqu'elle lui demande ce qu'il constate. Je vois que tu as les flancs bien plats, signe que tu as perdu l'enfant. Je vois que ça n'a pas l'air de te déranger plus que ça, et je vois que tu n'es pas au courant de mes projets concernant Njörd et toute sa clique, lui répondit-il le plus naturellement du monde. Faire mal, il devait lui faire mal pour réussir à se détacher d'elle. C'était le seul moyen. Le seul moyen.

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Les mots de Fléau sont extrêmement durs et blessants. Ses paroles sont même glaçantes. Est-il entrain de lui dévoiler son vrai visage ?
Les lèvres d'Absinthe s'entrouvrent mais aucun son ne s'en échappe. Autour d'elle, le monde est devenu sourd. Elle n'entend plus rien, hormis les battements de son cœur. Il fait le même raffut qu'une folle cavalcade dans les champs. Comment peut-il savoir pour l'enfant ? Comment peut-il dire ça ? Une vive douleur lui foudroie le ventre.
- Qu'est-ce que tu en sais ? Grogne-t-elle entre ses dents serrées.
Du bébé. De ce qu'elle a ressenti le jour où elle l'a perdu. Ce bébé dont elle ne voulait pas. Ce bébé qu'elle ne voulait pas mais qu'elle a tout de même pleuré. Seule.
- Vas-y, dis moi tout, puisque tu sembles y tenir.
Elle ne désire plus que ça au final. Qu'il lui fasse mal. Parce que c'est tout ce qu'il lui reste dans ce monde de ténèbres. La douleur.

Peut-être aurait-il du continuer de se cacher, de cacher ses véritables intentions, mais il n'en était plus capable. Il en avait franchement marre de jouer un double-jeu, surtout qu'il commençait à s'attacher un peu trop à Absinthe. Les paroles d'Ölum résonnaient dans sa tête et l'empêchait de réfléchir par lui-même. Il devait se débarrasser d'elle, ne pas lui faire confiance, ne pas s'attacher. Qu'est-ce que j'en sais ? Ton attitude parle pour toi Absinthe, rétorqua-t-il avec une haine nouvelle avant de reculer d'un pas, la protégeant de ses réactions vives. Sous le coup de l'énervement, il savait qu'il pourrait faire quelque chose de regrettable. Te dire tout ? Pour que tu ailles tout répéter à ce chien de Njörd ? Hors de question, ricana-t-il.

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Après quelques minutes d'hésitation, Absinthe prend le pas pour rejoindre la rive. Elle sort de l'eau et prend soin de se placer ni trop près ni trop loin de Fléau. Elle ne lui fait pas confiance. Pas assez pour rester près de lui. Elle ne le connait pas, elle ignore qui il est réellement. Il ne ressemble pas au mâle avec lequel elle a flirté non loin de la clairière d'Iris. Elle écarte le sujet sensible du bébé. Il peut penser ce qu'il veut, ce ne sera pas pour autant la réalité.
- Respecte Njörd ! Ou aies au moins la décence de le faire devant moi, c'est mon père je te rappelle, siffle-t-elle en couchant ses oreilles contre sa nuque.
Elle n'a pas fait la distinction entre père et beau-père volontairement. Pour qu'il remarque qu'elle passera toujours Njörd avant lui. Et à vrai dire, elle ignore si Fléau est au courant qu'elle est née d'un premier mariage.

Il pensait pouvoir changer, mettre sa haine envers Njörd de côté. Il avait réussi, c'est vrai, mais ça n'avait duré que quelques heures. Dès qu'il avait su qui elle était, la colère, la frustration, l'envie de vengeance avaient repris le dessus sur tout ce qu'il pouvait ressentir pour la dorée. Et la voir là, si loin mais en même temps si proche de lui, c'était insoutenable. Alors il préférait jouer au connard, c'était plus facile comme ça. C'est pas ton père, claqua-t-il avec haine. Je ne sais pas qui est ton géniteur, mais je sais que ce n'est pas lui, Njörd ne t'as pas eu comme fille, claqua-t-il avec insolence. Oh, il savait beaucoup de choses, surtout ce qui se rapprochait de Njörd, alors qu'Absinthe soit sa fille, il savait cela impossible. Un jour, peut-être que tu comprendras pourquoi j'ai agit comme ça, autant envers toi qu'envers lui, grinça-t-il avant de faire demi-tour et de s'éloigner au pas, incapable de faire face à son regard plein de reproches.

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Il est toujours plus facile de se défiler plutôt que d'affronter les choses en face. C'est pourtant dans les situations difficiles qu'on reconnait la vraie force des individus. Sa réponse l'énerve. Ce n'est pas parce que Njörd n'est pas son père biologique qu'il ne l'est pas du tout.
- Mon beau-père, excuse moi, se corrige-t-elle, lassée.
C'est pourtant lorsqu'il ose se servir du mot géniteur qu'elle explose pour de vrai.
- N'UTILISE PAS CE MOT, gronde-t-elle. Celui qui m'a donné la vie n'est pas un simple géniteur, c'est mon PÈRE. Il m'a pas simplement conçue, il m'a aussi élevée et aimée. Et n'essaie même pas de me dire que ce sont des synonymes parce que moi j'y vois clairement la différence.
Sueño a eu pas mal d'enfants après elle. Absinthe le sait. La majorité peuvent le considérer comme un géniteur mais la dorée pense avoir le droit de le considérer davantage comme un père.
- Et peut-être qu'un jour tu me comprendras moi, soupire-t-elle en le laissant filer.