La valse à milles temps //F//

L'étalon dun domine la vallée. Le troupeau de bisons est revenu avec les beaux jours. Bientôt l'herbe fraîche sera remplacé par une terre boueuse, malaxée par les sabots de ces gros bovidés. Filao n'a pas faim, il a mangé avant de venir. Filao se contente d'observer la vallée avec nostalgie. Maintenant que Kieser est mort, l'étalon à le coeur léger. Ses soucis sont enfin derrière lui.

Même si Filao était devenu grand, Njörd était sur la piste de son fils. Non pas qu’il le surveillait, au contraire. Il avait confiance en lui et en son jugement. Cela dit, il avait le coeur de plus en plus lourd chaque jour depuis ce qu’il s’était passé et garder le secret même aux yeux de son grand garçon était de plus en plus dur. Alors il était venu à sa rencontre. Salut Filao. fit-il une fois arrivé à da hauteur. Il était épuisé, ayant du mal à dormir depuis l’incident, revoyant en boucle les images de cette terrible journée qui, aux yeux des autres plongés dans le secret, était derrière eux. Mais la réalité le pesait. Je... Il faut qu’on parle. Il aimerais le préparer à ce qui suivait, mais il ne savait pas trop comment faire. Il n’aimait pas tourner autour du pot, mais il le fallait bien dans ce cas. Autrement, ce serait trop choquant.

L'étalon caramel garde son regard porté sur l'horizon. La brise matinale lui apporte une odeur familière qu'il reconnait immédiatement. Ses oreilles pivotent vers l'avant lorsqu'il distingue la silhouette noire de son père en contrebas. Filao décide de le rejoindre pour lui épargner l'ascension et pousse un hennissement puissant pour l'interpeller. Il descend au grand trot, ses sabots devenus gros font trembler la terre à chacun de ses pas. Il s'immobilise devant lui, un peu sourire aux lèvres. " Bonjour papa. " dit il, plutôt joyeux au premier abord, mais il remarque très vite la fatigue sur le visage de son père. Njörd a les yeux très cernés, il semble si épuisé qu'on croirait qu'il a pris 10 ans d'âge. Est-il malade ? " Quelque chose ne va pas ? " demande t il en posant instinctivement ses naseaux sur son front pour prendre sa température. Une quantité impressionnante de phéromones de stress émane de son père diffusant autour de lui une aura désagréable. Assez inquiet, l'étalon met ses oreilles en casquette et relève l'encolure.

Il était épuisé. Cela faisait plusieurs nuits qu'il ne dormait que très peu, mais il savait que ça voulait dire qu'il allait bientôt tomber de fatigue et qu'il allait finir par enfin pouvoir prendre un peu de repos. Et reprendre des forces. Mais il avait un poids sur les épaules qu'il avait besoin de partager, au moins avec lui. Je vais bien, t'en fais pas pour moi. Enfin presque. Mais j'aurais quelque chose à te dire. Sauf que ça peut être dur à digérer et tu ne dois pas en parler à personne. Je rigole pas avec ça, il faut que ça reste secret. Il lâcha un petit soupir. Est-ce que je peux te faire confiance ?

Filao dévisage son père avec anxiété. Il n'a jamais vu Njörd dans un tel état, pas même lorsqu'il l'avait averti du retour de Fléau. Sa queue commence à battre ses flancs un peu plus frénétiquement. L'angoisse était contagieuse, et même si le jeune mâle reste impassible, son cœur est sur le point d'exploser. " Dis moi papa. " tonne t il d'une voix sûre en braquant son regard noisette dans les yeux de son père. Ses naseaux viennent toucher l'épaule du mâle noir. Son regard est à la fois franc, et bienveillant. " Tu peux me faire confiance. " Filao n'était plus un poulain maladroit, ni un adolescent revêche, non, il était devenu un étalon digne de confiance qui avait su apprendre les principes que lui avait donné ses parents. Il savait être loyal, et muet comme une tombe.

La pression redescendit lentement en entendant le doré approuver. Il savait qu'il pouvait lui faire confiance. Une petite bouffée de fierté lui redonna d'ailleurs le sourire, un peu plus serein malgré la douleur qui lui traversait le coeur. Ton petit frère ou ta petite soeur est en fait ton demi-frère ou ta demi-soeur. souffla-t-il, son regard fixé sur ses sabots. Il soupira légèrement avant de plonger ses prunelles dans celles de son fils. Si j'ai tué Kieser, c'était pas juste parce qu'il avait essayé de partir avec ta mère. Il l'a violée, Filao. Sa voix se brisa légèrement et il avala difficilement sa salive. Il aimait sa compagne et ce n'était pas ça qui allait changer ça, et il savait très bien qu'il allait aimer cet enfant comme s'il était le sien, mais... Ça lui faisait du mal de savoir que quelqu'un avait réussi à la briser de nouveau.

La nouvelle tombe comme un couperet. Filao ne s'y attendait pas. Même si l'angoisse de son père l'avait préparé à une nouvelle peu réjouissante, il ne s'imaginait pas que cela concernerait encore sa pauvre mère. Très lentement, sa mâchoire se ferme, se verrouille, il serre fort, à s'en faire grincer les dents. Son regard se dérobe un instant sur le lointain et dilate ses naseaux, il a l'impression d'avoir oublié de respirer. Cette révélation lui a coupé le souffle. Son estomac lui semble lourd, si lourd, comme si il avait avalé des pierres. Et un sentiment de nausée s'immisce en s'imaginant l'étalon grimper sur sa mère. L'étalon détourne le regard une nouvelle fois compulsivement, il ferme les yeux pour effacer ces pensées écœurantes. Lorsqu'il ouvre les paupières, son regard s'est transformé en brasier. La haine fait pulser le sang dans ses tempes. Il était a deux doigts d'aller déterrer le cadavre de cette ordure pour exploser un peu plus son crâne sous ses gros sabots. Il aurait mérité de se faire dévorer vivant par des charognards. Après plusieurs minutes de silence, Filao réalise qu'il n'a toujours pas répondu. Sa colère s'apaise lorsqu'il recroise le regard de Njörd, même si sa respiration reste encore saccadée. Il s'approche de son père, le regard lourd. " Papa.. " souffle t il d'une voix douloureuse. " Je te promets que je ne laisserais plus personne lui faire de mal. " jure t il en collant son front au sien, il se recule ensuite pour le regarder droit dans les yeux. " Pour ce qui est de l'enfant. Il sera votre enfant. Et je serais son frère. Je m'occuperais de lui comme si nous étions du même sang, sans distinction. Car nous sommes une famille. " dit il d'une voix posée en inspirant à nouveau. Ce petit n'avait rien demandé. Filao fait la promesse de prendre soin de lui, comme il prend soin de Balsamine ou d'Edelweiss. C'était son rôle de grand frère.

Si l'angoisse était redescendue un instant plus tôt pour laisser place à la fierté, elle remonta lentement alors qu'il était dans l'attente d'une réaction. Il avait beau faire confiance à son fils, il savait que ce serait un coup dur à encaisser, de savoir que sa mère avait subi une telle violence. Mais au moins, ça lui permettrait d'y voir plus clair par rapport à l'état émotionnel de Myosotis.
La réponse du doré le soulageait vraiment. Il aurait pu décider de renier cet enfant, bien que ça l'aurait étonné. Voir à quel point ils se ressemblaient le fit doucement sourire. Merci mon grand. Pour le bien de cet enfant, il faut qu'on garde le secret. Son sourire s'effaça peu à peu. Il ne lui avait jamais parlé de ses origines, mais il avait envie de lui en dire un petit peu plus. Je n'ai pas eu une enfance tendre. Je suis issu d'un viol aussi, mais... J'ai été abandonné. Je me suis fait adopté par des parents géniaux, mais ils n'auront jamais pu m'enlever la sensation que je n'aurais pas dû naître, que je ne suis pas né dans un monde qui voulait de moi. Évidemment, sa vision de lui-même avait changé avec le temps. Je veux éviter ça à tout prix pour cet enfant.

Filao aquiesce d'un hochement de tête. Il est parfaitement d'accord avec les paroles de son père. Cette naissance devait rester une bénédiction, malgré les douloureux souvenirs de sa création. Même si l'étalon caramel éprouve une haine immense à son égard, il ne ressent pas de désir de vengeance. Son père avait fait le nécessaire. Cela ne servait plus à rien de vivre dans le passé. Il tourne la tête vers Njörd. " Qui sera dans la confidence ? " demande t il après avoir repris ses esprits. Son regard demeure aussi bienveillant.

Il était soulagé de voir à quel point son fils pouvait se montrer compréhensif et bienveillant. N'importe quel enfant trop gâté aurait pu avoir dans l'idée de tout déballer à l'enfant à naître, pour rester le véritable bébé de la famille. Il était fier de voir toute la maturité dont pouvait faire preuve le jeune étalon. Absinthe et Irisviel seulement pour l'instant. Il ne savait pas s'il allait le dire à d'autres personnes. Il aurait été tenté de mettre Winterfell dans la confidence pour veiller à ce que Myosotis soit en sécurité, mais, malgré toute la confiance qu'il avait envers son conseiller, il connaissait son caractère un peu impulsif. Il ignorait ce qu'il pourrait dire si jamais l'enfant touchait à sa crinière.

Tu fais bien de ne pas faire confiance à Winter haha La valse à milles temps //F// 199962

Filao donne un petit coup de museau affectif sur la joue de son père. Il l'aime tellement. Jamais il ne le trahira. Mais Njörd n'a pas complètement répondu à sa question. " Et... et ce que il le saura ? " en faisant allusion à l'enfant à naître. Il était crucial pour lui de savoir si le petit allait être mis au courant.

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Njörd retrouva lentement le sourire sous le coup de museau du doré. L'ébène secoua lentement la tête. Non. Aux yeux de tous cet enfant sera le mien, un heureux accident. Et c'est ce qu'on lui fera croire à il ou elle aussi. affirma-t-il. Il était hors de question que l'enfant sache et vive avec ce poids toute sa vie.

Filao fronce les sourcils légèrement, il n'était pas pour les mensonges. Néanmoins, s'il sagissait de préserver son futur petit frère ou petite soeur, il était prêt à renoncer à ses principes. Ce qui l'effrayait un peu, c'était qu'un jour une maladresse soit dite et que la vérité éclate au grand jour. Ce jour là, le mensonge aura fait encore plus de dégâts que la vérité. Il secoue la tête pour éloigner ces sombres pensées de son esprit. " Comment va maman ? " ose t il demander. L'étalon se rendait compte que sa mère supportait mal sa grossesse, bien qu'elle lui dise le contraire constamment. Il comptait sur son père pour en savoir un peu plus. Malgré son apparence paisible, l'étalon est très inquiet.

Il ne savait que trop bien que c'était risqué. C'était pour cela qu'ils n'en parleraient pas à beaucoup de gens, histoire de s'assurer que le secret serait gardé. Il n'était même pas certain d'en parler à ses meilleurs amis, en qui il avait pourtant confiance. Il ne voulait simplement pas blesser le bébé à naître avec quelque chose dont il n'y était pour rien. J'essaie de m'assurer qu'elle mange assez et qu'elle prend soin d'elle. Elle remonte la pente petit à petit.

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