I would've broke my heart in two tryin' to save a part of you ▬ S

( A ne pas lire si vous êtes sensibles émotionnellement parlant les gars. )

♪ Musique maestro ♫

Un hurlement déchire le silence. Personne n'est là pour l'entendre. L'endroit est désert, à l'exception d'une petite jument à la robe de feu et aux crins blonds comme les blés qui est roulée en boule au pied d'un arbre centenaire. Elle se tortille dans l'espoir de trouver une position capable de la soulager. Elle n'a aucune idée de la position à adopter pour rendre le moment moins désagréable. Pour rendre la douleur plus supportable. Ses naseaux effleurent les racines de l'arbre alors qu'une nouvelle vague de douleur lui foudroie le ventre. Une gouttelette salée glisse le long de sa joue et un second hurlement lui échappe. Sa robe alezane s'est obscurcie. Elle luit sous les pâles lumières de l'aube. Les premières poussées sont les plus difficiles. La petite jument au corps étoilé ne s'est jamais sentie si seule. Elle n'aurait pas dû être seule un jour comme celui là. Elle n'a pourtant pas le choix. Elle redouble d'efforts pour donner naissance à son tout premier poulain. De nouveau, un hurlement - bien moins puissant que les précédents - s'élève dans les airs, lorsque les épaules passent enfin. Et quelques minutes plus tard, le travail prend fin. Séléné est exténuée. Elle est perdue aussi. Elle ignore quels sont les bons gestes à avoir en temps que mère. Elle ne sait pas ce qu'est une mère puisqu'elle n'en a jamais eue. Elle tatillonne un peu jusqu'à ce que son instinct commence à la guider. Avec des gestes timides, elle commence par libérer le nouveau-né de la poche qui le retenait jusqu'alors prisonnier. Prisonnière. Elle réalise un peu tardivement que ce n'est pas un mâle mais une femelle. D'un geste un peu plus assuré, elle lui donne quelques coups de langue pour la nettoyer et la réchauffer.
- Je vais t'appeler Pandia, souffle-t-elle à voix basse.
Elle l'effleure de ses naseaux et se relève. Elle sait qu'elle doit l'aider à faire de même pour qu'elle puisse s'alimenter. Mais malgré ses efforts et sa bienveillance la pouliche reste au sol, comme si elle est trop fatiguée pour tenter quoi que ce soit. Et malgré son inexpérience, Séléné sait que quelque chose ne va pas. D'un geste un peu brutal elle glisse ses naseaux sous le ventre de sa fille pour lui donner l'impulsion nécessaire afin qu'elle se lève. En vain. Ses flancs s'agitent faiblement pendant plusieurs minutes puis plus rien.
- Respire Pandia ! L'implore-t-elle en glissant ses naseaux vers les siens.
Des larmes roulent sur ses joues et humidifient le pelage de la nouvelle-née. Séléné sait qu'elle ne pourra rien y faire, que ce combat est perdu d'avance. Elle ne résiste pourtant pas à l'envie - et peut-être même besoin - de se recoucher près du corps sans vie de sa fille qu'elle étreint avec son encolure tout en lui murmurant quelques mots qu'elle seule entendra.

Je peux avec Fléau ?

(je m'incruste aussi )

Le hurlement est à des lieux de l'Île. Pourtant, Faucon l'a entendu. Perché sur la falaise qui surplombe l'océan qui sépare d'un bras court le refuge des Nayati aux autres terres, son ouïe lui apporte le hurlement dont il reconnait la voix. Il sent, d'ici, les vibrations d'angoisse, de douleur, de peur. Il ne lui faut que quelques brefs instants pour faire demi-tour et dévaler la falaise par le chemin qui le mène à la plage, filant comme si sa vie en dépendait. Il vole presque, ventre à terre, ses oreilles couchées en arrière pour que le vent ne le freine pas. Il fait équipe avec le vent. Lorsqu'il emprunte le passage autrefois secret reliant les deux bouts de territoire, il le sent venir dans son dos et sourit. Les éléments sont avec lui. Il accélère encore, oui, c'est possible. Il débarque au bois des spectres en sueur, ses sens en éveil, cherchant à localiser la source. L'odeur - les odeurs - qui sillonnent jusqu'à ses naseaux. Fin traqueur, il les trouve vite.

Il s'approche d'elle d'un trot aérien mais pressé. Son unique oeil ne s'attarde pas sur Séléné, ni sur ses larmes, mais plutôt sur la forme qu'elle tient contre elle. Il est arrivé trop tard, il aurait dû être là ! Pourquoi pleure-t-elle ? L'odeur qui remonte alors jusqu'à lui n'est pas celle de la peur mais celle de la mort. Son coeur se serre, se presse dans un étau comprimant tout oxygène. Il ne montre pas sa panique, son incompréhension, sa colère envers cette injustice. Il ne sait plus vraiment comment agir face à ça. C'est un tueur, il n'est pas habitué à réconforter après une mort. Il ne sait pas faire, ne trouve pas les mots, lui qui les a souvent si justes pourtant. Alors, il vient se coucher lui aussi contre la pouliche - parce que c'est une fille, ou c'était ? - de l'autre côté de Séléné, comme si à eux ils pouvaient former une barrière infranchissable. Que rien ne pourrait leur prendre cet enfant.
Leur enfant.
Je suis là, souffle-t-il d'une voix rauque, perdu dans l'incompréhension. Pourquoi la petite n'a-t-elle pas survécu ? Il ne peut que s'imaginer que cela vient de lui, de ses gênes, de cette consanguinité ancestrale des générations avant la leur qui, dans son sang, lui aurait déjà donné comme héritage de n'avoir qu'un oeil. Et s'il ne pouvait jamais avoir d'enfant ? Il écarte ces pensées et vient souffler un air chaud sur le visage de Séléné, dont il surveille les réactions, l'état d'âme, espérant que sa présence lui sera, sinon utile, au moins bénéfique.

Combien de temps s'écoule avant qu'il n'arrive ? Séléné n'en a aucune idée. Depuis que Pandia a arrêté de respirer, le temps s'est figé. C'est comme si le monde lui appartenait et qu'il pleurait sa mort au lieu de fêter sa venue au monde. Lorsqu'elle détache enfin ses yeux du corps inanimée de la pouliche c'est pour les poser sur Faucon. Il s'est couché face à elle, de manière à placer leur fille entre eux. Comme pour la protéger du monde extérieur. Et d'une certaine manière, le geste du bai suffit à l'apaiser. Elle est heureuse de l'avoir à ses côtés.
- Elle s'appelle Pandia, lui confie-t-elle en posant de nouveau son regard sur elle.
Son poil commence tout juste à être sec. Elle dévoile une couleur sombre qui tire sur un brun aux reflets cuivrés. La robe de son père. Il ne peut pas la renier, c'est certain. Mais comme promis, ça restera leur petit secret. Personne n'apprendra la nouvelle de sa naissance. Ni de sa mort. Séléné avait relativement bien cachée sa gestation. D'un geste délicat, l'alezane effleure l'encolure de Pandia de ses naseaux et sursaute brusquement en voyant ses flancs reprendre un rythme. Elle prend un peu de recul et pose son regard sur Faucon. Elle n'ose pas y croire. Vient-elle réellement de... Revenir à la vie ?

Pandia. C'est joli, comme nom. Moins pour un poulain mort, mais joli quand même. Faucon n'arrive pas à se réjouir, il ne lui sourit pas mais reste là, contre elle. Il veut l'épauler, lui prouver qu'il est là pour elle, comme il le lui avait promis. Qu'il ne la laisserait pas tomber avec cet enfant. Qu'il n'est pas comme ça, qu'il ne peut pas être comme ça.
Il pose au même moment qu'elle ses naseaux sur le corps sans vie de la petite... qui se met soudainement à respirer. Faucon ouvre grand son oeil glacé, abasourdi. Comment est-ce possible ? Comme si elle avait eu besoin de ses deux parents pour prendre vie. Il la pousse un peu plus encore vers Séléné. C'est.. incroyable. Lèche-la, il faut la stimuler... souffle-t-il doucement, massant le corps de la petite avec l'appréhension que tout s'arrête.

La froideur de Faucon ne l'étonne même pas. Qui pourrait se réjouir d'une naissance ayant si mal tourné ? A croire que la faucheuse poursuit inlassablement sa famille. Pourtant, Séléné trouve important de poser un nom sur cette petite boule de poils brune. On enterre pas un inconnu.
Séléné s'exécute rapidement. Il a raison, il faut continuer de la stimuler. Alors elle reprend ses coups de langue pour inciter Pandia à poursuivre ses efforts dans ce difficile combat qu'est la vie. A croire qu'elle avait simplement envie d'être extraordinaire. Une miraculée.

Faucon n'en croit pas ses yeux. Elle ne respirait pas, il l'a bien vu en arrivant ! Et là.. et là c'est comme si tout rentrait dans l'ordre. Plus de peur que de mal. Ou sera-t-elle toujours en danger ? Il observe Séléné s'affairer, avec un fin sourire au bord des lèvres. Il ne peut s'empêcher de penser à Boréale. Que penserait-elle de lui, à cet instant ?
Un petit cri sortant des lèvres de la petite le ramène à l'instant présent. Il ne peut que sourire. C'est son premier enfant, je veux dire, de sang, de vrai sang. Pandia ouvre péniblement un oeil - il est brun, presque ambré. L'autre s'ouvre à son tour et il le découvre bleu. Les yeux vairons, comme sa mère... Mais le bleu de son oeil est glacial, comme le sien. Il lui aura au moins donné quelque chose et, Dieu merci, elle a deux yeux qui semblent fonctionner, elle.

De son côté, Séléné ne pense à rien d'autre qu'à sa fille. Son arrivée a tout chamboulé. Positivement. Et dire qu'elle aurait certainement avorté si elle n'avait pas donné la dernière fiole à Foudre... En découvrant Pandia et le lien qui les relie, elle est presque soulagée de lui avoir laisser la chance de pouvoir venir au monde. Malgré les conditions de sa conception. Malgré la promesse rompue de Faucon envers Boréale. Et si ce bébé, c'était la raison de leur lien ? L'univers a forcément une réponse. Pandia leur dévoile finalement son joli regard. Un iris au brun ambré et un bleu glacé. Le feu et la glace. L'image de ses parents. Séléné sourit. Visiblement l'hétérochromie se transmet de mère en fille. Une fois la respiration de Pandia stabilisée la tachetée se relève. La pouliche ne tarde pas à l'imiter, maladroitement. La première fois elle retombe et sa chute est amortie par son père.

Faucon assiste aussi à ce moment unique, celui de voir naître son premier enfant. Bien sûr, il a épaulé Boréale lorsqu'elle a mis bas d'Australe et il en était tout heureux, tout soulagé aussi. Mais il ne pourra pas nier que là, c'est différent. Cette petite porte son sang. Leur sang.
Il la retient lorsqu'elle tombe, avec un sourire, avant de la pousser du bout des naseaux pour l'encourager à retenter. Elle sera une battante. Elle le prouve déjà. Elle est magnifique, souffle l'entier en cherchant le regard dépareillé de Séléné.

La douceur du moment arrache un sourire à Séléné. Est-ce que les familles normales ressemblent à ça ? L'alezane se permet de rêvasser quelques minutes. Elle aurait aimé que Gryffon soit là. L'amertume se déverse dans son cœur. Il aurait aimé élever l'enfant de Foudre, il serait tombé amoureux de Nova, mais il n'aurait rien fait pour elle. Séléné sort de ses pensées pour glisser son regard sur Faucon. Au moins, lui, il ne l'a pas abandonnée. Il ne lui a jamais fait miroiter quoique ce soit. De nouveau elle lui sourit. Un vrai sourire.
- Je trouve aussi, confirme-t-elle en glissant son regard sur Pandia qui tète avec énergie.

Faucon voit tout. Il étudie le visage de Séléné comme on apprendrait une leçon. Il y discerne sa déception, sa rancoeur, sa peine. Puis constate avec soulagement qu'elle semble les laisser de côté quand elle relève ses yeux sur lui. Au moins qu'il serve à quelque chose.
Il lui a promis qu'il la protègerait toujours. Qu'il serait là pour elle. On peut reprocher beaucoup de choses à Faucon, sans doute, mais pas sa franchise et sa sincérité. Il ment rarement, il faut bien le reconnaître. Il observe un instant la petite - leur fille, même si cela lui semble fou, irréel - et repose son oeil bleu sur la jument. J'aurais aimé arriver avant, pardonne-moi. Il s'en veut réellement. Elle a dû faire sa première mise-bas toute seule, il ne peut imaginer comme cela a dû être angoissant. Tu dois être fatiguée. S'il te faut quoi que ce soit, demande-moi. Et il lui adresse un sourire, un sourire franc, sincère, comme il se permet peu d'en avoir.

Son regard est bienveillant. Elle ne pensait pas qu'être mère serait si instinctif. Elle ne pensait pas non plus qu'elle pourrait ressentir autant d'amour pour un petit être dont elle ne connait rien. Et surtout, elle ne pensait pas que ce serait Faucon le père de son enfant. Elle s'imaginait une parfaite petite vie de famille. Bien loin de ce contexte si particulier. Pourtant elle est loin de le regretter. L'important, c'est qu'elle soit heureuse et Séléné ne doute pas une seule seconde de Faucon pour ça. Et autrement, Snow jouera à merveille le rôle de la figure paternelle. Il l'avait déjà fait pour elle après tout. Et puis c'est sa petite fille.
- Ce n'est pas grave... Je sais que l'île n'est pas à côté, répond-elle.
Et puis ce n'est pas comme s'il avait prit son temps pour venir. Séléné est observatrice, elle a bien vu l'état dans lequel il est arrivé ; transpirant et essoufflé.
- Je pense que je vais rejoindre mon ancien clan. Les Wiha. Pour le bien de Pandia, lui avoue-t-elle.
C'est sa seule option et de toutes manières elle se sentira mieux aux côtés de son père.

Il apprécie l'égard qu'elle a pour lui et la remercie en clignant des yeux, silencieux. Puis, il hoche la tête. La petite tète toujours avec appétit, c'est bon signe. Elle tient déjà sur ses quatre jambes même si celles-ci tremblent un peu. Je pense que c'est une très bonne idée. Vous y serez en sécurité et je saurai où venir te trouver. Il baisse les yeux vers Pandia. Vous trouver. Malgré-tout, elle restera sa fille. Même cachée, même si elle aura peut-être un autre père que lui, dans le coeur du mâle, elle restera sa fille. Il ne faut pas hésiter à venir sur l'île si vous avez besoin de quoi que ce soit, même si c'est seulement d'une protection, lui intime-t-il, sérieux et autoritaire à la fois. Il la poignarde de son oeil glacé, pour lui montrer qu'il ne plaisante pas. Il n'accepterait pas qu'il leur arrive quelque chose, surtout s'il aurait pu changer les choses.
Ah... s'il savait.
Je vais devoir y aller, souffle-t-il sur sa joue, son visage tout près du sien. Il ne souhaite pas que la petite le mémorise trop et l'identifie d'office comme son père. Il n'a pas le droit et ils le savent tous les deux. Mais il tenait à être présent. Quand elle aura un peu grandit, il pourra se présenter comme un ami de sa mère. Ce qu'il est, finalement. Je vous ramène chez les Wiha ?

Une fois repue, la pouliche se détache des mamelles. Elle fait quelques pas sur le côté d'une démarche mal assurée. Ses longues jambes sont encore tremblantes mais elle parvient à garder l'équilibre. Le chemin risque d'être épuisant pour elle, la plage où vivent les Wiha n'est pas juste à côté. Un simple sourire se dessine sur les lèvres de Séléné lorsque Faucon précise qu'il saura où les trouver. Si ça n'aurait pas été chez les Wiha, ça aurait été ici. Le bois des spectres est vraiment un endroit particulier pour elle. C'est l'endroit où elle se sent le plus connectée avec sa mère. Peut-être parce que c'est ici qu'elle lui a donné la vie... Et qu'elle est morte.
- Je n'hésiterai pas, promis.
Bien qu'elle ne pense pas en avoir réellement besoin ; elle s'est toujours sentie en sécurité avec Snow. Et le clan est calme, sans embrouilles. Elle devrait s'en sortir. Elle le pense réellement. Que pourrait-il lui arriver après tout ? Une pointe de tristesse la saisie lorsqu'il souffle qu'il doit y aller. Elle comprend pourtant ; il ne faut pas laisser à Pandia l'occasion de faire le lien entre la présence de Faucon et le lien qui les relie.
- Non. Je vais rester un peu de temps ici, le temps qu'elle soit assez en forme pour faire le voyage, répond-elle.

Il aurait aimé pouvoir les raccompagner, se dire qu'il ne l'abandonnait pas vraiment ici. Mais il respecte sa décision et pourtant, il sait aussi qu'il doit s'en aller. Il saisit la légère tristesse qui la transperce et cela lui fait mal, à lui aussi. Pourtant, Faucon ne montre rien, imperméable à tout. On pourrait le croire si insensible alors que c'est bien le contraire, à l'intérieur, là où personne ne peut entrer pour voir. D'accord. J'espère que tu ne m'en veux pas de devoir m'éclipser. Il s'approche de la petite et, tendrement, effleure son petit toupet dressé sur sa tête. Il croise son regard dépareillé, lui sourit et fait demi-tour. Il passe devant Séléné et s'immobilise à sa hauteur. Ses lèvres viennent se poser à la commissure des siennes. Je reviendrai bientôt vous voir, dans quelques jours.
Oui, ils se reverront dans quelques jours, en effet.
Pas vraiment de la façon dont il(s) le pense(nt).

» Oh, you broke my heart.
» Don't save me, don't save me ; cause I don't care. ∞ B.
» ~ get rich or die tryin'
» ~ I broke my promises
» ♠ Broke our mirrors.