Expelliarmus //F//

Foudre se prépare à rejoindre son nid. La journée a été éprouvante. La noiraude à terminé son tour de garde, ses sabots sont tellement douloureux qu'elle ne prend même pas la peine de manger avant d'aller s'allonger. La corne de ses pieds est toute usée par ses multiples allés-retours sur la roche volcanique. Alors qu'elle gratte son nid pour soulever la mousse fraîche, son regard se pose sur une silhouette qui dort au fond de la caverne.  

Pandia aussi a passé une journée éprouvante. Et pour cause ; elle est partie explorer une partie des terres qui composent l'île. Et il s'avère qu'elle est bien plus grande que ce qu'elle pensait. C'est donc lessivée qu'elle regagne la roche-mère et qu'elle va se coucher dans son nid sans demander son reste. Elle a tout naturellement choisit l'un des nids qui se trouvait le plus au fond de la taverne sans savoir s'il appartenait à quelqu'un ou pas. A vrai dire elle s'en fiche. Il avait l'air confortable alors elle s'y est installée. Et une fois les yeux fermés, elle a vite sombré dans le pays des rêves. C'est l'arrivée de Foudre, quelques heures plus tard, qui lui fait ouvrir les yeux. Paresseusement, Pandia s'étire et pose son regard dépareillé sur la jument noire. Ses petits naseaux vrombissent légèrement. Est-ce qu'elle va venir s'occuper d'elle ?

Pandia ne quitte pas l'adulte du regard et lorsqu'elle recommence à gratter la mousse de son nid, la pouliche renâcle de nouveau pour attirer son attention. Et ça marche. La noiraude relève la tête et leurs regards se croisent. Cette fois ci, Pandia sait qu'elle a l'entière attention de Foudre. La tête toujours posée au sol, elle se contente de la suivre du regard lorsqu'elle s'approche d'elle. Elle n'a plus peur de l'attitude de Foudre. Elle sait qu'elle n'est pas méchante.
- J'ai déjà dormi, répond-elle.
Elle se laisse faire docilement. A vrai dire, elle aime bien qu'on s'occupe d'elle. Qu'on lui donne de l'attention. Ça lui fait presque oublier que sa maman n'est plus là pour le faire. Elle lève lentement la tête pour effleurer de ses naseaux ceux de la jument. Depuis qu'elle est arrivée ici, Foudre est la première à s'intéresser à elle. Pandia se demande pourquoi. D'autant plus que le jour de son arrivée, ce n'était pas vraiment la plus... Chaleureuse.

Foudre n'arrive pas à quitter le regard de la pouliche. Elle l'a détaille minutieusement, sentant son cœur se serrer à chaque ressemblance avec Séléné. Les naseaux de la pouliche effleure les siens, elle tressaille légèrement, très peu habituée aux marques d'affection. Foudre se couche à coté de la petite, sans oser se mettre contre elle. " Comment te sens-tu ici Pandia ? " demande t elle avec une douceur un peu maladroite. Sa voix est plutôt rauque, comme celle d'un mâle, c'est difficile pour elle de faire preuve de douceur. Ses naseaux effleurent légèrement le dos de la petite, pour s'imprégner de son parfum.  

Les yeux de Pandia s'écarquillent légèrement lorsque la jument noire vient se coucher non loin d'elle. La pouliche ne s'attendait pas à une telle réaction de la part de Foudre. En fait, elle misait plutôt sur une totale indifférence. Elle se trompait. La question qu'elle lui pose la perturbe un peu et lui fait mal au cœur. Un sourire tordu étire le coin de ses lèvres et elle se met à farfouiller la mousse de son nid du bout de son nez.
- Bien, lui répond-elle d'une petite voix.
En fait, c'est plutôt le contraire. Déjà parce que son arrivée ici est liée au décès prématuré de sa mère. Dans les autres raisons, on peut citer Australe et même de manière générale comment s'est déroulée son arrivée sur les terres Nayati. Pour le reste, elle ne se sent pas si mal. Son père s'occupe convenablement d'elle et elle commence à se faire quelques amis. Il y a sans doute des situations bien pire que la sienne.

Foudre est très attentive. Elle perçoit les gestes parasites de de la pouliche qui tente de dissimuler son malaise. En vérité, elle sait très bien que la petite ne va pas bien. Sa question était simplement pour la sonder. Savoir si elle s'ouvrirait a elle directement, ou pas. Et visiblement ce n'était pas le cas. " C'est a propos de ta mère c'est ça ? " demande t elle sans vraiment attendre de réponse. Elle laisse le silence retomber quelques instants avant de reprendre la parole." Je comprends ce que tu ressens. Ce sentiment d'injustice. De solitude. J'ai vécu quelque chose de semblable quand j'avais ton âge. " En effet, Foudre avait subit très jeune l'abandon de sa mère, mais elle avait dû aussi endurer l'indifférence de son père. La louve noire pose son regard ambré sur Pandia. Seuls ses iris brillent dans la pénombre de la Roche-mère.

Pandia s'arrête de fouiller dans la mousse fraîche lorsqu'un mot bien particulier glisse à ses oreilles ; mère. Une boule se forme dans son ventre et ses yeux glissent lentement vers ceux de Foudre qui brillent dans la pénombre.
- Elle me manque... Avoue-t-elle de sa voix d'enfant en détachant précipitamment ses yeux des siens.
Devant son père, elle n'ose pas le dire. Elle ne se sent pas très à l'aise avec lui lorsqu'il faut parler de sentiments et d'émotions. Surtout lorsque sa concerne sa mère. Peut-être que ce sera plus facile dans quelques temps. Quand les plaies seront cicatrisées. Les iris vairons de Pandia retrouvent finalement ceux de Foudre et avec précaution elle rampe jusqu'à elle pour venir se blottir contre son ventre. Sa chaleur lui fait du bien.
- Ta maman est morte aussi ? Demande la pouliche en levant les yeux vers la jument noire.

Les oreilles de Pandia se tournent vers l'arrière lorsque Foudre lui apprend son passé. Elle se sent encore plus triste maintenant. Comment une mère peut-elle abandonner son enfant ? Après l'avoir porté dans son ventre si longtemps… Inconsciemment, la petite brune se projette. Elle imagine comment serait sa vie si son père ne l'avait pas retrouvée. Ou s'il n'avait pas voulu d'elle. Est-ce qu'elle aurait connu le même sort que Foudre ? Est-ce qu'elle aurait été élevée dans un clan qui n'était pas le sien ?
- Est-ce que j'aurai dû vivre dans un autre clan ? Est-ce que moi aussi je suis dans un clan qui n'est pas le mien ? Demande-t-elle en maintenant son regard dans celui de l'adulte.
La tribu, c'est le clan de son père, elle le sait. Mais est-ce que ça en fait d'office son clan à elle aussi ? Après tout… Sa mère n'en faisait pas partie et elle ne comptait visiblement pas en faire partie un jour. Puisque, dans son cœur, il n'existait qu'un seul clan ; celui de la falaise. Le clan Wiha.

Est-ce que j'aurai dû vivre dans un autre clan ? Est-ce que moi aussi je suis dans un clan qui n'est pas le mien ? Cette petite voix résonne dans sa tête comme une mélodie de clochettes. Elle fait écho à des souvenirs profonds qu'elle pensait avoir si bien enfouis qu'ils ne seraient jamais déterrés. Cette petite voix plaintive ressemblait étrangement à la sienne, lors de ces nuits sans lune où elle ne dormait pas. Où elle pleurait sa mère et se demandait ce qu'elle faisait ici. Foudre ne peut se résigner à lui mentir. A lui dire que la Tribu serait dorénavant sa nouvelle famille. Pour la jument, la seule personne capable de prendre cette décision c'était bien Pandia. " Toi seule connait la réponse, Pandia. " souffle t elle d'une voix douce en effleurant son petit front duveteux. Sa voix est un peu chevrotante, elle s'habitue progressivement à prononcer son nom. " Tu as le temps pour choisir, cela ne doit pas te préoccuper pour l'instant. Il n'y a rien de définitif. Saches que si tu décides de rester ici, je veillerais sur toi. " rajoute t elle d'une voix qui se veut rassurante. Son regard se perd un instant dans le regard vairons de la pouliche. Le visage de Séléné s'immisce inconsciemment dans son esprit : Son sourire enfantin, ses prunelles rondes et ses courbes élancées. Ta fille te ressemble tellement, Séléné.

L'air songeur qui s'affiche sur le visage de Foudre intrigue Pandia. Est-ce qu'elle repense à la période où elle était une enfant ? Malgré sa curiosité, la pouliche prend son mal en patience même si ces quelques minutes qui s'écoulent lui semblent terriblement longues. La jument noire lui répond finalement qu'elle seule connait la réponse ce qui fait tiquer Pandia. Elle n'est pas certaine que ce soit la vérité mais puisqu'elle ne veut pas froisser sa protectrice elle garde le silence.
- Je ne vais pas partir alors que papa est ici... Et puis... C'est lui qui m'a amenée ici. Je pense qu'il ne serait pas vraiment d'accord que je m'en aille...
Et au-delà de ça, elle n'avait pas envie de s'éloigner de Faucon. Même si elle ne le connaissait pas encore très bien. Et puis quelque chose d'étrange la poussait à se rapprocher de Foudre. C'était plus fort qu'elle.
- Tu me protégeras toujours ? Comme papa le fait ? Demande-t-elle d'une voix fébrile.

Foudre plonge son regard dans celui de Pandia. Un regard sévère, presque déstabilisant. La noiraude n'a jamais su faire dans la douceur. Et ses sourcils froncés lui donnent une apparence autoritaire. Elle ne cherche pourtant pas à l'effrayer, ni à l'impressionner, mais sa prestance naturelle diffuse une aura inquiétante. Il n'est jamais facile d’interpréter cette attitude hostile. Foudre souffle lentement de ses gros naseaux pour faire virevolter le toupet de la pouliche. " Ton père est quelqu'un de bien. S'il t'a fait venir ici c'est parce qu'il veut garantir sa sécurité. Nous sommes une Tribu. Nous fonctionnons comme une meute. Les plus forts protègent les plus faibles. " Elle marque une pause pour laisser le temps à Pandia pour s'imprégner de ses paroles. " Mais lorsque tu seras adulte, toi seule choisira ce que tu considères bon pour toi. " explique t elle d'une voix qui se veut pédagogue. Elle donne un petit coup de nez sur la joue maladroitement. Foudre aussi est en plein apprentissage. Elle apprend la douceur. Son instinct de protection s’accroît de jours en jours. Un semblant d'instinct maternel ? Difficile à dire pour l'instant, mais tout ce qu'elle sait c'est d'un lien unique la lie à cette petite. Aux dernières paroles de Pandia, un long frisson s'empare de l'échine de l'ébène. Ces paroles... c'est tout ce qu'elle s'était juré de ne jamais faire. Depuis toujours, Foudre s'est interdit d'aimer, de s'attacher. Car pour elle l'attachement n'est synonyme que de tristesse et de trahison. Elle ne voulait pas souffrir. Et par dessus tout elle ne voulait pas faire souffrir Pandia, ni prendre le risque de la décevoir. La louve noire n'était pas certaine d'être à la hauteur. Depuis quand as-tu manqué de confiance Foudre ? N'aimes-tu pas prendre des risques ? s'interroge t elle intérieurement. Ca ne te ressemble pas... La jument noire reste complètement impassible, seul sa queue bât ses flancs lentement comme un métronome. Après quelques secondes de silence, Foudre inspire à fond. " Je ne peux pas te promettre d'être toujours là pour te protéger. Mais si tu as besoin de moi, je serais là. " répondit elle d'une voix calme tandis que ses oreilles basculent vers l'avant. Elle est rationnelle comme toujours.

Le regard sévère de Foudre ne fait même pas réagir Pandia. A vrai dire, elle s'est habitué à l'air grognon de la jument noire. Et puis son attitude est rarement en accord avec sa véritable personnalité ; elle semble autoritaire mais elle ne n'est pas vraiment. Du moins pas avec Pandia. Elle est bien plus douce qu'on pourrait le penser. Il n'empêche que, dans le fond, la pouliche la craint un peu. Elle sait qu'il ne faut pas emmerder les individus comme Foudre - qui porte d'ailleurs bien son nom. Pandia finit par acquiescer aux paroles de la jument. Elle sait que son père est quelqu'un de bien, elle l'a ressenti. Quant à la tribu... Elle ignore encore si elle s'y sentira bien un jour. Certainement. Ou peut-être qu'elle désertera dès qu'elle en aura l'âge. Qui sait de quoi demain est fait... ?
- D'accord...
La réponse n'était pas celle qu'elle espérait mais tant pis. C'était peut-être une demande irréalisable. Et peut-être que seuls les parents peuvent se dévouer à ce point là pour leurs enfants. Peut-être qu'un jour Boréale l'aimera comme une mère aime son enfant. Qui sait. En attendant, Pandia sait qu'elle peut compter sur son père.
- Foudre... Tu avais un autre nom avant ? Papa m'a dit que je devrais en choisir un autre bientôt, quand on me baptisera... Souffle-t-elle, l'air inquiète.
Pandia, c'est le nom que lui a donné sa mère. En changer, c'est un peu comme une trahison, non ?