traque / f

La nuit est tombée depuis plusieurs heures. Faucon était en ronde. Depuis son nouveau grade au sein des Nayati, l'entier n'a pourtant pas changé ses habitudes. Pas question de se ramollir. Il lui faut rester en forme, il lui faut rester prêt. Nul ne peut savoir quand il devra frapper. Sur le sol pavé, ses sabots résonnent dans la nuit. Le félin file quelque part en parallèle, mais le rapace lui coupe brusquement la route entre deux ruines et le percute violemment. Un feulement lui griffe l'oreille mais le mâle y met un terme en un instant. Simple, rapide, efficace. Ne jamais faire souffrir. Juste éliminer.
Il lâche sa proie - rôles inversés - et tourne la tête pour écouter le calme provoqué par sa course bruyante.

C'est à cet instant que la silhouette imposante de Meruem se dessine devant l'étalon, qu'elle a silencieusement observé. La mise à mort du félin à été rapide. Si rapide, qu'elle lui en a tiré un petit sourire de satisfaction. Gardant le silence, elle attend. Quoi ? Certainement qu'il vienne à sa rencontre. Sans savoir si elle allait se faire agresser ou accueillir normalement.

Un filet de sang s'échappe du coin des lèvres de l'entier, qui a relâché la nuque brisée du félin. Ses sens sur-développés captent immédiatement une autre odeur et son ouïe fine décèle facilement un intrus dans le paysage. Bien plus fiable que sa vue défaillante. Son unique oeil valide se braque sur une silhouette noire comme la nuit et, d'abord, il croirait voir Plum. Mais l'odeur lui indique vite que ce n'est pas elle. Il s'écarte d'un pas de la carcasse déchue du prédateur, avant de s'immobiliser et de poser son oeil si clair qu'il en est presque blanc sur l'inconnue, sans rien dire.

Si elle n'avait pas déjà été habituée à ce genre de regard, Meruem en aurait presque frissonné. Dardant un regard similaire sur l'inconnu, la Colossale l'observe intensément, relevant chaque cicatrice sur son corps qui semble avoir déjà vécues de nombreuses lunes et batailles. Vous avez réussi à terminer le travail ... Constate la jument avec un demi sourire. En vérité, elle avait elle même pris l'animal en chasse depuis un moment, après qu'il aie tenté de l'agresser, probablement pour tenter de faire d'elle son repas. D'ailleurs, la blessure encore fraîche courant de la moitié de son poitrail au bas de son épaule en témoigne clairement.

Les cicatrices sur le corps de Faucon sont anciennes. Il n'a jamais été gravement blessé, il faut le dire. Pourtant, il a déjà tué.
Trois fois.
Son unique oeil observe lui aussi sa blessure, bien plus fraîche que les siennes d'ailleurs. C'est l'odeur du sang qui lui a mis la puce à l'oreille. Il garde ses oreilles inclinées vers la colosse noire, détendu. Ses muscles sont pourtant toujours bandés comme la corde d'un arc prêt à tirer. Il faut toujours le terminer. Le nouveau chef des Nayatis penche la tête légèrement sur le côté. Navré si je vous suis passé devant, ça n'était pas mon but. Il n'en sait rien mais prêche le faux pour savoir le vrai et affiche un sourire aussi fin qu'une ligne tracée au crayon à papier.

Elle lui rend son sourire, tout en continuant à l'observer, ses yeux doré senblant sonder chaque parcelle de son âme. Sa façon de parler, de se mouvoir, de regarder les yeux. Il est aisé pour Meruem de deviner qu'il est borgne, même sans approfondir les choses. Il m'a attaquée par surprise, je l'ai donc traqué jusqu'ici pour l'achever mais vous avez été plus rapide que moi. Simple constatation. Lorsque l'on est aussi massive qu'elle, il n'est pas forcément aisé de réaliser une traque rapide et silencieuse. Et le risque ici était que l'animal réussisse à lui échapper ou que quelqu'un ne se charge de son cas.

En effet, Faucon est bien moins costaud qu'elle. Il est donc plus agile, plus discret. Beaucoup n'auraient pas eu cette décence, reconnait-il en inclinant la tête de façon à témoigner de son respect. Car pour lui, cela est respectable d'agir ainsi avec les proies, quelles qu'elles soient. Un fin filet de sueur couvre encore son corps fin et nerveux et Faucon s'ébroue en silence avant d'avancer vers elle. Il m'est rare de croiser quelqu'un à cette heure tardive.

Se rendant soudainement compte qu'elle se trouvait dans un endroit méconnu, Meruem jette un rapide coup d'oeil autour d'elle. À vrai dire je ne sais même pas où je suis ... Concède-t-elle alors, comprenant qu'elle avait certainement dépassées les frontières des terres du peuple ergien ... cependant, ne connaissant pas encore bien toutes les régions qui composent le pays gsiens, la Colossale ne sait même pas où elle est. Je l'ai traqué trop loin et longtemps ... Simple constatation, à nouveau.

Faucon reste d'abord silencieux. Son cerveau toujours connecté et fonctionnel analyse tout, comme à son habitude. Chaque geste, mimique, intonation, chaque respiration plus courte ou plus longue, chaque changement imperceptible pour d'autres. Tout est passé au laser qu'il s'est imposé, devenu un outil habituel aujourd'hui. Chaque infime changement est un indice, un aveu sur l'inconnue. D'où venez-vous ? demande-t-il d'abord, son ton laissant entendre une simple curiosité courtoise. Pour lui confirmer qu'elle était loin de chez elle, il lui fallait d'abord savoir où était ce "chez-elle". Nous sommes sur une des routes qui traversent les ruines. En continuant à l'ouest, on tomberait sur la clairière d'iris. Au nord, sur la banquise. Au sud par contre se trouve le lagon et plus encore au sud les landes et le désert. Et à l'est, la jungle. Il ne sait pas si ça peut l'aider à se situer, mais peut-être a-t-elle déjà visité un de ces lieux. Il ne sourit pas, toujours avec cette allure terriblement neutre, froide, presque glaciale mais pourtant rien dans sa voix claire ne semble agressif.

L'ébène écoute son interlocuteur avec attention. Une petite grimace s'affiche sur son visage à mesure qu'il lui décrit les différents chemins à prendre. Je suis arrivée il y a seulement quelques semaines dans ce pays ... Commence Meruem, en essayant tant bien que mal de se repérer. ... je ne connais pas encore bien tous les us et coutume. Nouvelle petite pose, tandis que son regard d'or embrasse les alentours avec curiosité. Tout ce que je sais c'est que j'étais non loin du campement de l'Erg quand il m'a attaqué. Petit signe de tête vers le corps du félin aux pieds du Borgne.

Il hoche la tête, lui souhaitant ainsi la bienvenue en silence. Vous les apprendrez petit à petit, la rassure-t-il presque, toujours de sa voix froide et ferme. Pourtant, il n'est pas agressif. Il a toujours été comme ça. Ses oreilles se dressent vers elle. L'Erg ? Vous en faîtes partie ? demande-t-il avec neutralité, même si sa curiosité est un peu piquée. Faucon camoufle très bien ses intentions, encore plus ses sentiments. Il ne montre rien, rien que ce qu'il choisit de mettre à jour. Il n'a pas senti l'odeur de l'Erg sur elle, pourtant il la connait bien. Peut-être parce qu'elle est trop récente pour s'en être imprégnée, ou bien que leur odeur a changé avec toutes les pertes qu'ils ont subi. Ou bien parce qu'elle n'en fait simplement pas partie.

Mer 2 Sep 2020 - 17:16

Elle opine du chef. Meruem n'est pas une menteuse. À quoi bon cacher ceci ? Quels que soient les différents entre les clans, pour le moment, elle n'a rien à voir avec cela. J'y ai retrouvée une vieille amie. Petite pause. Je l'y ai donc rejoint afin de démarrer ma nouvelle vie.

Mer 2 Sep 2020 - 20:28

Il hoche lentement la tête, sans poser plus de questions pour le moment. De toute façon, l'Erg est hors d'état de nuire à présent. Ils ont réglé leurs différends. Ils ont perdu trop de leurs membres dans cette quête de vengeance inutile.
Finalement, ce ne sont même pas eux qui auront eu la peau de sa mère. Il reste muet, l'observant avec minutie, détaillant chacun de ses traits qui lui rappellent toujours Plum.

Mer 16 Sep 2020 - 13:02

Un long silence s'installe entre eux. Quelque chose chez lui laisse à penser qu'il se méfie légèrement, ou alors qu'elle ne semble pas le première jument de cette stature qu'il rencontre. Lentement, Meruem vient alors planter ses prunelles d'or dans celle de l'inconnu, interrogative. On s'est déjà croisés ? La question est silencieuse mais tellement visible. Je vous fais pensez à quelqu'un ?

Lun 21 Sep 2020 - 22:55

Mais Faucon n'est pas méfiant. Ou du moins, s'il l'est, c'est imperceptible, comme tout le reste. Il se contente de la fixer, stoïque et d'apparence détendue. Un peu, oui, fait-il en restant volontairement évasif. De toute façon, il y a peu de chance qu'elle ait croisé la route de Plum.

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