FootPrint //F//

Foudre navigue dans le champ de fleurs. Naseaux au sol, elle suit une piste comme un chien de chasse. Les nombreux pollens n'arrêtent pas de la faire éternuer, mais la noiraude ne se laisse pas déconcentrer. Ses pas la guide jusqu'à un grand arbre aux racines noueuses. Elle s'immobilise. De grandes pattes d'animaux inconnus sont apposés sur le tronc. Cet animal intrus essaye de marquer son territoire ça ne fait aucun doute ! La noiraude ronfle bruyamment, visiblement agacée. Elle étudie la forme des empreintes et quelque chose l'inquiète : Leur taille. Elle sont aussi grosses que celles d'un Grizzli. Ce prédateur risque d'être une menace pour les Nayatis.  

Hirondelle aussi vagabonde dans les terres de l'Ouest. Curieuse comme tout, elle explore ces terres inconnues depuis plusieurs jours déjà. Si bien qu'elle a déjà fait plusieurs constatations et découvert de nombreux mystères qu'elle aimerait élucider. Comme par exemple la présence d'étranges animaux se déplaçant non pas sur quatre pattes mais seulement sur deux. Les deux arrières. Comme s'ils se cabraient en permanence, ce qui est assez bizarre. D'autant plus que ça doit être sacrément inconfortable. Pour le moment, les étranges animaux ne semblent pas avoir remarqué sa présence. Ils font des trucs bizarres mais ils n'ont jamais essayé de s'approcher d'elle. Pour le moment, elle non plus ne s'est pas approchée d'eux car malgré sa curiosité, elle reste méfiante. Hirondelle prend le petit trot lorsqu'elle arrive dans une vaste plaine fleurie. D'ailleurs cette terre lui fait beaucoup penser à la clairière d'Iris. La jeune adulte repasse finalement au pas et se met à se déplacer de la manière la plus discrète possible puisqu'elle vient de voir Foudre et qu'elle compte bien la prendre en chasse... Pour lui bondir dessus en rugissant comme un lion.
- A TABLEEEEEEEE ! Hurle-t-elle dans les oreilles de la noiraude en retombant lourdement sur elle pour lui grignoter l'encolure.

Foudre regarde les empreintes avec fascination. Comment est-il possible d'avoir de telles empreintes sur le tronc, alors qu'au sol il n'y a que des traces de sabots. Les pattes arrières de ces animaux seraient-elles différentes des pattes avant ? Foudre n'y comprends plus rien. Un bruissement derrière elle lui fait baisser les oreilles. L'espionne reste sur ses gardes dans ce territoire hostile. Lorsqu'un équidé lui bondit dessus, la jument pousse un hennissement rageur et se s'apprête à contre-attaquer. Elle s'arrête de justesse, en aperçevant les crins blonds de sa petite protégée. " Hirondelle ! " s'exclame t elle, courroucée. " Que fais-tu ici ? Tu sais très bien que les jeunes ont interdiction de sortir de l'île " Bon ok, sa nièce n'était plus un poulain, mais elle était suffisamment imprudente pour mériter de rester au clan. La noiraude secoue l'encolure pour se débarrasser de la mâchoire d'Hirondelle puis la toise d'un regard dur en attendant des explications.

Hirondelle mâchouille avec soin les crins de Foudre en même temps que la peau de son encolure. Elle n'a pas si mauvais goût d'ailleurs. Elle s'attendait à bien pire. Par contre, elle a l'air vraiment coriace. C'est pas très agréable. Lassée de son petit jeu et du manque de réaction de l'espionne, Hirondelle finit par retomber au sol.
- J'suis pas un bébé, grince-t-elle en redressant son encolure. J'suis une adulte maintenant, rajoute-t-elle avec fierté.
Du coup, elle a le droit de faire ce qu'elle veut. Y comprit de visiter les terres de l'Ouest. Son père ne lui a pas interdit en tous cas.
- Papa le sait. Enfin je crois. Mais t'inquiète pas, je lui ai dit que je serai sage. Et prudente. Je suis toujours prudente. Tu sais bien, rétorque-t-elle avec un grand sourire.
Mais oui bien sûr Hirondelle, on va te croire.

Foudre ne cesse de toiser Hirondelle d'un oeil mauvais. Même si elle aimerait la sermonner, son affection l'en empêche. Elle ronchonne mollement pour la forme, mais elle est nullement impressionnante. La petite l'a bien compris. " J'te signale que seul les éclaireurs aguerris sont missionnés pour aller ici. Et tu n'en fait pas parti ! " Foudre vient faire claquer ses dents juste devant les vibrisses de la petite effrontée. " Si il t'arrive quelque chose, ton père va me tuer. " La noiraude lève les yeux au ciel. Il est trop tard pour rentrer au campement, sinon sa mission tombait à l'eau. Elle allait devoir se la coltiner. " Bon. Je t'autorise à rester mais t'a intérêt à m'écouter ! " Foudre souffle bruyamment des naseaux, visiblement agacée. " Tu vois ça ? Ce sont les empreintes des hommes. Ce sont eux que je cherche. " souffle t elle en dirigeant ses naseaux sur les traces de peinture laissées sur l'arbre.  

Avec le temps, Hirondelle s'est habituée au caractère ronchon de Foudre. Elle sait désormais que son attitude parfois peu avenante et désagréable n'est souvent qu'une façade. Alors elle fait souvent comme si de rien n'était. Même lorsqu'elle a l'air sérieuse.
- Je peux te dire un secret ? Commence-t-elle, à voix basse, sur le ton de la confidence.
Elle fait mine d'observer autour d'elles puis reporte son attention sur la noiraude.
- Quand tu es partie, j'étais avec papa. C'est lui qui m'a missionnée pour que je te suive. Pour que je m'entraîne, lui dit-elle en tâchant de rester sérieuse malgré son envie de rire.
Parce qu'évidemment, ce "secret" n'est qu'un ramassis de mensonge. Hirondelle n'a jamais vraiment prévenu son père pour sa petite excursion. Mais puisqu'elle suivait Foudre... Le prévenir n'était pas vraiment utile.
- T'inquiète. C'est pas la première fois que je viens ici, lâche-t-elle soudainement, histoire de lui faire comprendre qu'elle n'était pas en danger.
La preuve, elle était encore là.
- Les hommes ? C'est ces drôles d'animaux qui marchent sur deux pattes ? Demande la jeune Nayati en observant de plus près les étranges traces qui s'étirent sur l'écorce de l'arbre.

Foudre approche lentement sa tête de celle de l'adolescente. Ses yeux la toise durement. " Tu m'prends vraiment pour une banane ? " La noiraude n'était pas une cruche, Faucon avait dit au rassemblement que les jeunes devaient se tenir à l'écart des terres de l'Ouest, et vu comme ce dernier protégeait sa fille, cela l'étonnait fort qu'il l'a laisse participer à une mission aussi dangereuse. T'inquiète. C'est pas la première fois que je viens ici De mieux en mieux ces révélations... Elle veut vraiment perdre ses oreilles la p'tite ! Mais la dernière phrase titille la curiosité de Foudre. " Les hommes ? Tu les a déjà vu ? " questionne t elle, finalement intéressée par les dires de sa petite fillote.  

Un air malicieux prend possession de son visage et même si elle n'en laisse rien paraître, elle est très amusée par la réplique de sa protectrice. Une banane... C'est vrai qu'à bien y réfléchir, elle ressemble d'avantage à un grain de raisin
- Oui. Plusieurs fois. Mais toujours de loin. Parfois ils sont en groupe et parfois seuls. Et souvent, ils sont accompagnés d'un cheval, répond Hirondelle d'une voix détachée alors qu'en vrai, elle est surexcitée d'enfin pouvoir donner les détails de ses nombreuses expéditions à quelqu'un.
Qui de mieux que sa tantie d'amour pour ça d'ailleurs ? Sachant qu'elle ne pouvait absolument pas révéler à ses parents son petit secret d'espionnage sans risquer de finir consignée à la roche-mère jusqu'à... Jusqu'à quand d'ailleurs ?

Foudre est complètement dépitée. Intérieurement, sa mâchoire est entrain de tomber, elle est complètement désarçonnée par ce qu'elle vient d'apprendre. Mais extérieurement elle reste droite et autoritaire. Elle ne cille pas et ses oreilles sont inflexibles. Foudre aimerait la sermonner mais ne le fait pas. Ce qui est fait, est fait. Faucon lui avait dit que cela ne servait à rien d'essayer de la museler, car cela la rendrait plus imprudente encore. " Je ne dirais rien à ton père. A une seule condition : Sois prudente quand tu fais ça. Et surtout, ne t'approches jamais de leur campement. C'est bien clair ? " ordonne t elle d'une voix ferme. Foudre garde la pause pendant plusieurs secondes, dardant son regard intransigeant dans celui de Hirondelle pour être sûr qu'elle ai bien compris. Ce regard puissant signifiait beaucoup. Il était sévère, certes, mais on y décelait une pointe d'affection. Une sorte d'angoisse presque maternelle. Quelques secondes plus tard, son regard se radoucit. Elle souffle prudemment. Cette discussion lui a donné mal à la tête. Foudre arrondie l'encolure, il est temps de passer aux choses sérieuses. " Bien. Maintenant dis moi tout ce que tu sais. " dit elle en sortant son calepin. Quitte a s'être mis en danger, autant que ça soit utile.

Hirondelle sait pertinemment que ses révélations ne font pas plaisir à Foudre. Son père serait sans doute furieux, lui aussi. Mais, comme il le dit si bien, il ne peut pas la museler. Parce qu'il connait sa nature. Et si Faucon est incapable de la raisonner, personne d'autre ne sera en mesure de le faire. Considérez ça comme un héritage lui venant directement de sa grand-mère. Sa liberté sera toujours plus importante que le reste et ce n'est pas négociable.
- Je ne suis pas idiote. Je les espionne, c'est tout. Je ne m'amuse pas avec eux. Je les surveille, répond-elle avec aplomb.
Sale gosse. Pourtant elle ne ment pas ; elle ne s'est jamais approchée d'eux. Elle s'est toujours contentée de les observer de loin. Et si elle sait où se trouve leur campement, elle ne s'en est pas approché. Sa curiosité n'était pas encore assez forte pour la pousser à commettre une telle imprudence. Mais peut-être bien que ça ne saurait tarder.
- Ils marchent toujours sur leurs deux pattes arrières. Ils parlent dans une langue bizarre et ils montent parfois sur les chevaux. Ils sont toujours avec les mêmes d'ailleurs. Ils semblent avoir un lien avec eux et il est assez fort pour que les chevaux refusent de me rejoindre. Ah et parfois ils ont des traces colorées sur le corps. Leurs chevaux aussi. Et je crois que je t'ai tout dit, répond sagement la chocolatée.

Foudre assimile toutes les informations d'une oreille attentive. Chaque information est cruciale. La noiraude ne veut pas en perdre une miette. " Comment se fait-il que des chevaux acceptent de porter des humains sur leur dos... " pense t elle tout haut. " Tu penses qu'ils y sont contraint ? Qu'ils sont prisonniers ? " Foudre ne demande pas ça par altruisme, elle n'a clairement pas envie d'aller prendre des risques pour les libérer. C'est juste pour savoir si ces humains sont dangereux au point de réussir à corrompre les leurs. Lorsqu'Hirondelle décrit leur allure et leurs peintures, Foudre ne peut s'empêcher d'être agacée. Agacée contre elle même. Comment se faisait-il qu'une espionne comme elle ne réussisse pas à rencontrer le moindre humain, alors qu'Hirondelle oui. La louve noire fulmine intérieurement. " Tu sais où se trouve leur nid ? " demande t elle ensuite en braquant son regard perçant de celui de la cadette.

Ce sont la curiosité et l'audace d'Hirondelle qui l'ont menée jusqu'ici, en terres inconnues. Au début, elle voulait simplement élargir son territoire d'exploration en visitant les terres qui se trouvent au-delà des frontières de Luanera. C'est seulement après coup qu'elle a réalisé que d'étranges créatures vivaient ici, sur les terres de l'Ouest. Et c'est ainsi qu'elle a commencé à les espionner, dans le plus grand secret. Elle n'avait pas envie qu'on l'empêche d'y retourner et encore moins qu'on la force à être accompagnée.
- Ils n'en ont pas l'air. Ils ont l'air d'aimer les humains. On dirait presque qu'ils sont de leur famille.
La raison lui est par contre inconnue. Elle n'a pas encore réussit à discuter avec eux. Alors tout ce qu'elle a pour le moment, ce sont des hypothèses. Lentement, son regard revient se planter sur Foudre.
- J'ai même vu certaines de leurs installations, réplique-t-elle avec fierté.
Et bien qu'elle n'y ait jamais pénétré... Elle compte bien le faire, un de ces jours.

Hirondelle est un peu frustrée. Elle aimerait que Foudre la croit. Elle est certaine de ce qu'elle a vu ; les chevaux qui accompagnent les humains n'ont aucunement l'air d'être des prisonniers. Ils sont libres de leurs mouvements. S'ils le désiraient, ils pourraient partir. Mais ils ne le font pas, même lorsqu'ils y sont incités. Et ça, Hirondelle ignore pourquoi. C'est sur ce point là qu'elle travaille. Elle veut savoir.
- Je te promets que je ne m'approcherais pas plus de leur tanière, ment-elle.
Elle est plutôt bonne pour faire de fausses promesses. C'est un peu comme son talent secret. C'est relativement utile d'ailleurs. Et pour appuyer le clou, elle vient se blottir contre Foudre, comme lorsqu'elle était plus jeune. Elle sait pertinemment que ça va la faire râler mais qu'au fond, elle ne déteste pas ça. Avec le temps, elle a apprit à déchiffrer le caractère de la noiraude.