au petit jour • i

Ozalee erre dans le verger, discret comme un fantôme. L'étalon s'arrête de temps à autres pour renifler quelques fruits. Il n'ose pas les croquer, il ne sait pas s'il a le droit. Dans son ancien camp, il était nourri matin et soir avec des grains au goût insipide. Une fois, il avait profité que sa stalle soit mal fermée pour aller grignoter quelques grains d'avoine dans l'écurie, il c'était pris une sacré correction. Il garde encore quelques marques de fouets en travers de sa croupe, et des cauchemars abominables dans ses songes. Au détour d'un sentier, Ozalee croise la route d'Imala. L'étalon s'immobilise instantanément. Il recule légèrement et ses naseaux vrombissent d'inquiétude.

Le jeune étalon continue de fixer l'humaine avec angoisse. Sa tête s'agite vivement de haut en bas et ses naseaux vrombissent légèrement. Il se positionne de profil pour se tenir prêt à fuir au moindre geste brusque. Lorsque la jeune indienne fait rouler un fruit jusqu'à lui, Ozalee pousse un hennissement strident et s'en écarte. Il a trop souvent reçu de projectiles si bien qu'il se méfie de tout ce qui vient de la main humaine. L'étalon trépigne sur place, ne sachant pas trop comment réagir. Une multitude de sentiments contradictoire l'assaillent. La voix douce de Imala le rassure et c'est uniquement pour cette raison qu'il n'a pas déjà fuit. Après plusieurs minutes d'hésitation, Ozalee ose détendre son encolure pour renifler le fruit à ses pieds sans perdre du regard l'indienne qui l'épie. Qu'est ce que je suis sensé faire avec ça ? L'étalon se demande ce qu'on attend de lui. Du haut de ses 5 ans, il n'a rien connu à part les granulés et l'herbe sèche des prés.  

Le jeune mâle continue de regarder l'humaine, il dévie le regard de temps à autre par crainte mais ne lui tourne jamais le dos. Après quelques secondes d'hésitation, Ozalee tend ses naseaux vers le fruit. Curieux, il donne un petit coup de nez pour le faire rouler. Il arrondie les naseaux pour s'imprégner de l'odeur du fruit sucré et se passe la langue sur le nez. De vieux souvenirs resurgissent, il revoit la silhouette floue de sa première cavalière, une humaine aux cheveux blonds, elle avait toujours une petite friandise dans sa poche pour le récompenser après l'exercice. Ces friandises sentaient fort le parfum de ce fruit rond. Timidement, l'étalon ose croquer dans la pomme. Il savoure le goût sucré qui glisse le long de sa gorge. Une saveur incroyable. Cela fait très longtemps qu'il n'a pas gouté quelque chose d'aussi bon ! Ozalee n'en fait qu'une bouchée. Lorsque la pomme est terminée, l'étalon se pourlèche le museau pour ne perdre aucune goutte de ce précieux nectar. Il approche son visage du pommier où se trouve d'autres pommes mais n'ose pas se servir. Il interroge Imala du regard. Est-ce que j'ai le droit ?  

Ozalee renifle les fruits qui se trouvent sur l'arbre. Ils lui paraissent bien moins sucrés que ceux de l'humaine a dans son panier. Le jeune mâle s'ébroue légèrement pour chasser sa nervosité et fait un pas timide vers l'humaine. L'isabelle prend son courage à deux mains sabots pour aller renifler ceux qui se trouve dans le petit panier en osier. Pour se faire, il est obligé de tendre son encolure à son maximum afin de rester le plus loin possible. Ozalee jette des regards inquiets vers Imala, par crainte de recevoir un coup. 

Ozalee reste immobile. Son corps est secoué par de légers spasmes qu'il peine à contrôler. Ses naseaux viennent effleurer les fruits dans le panier. Même si sa tentation est grande, il n'ose pas se servir. A son tour, il s'approche de l'arbre et saisit une pomme juteuse qu'il se met à manger aux cotés de l'indienne. Progressivement le mâle s'apaise et prend même un certain plaisir à rester aux cotés d'Imala. C'est la première fois qu'il peut s'approcher sans craindre les représailles de la vipère rousse. Ses oreilles cessent de s'agiter nerveusement. Il plonge son regard dans celui de l'humaine, on y discerne une lueur de gratitude bien cachée derrière ses iris ambrés.