crépuscule |

Ozalee est couché dans le champ d'orge. Ici, il est sûr d'être tranquille, Satinka ne s'aventure jamais dans les hautes herbes. Profitant du couché de soleil, l'étalon garde ses oreilles dirigées vers l'avant. Il est attentif aux moindres bruits. Un éternel craintif. Même si les indiens le laissait libre de ses mouvements dans le campement, l'isabelle ne cherchait jamais à s'en éloigné. Il était certes né sauvage, mais sa captivité l'avait rendu fragile et dépendant de l'homme. La vie sauvage lui faisait encore plus peur que les hommes eux même.    

Ozalee regarde le ciel rougît par le soleil en déclin. Il est tellement captivé par les nombreuses tintes d'or et de rose qu'il ne perçoit la présence de Maikan. Lorsque ce dernier fend les hautes herbes d'un geste vif, l'étalon pousse un hennissement suraiguë et s'écarte aussitôt pour instaurer une distance de sécurité. Les yeux fous, l'étalon agite la tête nerveusement de droite à gauche et ses naseaux vrombissent légèrement. La main tendu de l'homme accroît le sentiment d’insécurité de l'étalon. Que va-t-il faire ? Me frapper ? Dans son ancien campement, la main de l'homme était toujours utilisée pour frapper. Le jeune étalon ne connaissait rien des flatteries ou des cajoleries. Pour lui, la main de l'homme n'est que présage de menace.   

Ozalee est un étalon craintif, mais pas hostile. Il se calme rapidement lorsque l'on reste à l'extérieur de sa zone de confort. Celle qui lui permet de fuir en cas d'agression. En voyant que l'humain se désintéresse de lui, l'isabelle arrête d'agiter son encolure. Sa respiration devient plus ample, il se calme progressivement. La pénombre du crépuscule offre une ambiance tamisée propre à la relaxation. Le jeune mâle surveille l'indien du coin de l’œil, il mâchouille un brin d'orge. L'étalon l'analyse en silence, détaillant chacun de ses faits et gestes pour essayer de le comprendre. Ozalee laisse ses naseaux frôler le sol pour récupérer lui aussi un brin d'orge et se met à le mordiller par mimétisme. C'est un jeune étalon, il a encore tout a apprendre.

Ozalee tressaille en entendant un bruit étrange sortir de la gorge de l'indien. Est-ce sa manière de tousser ? On dirait un oiseau chanteur. L'étalon tourne ses oreilles alternativement mais ne recule pas. Étrangement, il se sent en confiance auprès de cet humain. Il ne ressemble pas aux autres. Lorsque ce dernier lui tend une touffe d'herbe sèche, l'étalon tend l'encolure à son maximum pour ne pas avoir à s'approcher trop près. Il étire tout les muscles de son dos et saisit la touffe du bout des lèvres avec une délicatesse impressionnante. Puis s'éloigne pour aller le manger plus loin.

Ozalee l'écoute d'une oreille distraite tout en mangeant son orge. Il perçoit la tonalité de ses paroles, qui lui semble bienveillante, mais il ne comprend pas le sens de ses mots. Lorsqu'il a terminé sa bouche, l'étalon se rapproche a nouveau et agite la tête de bas en haut comme pour lui quémander une ration supplémentaire. L'étalon s'approche un peu plus près et ose même lui renifler l'épaule. Non sans appréhension.

Ozalee analyse les effluves qui proviennent de l'humain. Elles sont semblables à celle des autres hommes. Mais curieusement, celui ci semble différent. Il n'arrive pas a comprendre ce qui le différencie des autres. Lorsque Maïkan lui tend une nouvelle botte d'orge, l'étalon l'attrape avec sa délicatesse habituelle mais entreprend de le manger sans s'éloigner. Ses oreilles continuent de jouer les girouettes, son esprit est confus et envoi des signaux contradictoires. Sa peau est secouée de nombreux spasmes, signe qu'il est entrain d'accomplir un gros travail sur lui pour vaincre sa peur. Lorsqu'il termine à nouveau, l'étalon dévisage l'indien du coin de l'oeil, comme interrogatif. Qu'attends-tu de moi ? Fébrilement, il tend ses naseaux et effleure les brins d'orge sur les genoux de Maïkan sans oser les prendre. Il ne sait pas si il a le droit.