Dynamite ▬ H

C'est au grand galop qu'Hirondelle fait son entrée dans les terres indiennes. Ces terres, elle les surveille depuis un petit moment maintenant. Elle sait que quelque chose n'est pas normal ici. Elle a déjà eu l'occasion d'entrevoir des curieux animaux qui sont dressés sur leurs pattes arrières exactement comme le font les ours. Et ce n'est pas le seul mystère ; elle a aussi remarqué la présence de chevaux à leur côté. Et puisque la jeune adulte est terriblement curieuse, elle n'a aucune hésitation à se rapprocher de ce qui semble être leurs terres. D'ailleurs elle les a déjà vu ici, près de la rivière. Peut-être les verra-t-elle à nouveau. Qui sait.

Hirondelle pensait essayer de traverser la rivière malgré le fort courant afin d'aller visiter plus sérieusement ces nouvelles terres. Mais ça, c'était avant d'apercevoir un autre cheval accompagné de ce fameux animal qui l'intriguait tant. D'ailleurs, de loin, l'autre cheval ressemblait énormément à Corbeau. Un simple petit coup de vent suffit pourtant à la rassurer ; ce n'est pas lui. Curieuse, Hirondelle continue de s'approcher. Jusqu'à ce que l'étalon inconnu lance un hennissement qui la fait s'arrêter net. Elle est encore loin d'eux. Assez pour se sentir en sécurité. Ses oreilles restent pointées vers eux. L'étrange animal l'observe aussi, maintenant. Alors elle hennit à son tour. Peut-il le faire, lui aussi ? D'ailleurs, qu'est-ce qu'il est, exactement ? Il ne ressemble à aucun autre animal qu'elle connait.

Hirondelle ne les lâche pas du regard. Elle analyse la rivière et les terres qui s'étendent au-delà de cette dernière. Sa curiosité l'empêche d'être raisonnable. D'autant plus qu'elle ne se sent absolument pas en danger. Ce n'est qu'un homme et son cheval après tout. Que risque-t-elle ? Il n'a que deux pattes. Il doit pas courir très vite. Et il n'a pas de longs crocs comme les loups. Ni de grandes griffes comme les ours. Il ne va donc pas la manger. Naseaux dilatés, elle cherche à humer son odeur lorsqu'il s'approche. Il n'y a plus que la rivière qui les sépare. Elle est malgré tout assez large pour le tenir éloigné. Il parle, lui aussi. Dans une langue qu'elle ne connait pas, mais sa voix est douce et apaisante. Le regard d'Hirondelle glisse rapidement vers l'étalon blue roan. Elle est curieuse. Pourquoi reste-il avec l'homme ? Pourquoi ne vient-il pas à sa rencontre ? Son regard glisse de nouveau sur l'homme. Pourquoi l'observe-t-il avec autant d'attention ?

La main de l'homme glisse le long de l'encolure massive de l'étalon qui se laisse faire et semble même y prendre plaisir. De son côté, Hirondelle est sceptique ; elle s'interroge de plus en plus sur cet animal inconnu qui fait tout bizarrement. Il se déplace bizarrement, il parle bizarrement, il vit bizarrement. Et elle s'interroge aussi sur l'étalon à la robe sombre et au corps criblé de cicatrices. Que lui est-il arrivé ? Est-ce que c'est l'homme qui l'a attaqué ? Il semble pourtant inoffensif. Il n'a ni griffes ni crocs. Comment pourrait-il taillader de cette manière un étalon, d'autant plus un de la carrure du blue roan ?
L'étalon s'est enfin décidé à la rejoindre. Hirondelle est à la fois curieuse et satisfaite. Peut-être qu'il pourra répondre à certaines des questions qu'elle se pose. Un petit instant, son regard se déporte pour glisser sur l'indien. Elle n'aurait aucun remord à entraîner son fidèle compagnon vers les terres sauvages de Luanera si elle en avait l'occasion. Son regard, presque défiant, se pose de nouveau sur l'inconnu qui est pour ainsi dire à sa hauteur désormais. Elle s'écarte de quelques pas pour lui laisser un peu de place sur la rive et l'accueille avec un petit sourire.
- Qu'est-ce qu'il est pour toi ? Demande-t-elle en désignant l'humain.

Sa réponse intrigue Hirondelle. Celui qui lui a sauvé la vie... ? Comment est-ce possible ? L'humain est un être qui semble si chétif et dénué de force... D'ailleurs, Hirondelle n'a aucune crainte concernant celui qui accompagne le rouan. Pour cette raison, elle ne se montre pas méfiante et se permet même de se concentrer uniquement sur son congénère. Erreur. Parce que, du coup, elle n'a même pas remarqué que l'homme a entreprit de traverser la rivière.
- Tu veux venir découvrir mes terres ? Demande-t-elle à voix basse en dardant sur lui son regard dépareillé.

Hirondelle a beau essayer de comprendre le comportement de l'étalon, elle n'y parvient pas. Pourquoi semble-t-il aussi hésitant alors qu'elle lui offre la liberté et l'insoumission ? Ses oreilles s'abaissent légèrement. Est-ce un avertissement ou bien une menace ? La jeune jument n'arrive pas à faire la différence. Il lui reste encore un long chemin avant d'être au niveau de son père concernant la lecture des autres. Hirondelle se désintéresse finalement du rouan. Elle sait qu'il ne la suivra pas et qu'il ne lui sera pas non plus utile. Autant rebrousser chemin, elle en a assez vu. Curieuse malgré tout, elle fait un pas de côté pour jeter un dernier regard à l'indien mais se fige aussi net lorsqu'elle remarque qu'il n'est plus si loin d'elle. Et si son instinct lui hurle de fuir, sa curiosité l'implore de le laisser venir jusqu'à elle. Son corps agit presque de lui même ; ses oreilles se couchent contre sa nuque et ses naseaux se pincent. Elle se souvient des paroles de Foudre et de l'interdiction de son père. Alors finalement, la raison l'emporte sur le reste et elle tourne les talons pour les laisser là. Elle reviendra plus tard. Sans doute dans la nuit. Lorsqu'ils dormiront.