She's always dancing ▬ Satinka

La matinée a été intense. Imala s'était encore une fois mit en tête qu'elle irait attraper des chevaux sauvages. Cette fois ci, elles rentraient bredouille ; aucun cheval avait été assez imprudent pour croiser leur route. Du coup, Satinka avait été libérée pour la journée. Et aussitôt que Imala était descendue, l'impétueuse jument pie alezane était partie en direction de la pâture. Car malgré qu'elle ait accès à l'intégralité du campement, son endroit préféré restait la pâture verdoyante. Ou du moins les abords puisqu'en ce moment, elle était réservée aux chevaux sauvages capturés. Il y en avait déjà un d'ailleurs. Un mâle à la robe caramel. D'un pas léger et dansant Satinka s'approche de la barrière. Qu'est-ce qu'ils peuvent avoir l'air débiles, ces chevaux sauvages.

Après sa séance de travail au corral. Filao fût conduit dans une grande plaine herbeuse. A peine lâché, l’étalon entreprit de faire des tours de clôtures à fond les ballons pour essayer de trouver la sortie de ce labyrinthe infernal. A son vingtième tour de piste infructueux, l’étalon s’arrête, à bout de souffle et trempé de sueur. Il décide de trouver une autre solution. Son regard parcourt les environs, et le jeune mâle discerne très vite une jument bicolore qui se trouve très près de la barrière. « Hey ! » hèle t il en allant à sa rencontre. L’étalon parcourt les quelques mètres qui les séparent en un temps record. « Bonjour ! Je m’appelle Filao ! Comment tu as fait pour trouver la sortie ? » demande t il poliment en agitant la tête de haut en bas comme un forcené. Si cette jument avait réussi à sortir, elle pourrait peut-être lui indiquer le chemin ?  

Satinka est curieuse. Elle observe plus ou moins discrètement le mâle qui tourne en rond dans la pâture. Et d'ailleurs, plus elle l'observe et plus elle se dit qu'il doit lui manquer un bout de cerveau. Avec nonchalance, elle baisse la tête pour arracher une touffe d'herbe qu'elle mâchonne d'un air distrait. Elle n'a pas encore vu les autres chevaux. Waban, Askook, Aponi... Où sont-il au juste ? Même Ozalee ne semble pas être là alors qu'il n'a pas de cavalier. Lorsqu'elle pose de nouveau son regard sur l'inconnu, il est juste sous son nez. La réaction de la pie est immédiate, elle couche ses oreilles contre sa nuque et claque ses dents dans le vide.
- Garde tes distances le Sauvage, gronde-t-elle en prenant cet air hautain qui lui va pourtant si bien.
D'ailleurs elle se fiche bien qu'il s'appelle Filao ou bien Chaussette. Elle ne compte pas jouer à la professeur. Ce rôle est bien trop indigne d'elle. Satinka finit malgré tout par s'apaiser et adopte un air un poil plus aimable en redressant ses oreilles.
- Oh... Rien de difficile. Un simple petit tour de magie, réplique-t-elle en longeant la barrière sur quelques mètres, toujours de sa démarche dansante.

Filao garde ses oreilles pointées en avant, la jument est plutôt jolie malgré son air revêche. " Attends ! Attends ! " s'exclame t il en sautillant pour la suivre. " Montres-moi comment tu as fait ?! Tu peux m'aider ?! " s'exclame t il d'une voix joyeuse. Content de s'être fait une amie. Le jeune étalon est bien crédule, il est persuadé qu'elle va l'aider bien gentillement à se sortir de cette mauvaise passe. L'étalon passe son museau à travers la barrière pour essayer de la toucher.    

Malgré son air désagréable et peu aimable, Satinka reste attentive à l'étalon sauvage. Elle ne veut pas l'avouer mais il l'intrigue. Elle n'a jamais eu l'occasion d'approcher des chevaux non domestiqués d'aussi près. Pourtant, elle se méfie de lui. D'autant plus que c'est Imala qui l'a capturé et emmené jusqu'ici. Elle serait presque tentée de le laisser s'échapper du coup.
- C'est mon petit secret. Et je ne donne pas mes astuces à n'importe qui, rétorque-t-elle avec malice.
Elle se montre presque amicale d'ailleurs. Jusqu'au moment où il décide d'essayer de la toucher et là... C'est le drame. Elle esquive ses naseaux en s'éloignant brusquement de la barrière.
- Garde tes distances j'ai dis ! Grogne-t-elle en plaquant de nouveau ses oreilles contre sa nuque et fouaillant de la queue.
La prochaine fois, elle sera pas si prévenante et ce sera un coup de dent ou de sabot qu'il se prendra.

L'étalon est quelque peu surpris par la réaction vive de la jument. Il relève brutalement la tête et se cogne le front dans la barrière. " Aoutch... " grommelle t il en se frottant le chanfrein contre l'enclos pour dissiper la douleur. " Allez stp. Tu peux pas garder ça pour toi ? Sois gentille ! " reprend t il d'une voix presque implorante. Il devait être rentré avant midi, faute de quoi son père allait encore lui tirer les oreilles et il serait consigner au campement pendant les dix prochaines années.  

Satinka n'est pas vraiment du genre à s'émouvoir du malheur des autres. Alors qu'il se cogne et l'implore de l'aider, ça ne lui fait ni chaud ni froid.
- Je ne peux pas t'aider. Et c'est de ta faute si tu es ici. Tu n'avais qu'à pas t'aventurer jusqu'à nos terres, rétorque-t-elle en plantant son regard brun sur lui.

Filao fronce les sourcils, sans trop comprendre ses paroles. " Que veux-tu dire ? " demande t il d'une voix étonnée. Il continue de la suivre en longeant la barrière, appuyant de temps à autre son torse sur la barrière pour tester la solidité du bois. Il pointe ses oreilles vers l'avant. " Mais... toi aussi tu es là. Pourquoi tu as le droit de te promener librement ? " demande Filao. Décidément il ne comprends rien à ce qu'il lui arrive.

La jument pie lève les yeux au ciel, désespérée. Evidemment qu'il n'y comprend rien cet imbécile de sauvageon. En même temps, ils ont forcément une intelligence limitée vu leur mode de vie. Loin des humains, à vivre seuls. Sans personne pour les vénérer. Quelle triste vie. Cette fois ci, Satinka se sent presque triste pour l'étalon caramel. Elle s'arrête finalement pour se tourner face à lui. Mais sans se rapprocher de la barrière. Elle veut pas qu'il tente de la toucher de nouveau. Il a sans doute tout un tas de maladies dégoûtantes. Rien qu'à y songer, elle est malade.
- Je suis leur déesse. J'ai le droit de faire tout ce que je veux, répond-elle en faisant sa belle.

Filao lève un sourcil, très dubitatif. Il a beau être crédule, il voit difficilement comment les hommes pouvaient la vénérer elle, plus qu'un autre cheval. " Et lui là, c'est un dieu aussi ? " en désignant un étalon isabelle qui se tient en retrait derrière les tipis. La voix du jeune mâle est un peu moqueuse. Il a compris qu'elle se fichait de lui.  

Satinka s'arrête net et tourne la tête pour regarder dans la direction que lui indique le sauvage. Et en voyant Ozalee, elle est prise d'un fou-rire incontrôlable.
- Lui ? Ce n'est que mon serviteur, rétorque-t-elle entre deux éclats de rire.
D'ailleurs elle rit tellement qu'elle commence à avoir mal un petit partout ; au ventre, aux mâchoires... Et lorsqu'elle se calme enfin, elle n'a même plus le courage de tenter de faire l'éducation du sauvage. Elle n'est même plus tentée par le fait de faire sa belle devant lui. Il a perdu tout son intérêt depuis qu'il lui
a fait réaliser que l'isabelle n'était pas loin. Du coup elle préfère autant se concentrer sur l'herbe verte.

Filao jette un regard un peu perplexe en voyant la jument rire à gorge déployée. Elle venait de perdre au moins 10 points de charisme (). Clairement, elle commençait à lui faire peur. Une vrai folle. Mais bon, l'étalon n'était pas du genre à se laisser abattre à la première difficulté. Il était prêt à rentrer dans son jeu pour essayer d'obtenir ce qu'il voulait. " Et.. moi aussi je peux devenir ton serviteur ? " propose t il, il était prêt à lui cirer les sabots si il le fallait en échange de l'ouverture de la barrière. " Je pourrais t'amener un panier de pommes juteuses tous les matins, et te réserver la meilleure place à l'ombre quand tu reviens d'expédition avec ta deux-pattes ! Je sais même faire des tresses ! Tu auras les crins les mieux peigné de toutes les terres indiennes ! "  

Pour perdre des points de charisme, il aurait p'tet fallu qu'elle en ait . Satinka avait beau s'aimer plus que de raison, ça ne la rendait pas magnifique pour autant. D'ailleurs, elle était certainement bien plus que banale, à vrai dire. Et la beauté est dans les yeux de celui qui la regarde, après tout. C'est très subjectif.
Petit à petit, la pie tourne le dos à l'étalon. Elle continue d'arracher l'herbe qu'elle mâchouille sans pour autant l'avaler. Elle n'a pas vraiment faim mais ça lui donne une bonne excuse pour ignorer l'esclave n°1.

Filao continue d'énumérer ses moultes propositions. En vain, puisque la jument ne l'écoute même plus. Le jeune mâle pousse un long soupir en posant sa tête sur la barrière de bois. Le temps lui semblait long et ennuyant. Combien de temps son emprisonnement allait-il durer ? Voyant que la jument ne lui serait d'aucune utilité, il se détourne finalement pour retourner vers l'entrée du pré. Il observe de plus près les tipis qui ressemblent à de grands arbres en toile. Son regard se perd sur le campement qui bouge autant qu'une ruche pleine d'abeilles. Un cheval trotte dans le corral, mené par un cavalier qui le guide avec une longue corde. Au loin, un groupe d'indiennes rapporte des épis de maïs dans de gros paniers en osier. De jeunes enfants courent et rigolent en se poursuivant avec des pinceaux multicolores. Le jeune étalon est abasourdi. Ils semblent tous si heureux, si épanouis. L'étalon pousse un hennissement bruyant pour tenter d'attirer l'attention mais personne ne semble s'intéresser à lui. Il retourne donc auprès de l'alezane et s'adosse à la barrière en déprimant. Son regard surveille la porte, toujours verrouillée.

De temps en temps, Satinka relève la tête pour observer les environs. Comme d'habitude, le camp fourmille. Les indiens ne s'arrêtent jamais. Ils sont toujours entrain de faire quelque chose ; récolter les champs, faire de la cueillette sauvage, pêcher à la rivière, chasser. En vrai, c'est souvent pour nourrir la tribu. Parfois, ils s'entraînent au combat et font des travaux au camp. Mais c'est plus rare.
Son regard s'arrête finalement sur un indien en particulier ; Imala. Elle semble occupée avec Maikan. Les oreilles de Satinka s'enfoncent dans ses crins bicolores. Elle déteste ne pas être au centre de l'attention de la jeune indienne. Pire, elle déteste davantage que quelqu'un d'autre y soit à sa place. Cheval comme humain. Du coup elle préfère autant reporter son attention sur le prisonnier.
- Alors, toujours pas de plan d'évasion ?