The wolf song ▬ N

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La nuit tombe lentement sur le massif de velours. Depuis l'orée de la forêt, Niylah observe les dernières lueurs de soleil disparaître à l'horizon, dévorées par l'obscurité de la nuit. Une par une, comme par magie, les étoiles s'allument dans le ciel noir. Et la Lune, en croissant, tente vainement d'apporter un peu de sa lumière blafarde à la forêt. De son regard clair, Niylah voit quelques ombres danser. Et lorsque le silence devient pesant, un hurlement le déchire. Un hurlement à la Lune. Une douce complainte, chantée par un loup. Et bien qu'elle ferait mieux de s'éloigner, la guérisseuse n'en fait rien. Bien au contraire, elle s'enfonce un peu plus profondément dans cette forêt à l'allure cauchemardesque.

Elle avance d'un pas léger et silencieux dans la forêt sombre. Le temps semble presque suspendu. En tous cas, la forêt semble inhabitée. Dénuée de vie. Et Niylah trouve ça étrange. Avant que le soleil ne se couche, la forêt semblait grouiller de vie et depuis qu'elle était plongée dans l'obscurité, ce n'était plus le cas. Seul le hurlement lointain des loups anime cette soirée d'automne. Le pendentif de Niylah se met à briller un peu plus fort, ce qui attire son regard. Et une vision arrive dans la foulée. Son corps tout entier se raidit et lorsqu'elle reprend ses esprits, elle est plus confuse que jamais. Pourtant, depuis quelques jours, elle a comprit ; les terres de Luanera ne lui sont pas étrangères. Elle y a déjà vécu. Mais sous quelle forme ?
Ses interrogations sont stoppées par l'apparition d'une silhouette au loin. Dans l'obscurité de la nuit, Niylah peine à reconnaître l'étalon. Surtout à cette distance. Elle entreprend alors de s'approcher, prudemment.

Elle est entrain de s'avancer vers le mâle lorsqu'elle entend sa voix s'élever dans les airs. Et avant même que sa silhouette ne se précise, elle le reconnait ; Oroïne. L'une de ses première rencontre ici. Une rencontre brève et qui lui semble bien lointaine. Combien de temps s'est écoulé depuis son arrivée sur Luanera d'ailleurs ? Quelques jours ? Quelques semaines ? Ou bien déjà quelques mois ? Niylah a perdu le fil à force de courir après les éclats de souvenirs qui viennent à elle par vagues.
- Oroïne... Je vois que tu te portes bien, répond-elle en lui offrant un petit sourire.
En tous cas, elle voit bien que sa carrure s'est légèrement modifiée. Il a l'air... Plus adulte.

Elle laisse un sourire prendre possession de ses lèvres. Elle est contente de le revoir. Bien qu'elle ne comprenne qu'à moitié ce qu'il lui raconte avec tellement d'entrain. Elle se contente donc d'acquiescer silencieusement. Il a des projets, c'est tout ce qu'elle retient. Son sourire s'efface progressivement. Elle ignore comment s'y prendre pour être à la fois honnête et ne pas s'aventurer dans des explications bien trop complexes qui risqueraient sans doute de la mettre en péril.
- J'en ai trouvé quelques unes. Finalement, peut-être était-ce une forme d'amnésie... En tous cas je me sens bien plus sereine, souffle-t-elle en lui souriant de nouveau.
- Elles sont toutes intéressantes à leur façon, se contente-t-elle de répondre, le regard joueur.
Bien qu'en vrai, certaines l'étaient plus que d'autres.

Son passé et sa nature l'obligent à choisir ses mots avec précaution. Elle sait qu'elle doit faire attention à tout et ne négliger aucun détail, y compris celui qui semble pourtant insignifiant.
- Pour être honnête avec toi, je pense que tout m'est revenu. Ou au moins à quatre-vingt-dix pourcents. A vrai dire j'ai compris lorsque j'ai enfin trouvé la petite cabane en bois que je voyais si souvent dans mes visions, répond-elle.
Elle sait qu'elle ne prend pas trop de risques avec cette révélation. Car dans ses souvenirs, Oroïne ne connaissait pas tant de choses sur elle. Alors pour elle, il y a peu de chances qu'il fasse le lien avec cette fameuse "cabane". L'atelier de Belzé. Pourtant, elle sait qu'elle pourrait lui faire confiance. Il n'est pas un danger pour elle. Mais... Peut-être bien qu'elle en est un pour lui. Parce que maintenant, elle se souvient. De tout... Et dans le moindre détail.

Bien évidemment, Niylah s'attendait à ce qu'il se montre curieux et veuille en savoir davantage. A vrai dire, ça semble même parfaitement logique et elle ne peut pas lui en vouloir.
- Très importante, souffle-t-elle avec un léger sourire.
Cette cabane avait été son havre de paix, un court laps de temps. Elle avait aimé y vivre. Pleins de bons moments y étaient rattachés. Mais pas que.
- Ma première impression était la bonne. J'ai déjà vécu ici, souffle-t-elle finalement.
Elle n'a pas le cœur à lui mentir, même s'il vaudrait mieux. Et, égoïstement, elle a envie de se débarrasser d'un poids qui pèse depuis trop longtemps sur ses épaules.
- Ne sois pas choqué Oroïne mais on s'est déjà rencontré. Même si... Ca parait fou, dit comme ça. Pas sous la même apparence certes mais... Je pense que tu te souviens au moins de ça... dit-elle en s'approchant de lui pour attraper l'améthyste qu'elle avait autrefois caché dans l'épaisse crinière du mâle.
Et d'ailleurs... elle est heureuse de réaliser qu'il la porte toujours, depuis le temps. Malgré son absence.

Niylah tient fermement l'améthyste entre ses lèvres. Elle ignore comment Oroïne va réagir à cette nouvelle mais elle craint de le perdre. Une seconde fois. La fois de trop, peut-être. Pourtant elle ne pourrait pas lui en vouloir s'il venait à vouloir s'éloigner d'elle. Elle comprendrait. Pendant de longues minutes, Niylah se contente de l'observer, impuissante, alors qu'il semble douter. Elle s'attend à ce qu'il refuse de la croire et qu'il lui tourne les talons mais ce moment n'arrive jamais. Au contraire, elle voit son regard se transformer et il finit par revenir vers elle. Niylah en profite alors pour glisser de nouveau l'améthyste sous ses crins gris. Cette pierre lui appartiendra toujours, quoi qu'il puisse arriver. Un léger sourire étire ses lèvres lorsqu'elle entend son nom. Ou du moins son ancien nom. Parce qu'elle ne peut plus le porter désormais. Et a vrai dire, elle n'a aucune envie de le reprendre. Elle préfère faire table rase du passé, bien qu'elle n'oubliera jamais. Chaque souvenirs, bon comme mauvais, est encré dans ses pensées.
- Je suis contente de te retrouver Oroïne... Murmure-t-elle à son tour, d'une voix chargée d'émotion.