| ranucula |

Une nouvelle fois, Volcan revient sur ces terres qui lui sont si chères. Désireux de se retrouver avec lui-même, de s'élever à la fois mentalement et psychologiquement, l'oracle est parti quelques mois à l'aventure. Son manteau de poils duveteux lui réchauffe les sens alors qu'il erre non loin de cet étang où les coassements des mâles appellent désespérément leur femelle. Il s'arrête un instant, ayant aperçu une grenouille et l'observe silencieusement.

Depuis quelques jours, Nébuleuse aimait venir à l'étang aux grenouilles. Elle gambadait gaiement, de petites fleurs coincées dans sa courte crinière et sa queue, la faisant dégager un doux parfum fleuri. La petite rêveuse fredonnait, avant de croiser la route d'un étalon à la robe dorée, qui portait l'odeur des nayatis. Elle s'approcha gaiement, bien qu'un peu timide une fois arrivée plus près.

je sais pas si on fait comme si ils se connaissaient déjà ? Néb est arrivée il y a peu, elle avait été trouvée sur l'île

Comme je dis que Volcan est parti en périple ; on fait comme s'ils ne se connaissaient pas

L'arrivée de la petite mouchetée effraie le batracien qu'il est en train d'observer. Tant pis, à la fois la grenouille ne s'accouplera pas, à la fois Volcan ne sera pas là pour les observer faire. Ses deux yeux se portent doucement vers la petite étrangère, qui ne semble finalement pas l'être. "Bonjour toi." dit-il d'une voix douce et chaleureuse en approchant son bout du nez vers le toupet hirsute de la gamine. "Tu viens observer les grenouilles ?"

Intriguée, elle le laissa renifler son toupet, elle-même s'imprégnant de son odeur, si familière et étrangère en même temps. « Bonjour... » souffla-t-elle à son tour, toujours aussi polie. À la question de l'adulte, elle releva ses iris vers lui, un petit sourire se dessinant sur son visage. « Oui ! Parfois, elles me racontent des histoires, quand je suis sage. » Autant dire que la petite faisait tout son possible pour être agréable quand elle était à l'étang. Elle s'approcha de quelques pas vers l'étendue d'eau, entourée par endroits de longues tiges de roseaux. « Pardon mais.. vous êtes un nayati, n'est-ce pas ? » Sa petite tête était toute embrouillée par les différentes odeurs.

"Ah bon ?" s'exclame l'oracle, en riant chaleureusement. "Elles te racontent des histoires de crapauds qui deviennent des princes charmants ?" Il tourne un instant son regard plein d'amusement vers le nouveau batracien qui les a rejoints. "Oui, je suis Volcan. Et toi ? Si tu me le demandes, c'est que tu es aussi une Nayati." Il lui décoche un clin d'œil et la délaisse quelques secondes pour contourner l'étang et s'approcher davantage d'un gang de grenouilles qui chantent faux.

Nébuleuse émit un petit rire amusé, pointant ses oreilles duveteuses vers le grand doré pendant qu'il contourne l'étang. « Non, enfin, pas que... Elles m'ont déjà raconté des histoires sur l'île. Elles m'ont parlé d'envahisseurs, mais je n'ai pas bien compris cette histoire. » Innocemment, elle haussa les épaules, suivant le grand mâle à moindre pas. « Oui ! Je m'appelle Nébuleuse. » Il ressemblait à la description d'un des personnages des histoires qu'elle avait entendues, alors elle l'observait avec curiosité.

Les oreilles de Volcan se tournent vers la petite, intriguées par ce qu'elles entendent. Encore aujourd'hui, les histoires parlent de cette époque révolue des envahisseurs ? Cette époque où son père était encore parmi eux. Il n'était qu'un enfant ; inconscient et insouciant de tout ce qui se tramait ; c'était la fin d'une époque. "J'avais ton âge, mais tout a commencé bien avant ma naissance ..." Sa voix est posée, prête à raconter ce que son père lui avait lui-même conté durant son enfant, pour le bercer. "Roc était le chef de notre Tribu. Pendant longtemps, très longtemps." Lui-même n'est même plus sûr de l'avoir connu ; il ne fait partie que des contes et légendes, à présent. "Nous vivions sereinement sur notre île lorsque des envahisseurs, comme on les appelait, ont pris possession du restant de nos terres comme si cela leur était dû ... Une guerre a éclaté entre les deux peuples." Un instant, l'étalon doré interrompt sa narration, prenant plaisir à se remémorer ses instants partagés avec son père. "Que t'a-t-on raconté, précisément ?" Peut-être qu'elle connaissait déjà tout ça, voire même la suite.

Nébuleuse avait toujours aimé les histoires, et but les paroles de son aîné en l'observant avec ses petits yeux d'enfant attentif. Elle prit un peu le temps de répondre, le temps de se remémorer les histoires que lui avaient raconté les grenouilles en coassant, et se mit à réciter. « L'ère des.. temps anciens se succ.. succédèrent quand le roc céda sa place au quartz. Les esprits aux noms sur.. surnaturels ? parvinrent sur les terres sacrées comme envahisseurs, faisant naître l'aurore.. boréale veillée par le faucon. Sa lumière céleste s'éteignit lorsque.. euh... lorsque les affres de l'abysse s'ouvrirent au monde. » Elle était content de se souvenir de cette histoire, qu'elle trouvait magnifique, mais qu'elle ne comprenait pas franchement. Elle espérait que cette histoire plairait à Volcan, même si elle-même la trouvait plutôt triste sans trop savoir pourquoi.

"C'est joli ce que tu récites ..." répondit tendrement le grand étalon. "Qui t'a appris ça ?" Il aurait aimé qu'on lui raconte des récits tintés de poésie lorsqu'il était petit, mais au lieu de ça, ses histoires à lui étaient plus brutales, plus pragmatiques. Il inspire profondément et redresse la tête afin de lancer son regard vers la surface de l'étang. Le coassement des grenouilles semble s'être intensifié à mesure qu'ils conversent ; comme si ces batraciens réclamaient une sorte de silence, dérangés dans leurs conquêtes sexuelles. "Mais désormais, nous vivons plus ou moins en paix." Il fait abstraction de la présence de ces humains, venus conquérir leurs terres et leurs comparses. "Bientôt, régnera de nouveau une nouvelle sérénité." articule-t-il en levant ainsi un instant ses yeux vers le ciel, puis les refermant pour laisser des images de paix s'installer sous ses paupières. "Qui sont tes parents, Nébuleuse ?"

Elle pinça légèrement ses lèvres à sa question, avant de finalement opter pour la vérité ; elle n'aimait pas trop l'idée de mentir, de toute façon. « Eh bien.. Ce sont les grenouilles qui me l'ont dis. » Même si ça paraissait un peu ridicule, à vrai dire. Elle ne s'en rendit compte qu'après avoir parlé. Mais en même temps, c'était vrai ! Peut-être que le doré allait se moquer. Tout du moins, elle s'y attendait. Nouvelle question mais qui la gêne un peu moins. Ca lui rappela juste ce brouillard qui flottait autour de son existence. À défaut de savoir d'où elle venait, elle savait avec qui elle voulait vivre et grandir. « Euh.. Je sais pas... On m'a trouvée. Ici, sur l'île. Mais... La tribu c'est ma famille maintenant. » Un sourire garnit ses lèvres cendrées, quêtant dans les yeux de son aîné une confirmation ou quelque chose de ce genre.

Même si intérieurement il en rit, Volcan affiche une expression surprise. "Tu comprends le langage des grenouilles ?" C'est ... comme qui dirait ... peu courant ! Mais qu'à cela ne tienne, ce qui le pique davantage au vif c'est de savoir pourquoi un groupe de grenouilles raconterait des histoires qui ne les concernent pas le moins du monde ? Ou peut-être que la petite ment, tout simplement, ou qu'elle fabule. Au lieu de se tordre plus longtemps l'esprit, l'oracle décide de s'intéresser davantage à la condition d'orpheline de la petite. "Comment as-tu réussi à nous rejoindre ? Qui t'a pris sous son aile ?" Non pas qu'il veuille se proposer et se déclarer parrain de cette petite, mais il n'aime pas vraiment savoir que des petits Nayatis se baladent sans protection.

Son histoire semble trop facile pour le croire ; qui donc oserait abandonner son enfant ? "Une chose est sûre, si tes parents t'ont laissée chez les Nayatis : de 1, ils doivent connaître Luanera et notre île, de 2 : ils ont dû par le passé faire partie des nôtres ..." En mode Sherlock, Volcan raisonne à voix haute, sans prendre conscience que peut-être cela blesserait la petite que de remuer son passé inexistant. Mais lui, il a envie de savoir et de comprendre comment une si jeune pouliche a pu arriver là. Puis, en revenant vers elle et en lui accordant toute son attention, Volcan lui répond d'une voix calme. "Je veux dire par là, est-ce que t'as des parents adoptifs ? Quelqu'un qui serait prêt à tout pour te sauver ? pour t'aider au quotidien ?" Il approche son visage du sien. "Quand on est petits, on a besoin d'au moins un adulte pour nous aider dans la vie. Qui est l'adulte qui se porte garant de ta sécurité sur Luanera ?"

Les hypothèses du grand doré se tenaient, mais Nébuleuse demeura silencieuse. Elle était bien incapable de confirmer ou de réfuter une de ces hypothèses. D'ailleurs, jusqu'ici elle ne s'était pas vraiment posé de questions. « Tu crois ? Mais pourquoi ils ne seraient pas restés alors... » qu'elle bafouille d'une petite voix, sans rien comprendre. Pour elle ça n'avait pas plus de sens qu'auparavant. Est-ce qu'elle n'était pas assez bien pour avoir des parents ? Est-ce qu'elle ne leur plaisait pas assez pour prendre le temps de l'élever ? Aux autres questions de son aîné, elle pensa à Faucon, bien sûr. Celui qui les protégeaient tous. À Saturne, qui prenait soin d'elle comme des autres petites. À Océan, qui jouait avec elles. Sans distinction. Nébuleuse n'était pas sûre de vouloir être traitée différemment des autres. Mais elle se rendit compte qu'elle aurait bien aimé paraître spéciale. Au moins aux yeux d'une seule personne. « Non.. » La réponse lui fit un peu mal, elle avait eu du mal à la sortir, bizarrement. Inconsciemment pour ne pas se rappeler qu'elle était seule, en soi ; qu'elle n'était rien sans les autres. Un peu émue, elle sentit une larme humidifier ses yeux.

Hélas, l'oracle n'a pas plus de réponses à apporter à la petite mouchetée. Il ne fait que des suppositions et en voilà de nouvelles en guise de réponse. "Peut-être qu'ils étaient trop jeunes pour t'élever correctement ? Peut-être qu'ils étaient pourchassés par un quelconque danger et que, pour te protéger, ils ont préféré te laisser aux mains d'un clan où les liens sont plus forts que tout ?" Avec ces réponses, il espère mettre un peu de baume au cœur de la petite. Volcan invite la petite à le suivre et commence à déambuler en longeant l'étang des grenouilles. Leur coassement l'insupporte progressivement et il se sent agacé par ces nombreux batraciens en manque de sexe. "Ca viendra ; c'est peut-être encore trop tôt. Et puis, l'essentiel, c'est déjà que tu te sentes chez toi parmi nous." L'adulte lui ajuste un clin d'œil sincère, avant de faire un bond de quatre mètres, en s'apercevant qu'il vient d'éviter de justesse d'écraser une grenouille. Son cœur s'arrête un instant et son regard tétanisé se fixe sur l'animal gluant qui le répugne tant.