the long road back

NARVAL

Cela fait quelques minutes que Narval se tient face au bassin et à la source. Il l'observe, se perd dans son chant, se perd dans ses eaux limpides, bien qu'elles ne rivalisent pas avec le bleu de ses yeux. Des jours qu'il rêve de s'y prélasser, de laver ses crins et son corps salis de son long voyage pour revenir sur ses terres natales. Les murmures lui avaient dit ce qu'il y trouverait, et pourtant, il n'avait pas pris toute la mesure du chaos qui régnait sur Luanera. Il aurait pu feindre l'indifférence, comme à son habitude, mais pour le coup, plus de la moitié des Nayatis étaient captifs. Il lève les yeux au ciel et soupire face à ce constat, avant de pénétrer doucement l'eau convoitée.

Rapidement une silhouette d'argent se distingue dans le paysage jusque là calme. La simple présence de la jument perturbe cette sérénité. Ses premières réactions auraient été la méfiance et l'agacement mais quelque chose parvient à passer au dessus. Il ne la quitte pas du regard. Il y a comme un air de déjà vu dans cette scène. A quelques détails près. Il l'a déjà vu. Il l'a déjà vu ici même. Suite à son attaque, aux coups innombrables qui ont martelé son crâne, sa mémoire se voit parfois défaillante. Narval s'efforce de se souvenir. Il se souvint d'une discussion sans importance, de provocations, puis d'une espèce de pacte ? C'est confus. N'avaient-ils pas commencé à se battre ? Certainement l'avait-elle emporté, le combat étant loin d'être son fort. Mais impossible de se souvenir qu'elle était la récompense qu'elle avait souhaité. Comme si la réponse t'importait de quelques façons que se soit. rétorque t-il tandis qu'elle lui donnait raison, pénétrant l'eau sans même attendre qu'il ait terminé sa phrase. Il observe un instant l'eau venir épouser les formes de la grise avant qu'il ne rive de nouveaux ses prunelles glaciales aux siennes. Es tu venue pour récupérer ta récompense ?

Lorsque leurs deux regards s'accrochent l'un à l'autre, Narval reste indifférent à la flamme qu'il voit danser dans celui de l'ibérique. Il l'observe faire son petit manège depuis quelques minutes, agacé mais patient et silencieux. Donc le combat ne s'était pas conclu par un vainqueur ? Il ne se souvient pas, hausse les épaules d'un air détaché. Narval n'a pas grand espoir de sa victoire, piètre guerrier. Mais si il avait accepté le combat, du moins s'il l'avait proposé c'était par double intérêt. L'espoir de ressentir enfin une quelconque douleur, et l'espoir infime de gagner, peut être, pour découvrir le plaisir de la chair. Mais il n'avait jamais réellement misé là dessus, pourchassant plutôt la quête vaine de la douleur que du plaisir. Après avoir été tabassé presque à mort, il peut attesté que non, toujours aucune douleur n'était venue à lui, et que son désir d'inverser le sort resterait à jamais qu'un futile et inutile espoir. Reprendre le combat lui était donc d'aucune utilité. Néanmoins … Sa curiosité de découvrir le lot secret de l'argenté le faisait hésiter. Qu'avait-il à perdre, finalement ? Il ne ressentirait aucuns de ses coups et s'améliorait un peu en combat. Aurais tu peur de perdre ? Se contente t-il de souffler à la surface de l'eau, détachant son regard du sien pour se concentrer sur son reflet brouillé.

Il se fait un instant désirer, quelques minutes même. Bien qu'il savait d'avance qu'il allait céder à son envie, il était malgré tout pour lui contrariant de le faire, alors il ne lui offrirait pas ses désirs aussi facilement qu'elle l'exigeait. Il barbotte encore un peu, d'un flegme agaçant et irritant, ne lui adressant aucun regard, se complaisant avec narcissisme dans son propre reflet. Jusqu'à ce qu'il décide enfin d'émerger son corps de nacre de l'eau, rejoignant l'ibérique sur la berge.
Il ne perd pas plus de temps, s'approche d'elle sans une once agressivité, jusqu'à être assez proche et envoyer vigoureusement ses dents gouter la chair de son encolure.

N : 10 pts

Sa chair entre ses dents et contre sa langue est à la fois quelque chose de ragoutant et de satisfaisant. Mais il n'a pas vraiment le temps de se complaire de sa réussite que l'ibérique lui décoche un coup en pleine mâchoire, lui faisant lâcher prise. Le sang de la grise se mélange au sien dans sa bouche. Le goût est étrange, étrange mais étrangement pas ragoutant. Il pose sur elle, le temps d'une demie seconde, un regard interloqué. Et la demie suivante, il vient heurter de son épaule son flanc.