Over and over ▬ A

Mar 24 Nov 2020 - 15:03

I've tried everything to get away
So here I go again
Chasing you down again
Why do I do this ?

L'automne s'est installé sur Luanera depuis plusieurs semaines maintenant. L'arbre aux âmes n'a pas échappé au changement de saison ; lui aussi est entrain de perdre ses feuilles. Placée sous ses branches les plus basses, Absinthe observe les feuilles tourbillonner dans les airs avant de rejoindre le sol. Quelques unes se déposent sur son corps, lui arrachant parfois un frisson. Pensive, elle réalise qu'elle n'est jamais vraiment venue ici jusqu'à aujourd'hui. Peut-être par peur d'affronter ses vieux démons. Ou simplement de tomber sur quelqu'un qu'elle a aimé. Ils étaient si nombreux à avoir disparu du jour au lendemain qu'elle ne pouvait s'empêcher de se dire qu'un jour, elle en rencontrerait forcément un ici.

Mer 25 Nov 2020 - 20:21

Spoiler:

Il y a des choses qui ne se prédisent pas. Comme la mort par exemple. On se demande parfois ce qu'il y a après la vie, sans même chercher à en extraire les bonnes choses. On est si obnubilé ces réponses introuvables qu'on en oublie de poser les bonnes questions. On se perd. On meurt. Triste dessein ? Peut-être, voyez cela comme vous le préférez. Il y avait davantage d'actes manqués dans la mort que dans la vie, après tout.
Une empreinte. Une odeur, un regard, un sourire, et tant d'autres. Un seul et tous à la fois pouvaient faire rejaillir des souvenirs lointains, enfouis, presque oubliés. Les fantômes du passés, qui ne hantent que les zones d'ombres, inlassablement. Il n'était probablement qu'un souvenir, peut-être une rêverie. Sa mémoire était partielle, ne revenait qu'à l'essentiel. À quoi bon se souvenir de l'errance de son vivant quand il était promis à le faire pour l'éternité ? Une vie après la mort ? Trop peu pour Draggan. De son vivant il aurait aimé tellement plus. Toujours plus. L'arbre émet un craquement sourd, renaîtrait-il ? Impossible. Même lui ne pouvait outrepasser les lois de la nature. Pourtant pendant un instant c'était comme s'il avait toujours été là, mais aujourd'hui, il était perché entre deux mondes. Depuis quand les hallucinations étaient-ils douées de conscience ? Flottante, éparse certes, mais pas inexistante. C'est parfois le temps de ciller qu'Absinthe pouvait le voir, lui qui errait autour de sa silhouette, l'observant sans quémander pour autant son attention. Lui-même n'avait pas vraiment conscience de s'il vivait ou s'il hantait, comme divisé en une moitié ici et l'autre là-bas. Le voyait-elle, ne serait-ce qu'un peu ?

Jeu 26 Nov 2020 - 15:18

Son regard glisse sur l'écorce de l'arbre centenaire. A-t-il un secret à lui dévoiler ? Lui fera-t-il apparaître le fantôme de Sueño ? Elle l'avait déjà vu, il y a maintenant plus d'un an. A ce moment là, Fléau était entré dans sa vie et, il fallait bien l'avouer, il y avait foutu un sacré bazar. Et pour tout avouer, elle n'est pas certaine de vouloir revoir son père. Parce qu'elle ne saurait pas trop quoi lui dire ; il y a si peu de choses qui ont changées. Peut-être espère-t-elle revoir Toundra ? Pour lui dire tout ce qu'elle n'a pas pu lui dire de son vivant... ? Non. Elle sait que sa fille ne l'écoutera jamais. Alors, peut-être espère-t-elle revoir Nhorio ? Leio ? ... June ? Est-elle juste partie découvrir les terres où est-elle... Morte ? Et Orion ? Qu'est-il devenu, finalement, après toutes ses années ?
Finalement, ce n'est aucun d'entre eux qui apparaît devant elle. Non, en fait, c'est même la seule personne qu'elle n'aurait jamais pensé apercevoir ici ; Draggan. D'ailleurs, au début, elle croit halluciner. N'est-il pas ici en chair et en os... ? Elle ne peut pas croire qu'il soit mort. La seule idée lui donne un haut-le-cœur. Elle est si fragile...
- Draggan, l'appelle-t-elle pour attirer son attention.
Pour qu'il arrête de lui tourner autour sans but précis. Pour qu'il s'explique. Car elle a besoin d'explications.

Jeu 26 Nov 2020 - 21:18

Elle l'appelle, et son... âme ? se stabilise, cesse de vagabonder autour d'elle, ayant comme enfin trouvé un point d'ancrage. Paraissait-il plus visiblement, grâce à ça ? Peut-être. En tout cas, le lien était établi, bien que fragile, sans garanti de stabilité. Ses yeux sont pourtant bien posés sur elle, mais ne comportent aucune lueur. Froids comme la mort. Il l'était, après tout. « Absy. » entendit-on en écho. Ses lèvres ne bougeaient pas, comme s'il n'était qu'une projection. Néanmoins, sa voix semblait résonner partout dans l'air, autour d'elle, en elle peut-être ? S'il était capable de penser, sûrement aurait-il remarqué à quel point elle avait changé par rapport à l'époque où ils s'étaient connus. Elle avait continué à grandir, à vieillir... pendant que lui conservait son apparence d'avant sa mort. Encore jeune. Encore promit à l'avenir. Et pourtant. La projection pointe ses oreilles vers elle. Son port de tête est fier quoiqu'un peu bourru, comme autrefois. « Je suis mort ? » La voix résonna à nouveau, et si la projection semblait presque impassible, le timbre lui vibrait des mêmes intonations de son vivant ; avec une pointe de sarcasmes.

Sam 28 Nov 2020 - 16:58

Ca fonctionne. Il semble moins perdu depuis qu'elle l'a appelé. Comme s'il l'avait enfin remarquée. Comme si... Elle était apparue, alors que c'était lui qui était irréel. Et pourtant, aux yeux d'Absinthe, il semble si réel... Qu'elle peine encore à se rendre à l'évidence. Draggan, mort ? Non. C'est impossible. Elle refuse toujours d'y croire. Elle est dans le déni le plus total. Comment pourrait-elle y croire alors que ça rendrait sa disparition réelle ? Elle n'est pas encore prête à l'accepter. C'est trop tôt. Et ça fait si peu de temps qu'elle a apprit la mort de Toundra... Elle n'est pas prête à dire au revoir à Draggan pour de bon. Je suis mort ? Ses mots lui arrachent le cœur et elle fond en larmes. Alors qu'elle avait juré qu'elle ne pleurerait plus pour lui. Et elle est tellement absorbée par son propre chagrin qu'elle est incapable de lui répondre. Mais peut-être bien que ses larmes parlent pour elle.

linkin park -- one more light

sarcasmes à son encontre, sarcasmes à l'encontre du monde. ainsi donc la vie l'avait battu avec une aisance pitoyable. même s'il avait l'impression que rien n'avait changé, comme s'il allait un jour ressentir la faim à nouveau, avoir soif, sentir son souffle se couper et son corps battre. ne subsiste de draggan qu'une masse imparfaite et des sentiments agités, qu'il n'a jamais pu apaiser. ses oreilles spectrales s'orientent vers elle, alors que son corps immatériel s'approche, sans la toucher. de toute façon, elle n'aurait probablement rien senti, et lui non plus. c'était pour lui, qu'elle pleurait ? tu es mort, draggan, plus besoin de faire le con, ni l'ignorant. s'il avait encore eu des poumons, sûrement aurait-il soupiré, accablé de la voir dans cet état. « tu sais... » de son vivant il se serait raclé la gorge ; n'en réside qu'un silence bref. « je suis désolé d'avoir été un con. c'est pas ce que je voulais, même si c'est un peu tard pour le dire. tu as le droit de pas me croire mais... » nouveau silence. plus long. plus intense peut-être. « je t'ai toujours aimée toi. depuis le premier jour. c'est toujours le cas aujourd'hui, d'ailleurs. » ses iris sombres et fantomatiques cherchent les siens dans le vide qui les sépare : le matériel et l'immatériel. « je sais pas combien de temps je vais... durer ici. donc je tenais à te le dire. sans détours. » le gris spectral ne lui laisse pas le temps de répondre. il se juge lui-même. « j'ai bien mérité ce qui m'arrive. »

faucon

Il a suivi sa piste sans savoir pourquoi. Par instinct, par habitude, dès qu'il reconnait une odeur familière - et les odeurs, aujourd'hui, sont devenues comme autant de routes sur une carte qu'il ne peut que suivre. Une panoplie mentale, des chemins invisibles mais qui lui sont, aujourd'hui, tout ce qu'il lui reste de visible. Des sanglots peuplent son monde empli de sens divers. Tous sont exacerbés, plus encore depuis peu. Prix face à l'absence désormais irréversible de l'un d'eux. Le plus important, pour certains. Le plus inutile, depuis toujours, pour Faucon. Il accélère le pas, sans jamais trébucher, sans jamais hésiter. L'odeur d'Absinthe est persistante, il est arrivé après les mots prononcés, ne les a pas entendus. Il tressaille de tout son long, parcouru d'un sentiment étrange qu'il ne peut pas associer à quelque chose de connu. Cet Arbre, il ne le croit en rien différent des autres. Il est déjà venu, a déjà espéré, peut-être, croiser sa présence - mais Boréale n'est jamais venue. Toundra non plus. Sa mère non plus. Alors, pourquoi croirait-il à ces histoires insensées ? À tâtons, il s'approche d'Absinthe. Absinthe ? Pourquoi pleures-tu ? Dans un geste d'une tendresse frappante, sans qu'on ne puisse pas douter du lien qui les unit, des caresses déjà échangées par le naturel qu'il a de poser ses naseaux sur les siens pour les glisser sous ses crins, il souffle un air chaud sur son encolure, son poitrail presque collé au sien.
Sans savoir qu'un autre regard s'est posé sur lui.
Sans savoir que d'autres yeux, qu'il ne peut pas voir, ne pourra plus croiser, attendraient peut-être qu'ils les remarque.

Le souffle court, saccadé par les sanglots qu'elle ne peut réprimer, elle en vient presque à suffoquer. Chaque nouvelle inspiration est extrêmement douloureuse et ses poumons semblent avoir du mal à se remplir d'air. A croire que sa maladie s'est subitement aggravée. Alors qu'en vrai, il n'en est rien. Pourtant, son cœur est douloureux, lui aussi. De temps en temps elle parvient à étouffer un sanglot, au prix d'immenses efforts. Je t'ai toujours aimée toi. Depuis le premier jour. C'est toujours le cas aujourd'hui, d'ailleurs. Ses paroles transpercent son cœur. Et la douleur est si vivace, si réelle, qu'elle en sentirait presque le sang, chaud et poisseux, glisser le long de son poitrail en abondance. Elle ignore si elle croit en ses paroles. Si elle croit au fait qu'il l'ai toujours aimée alors qu'il l'avait abandonnée lorsqu'elle était prête à tout abandonner pour lui - y comprit Aulia. Alors qu'il l'avait rendue folle de jalousie en étant si doux avec Idunn. Et qu'il l'avait abandonnée avec une enfant dont elle ne voulait pas. Mais à vrai dire, qu'importe ? Absinthe ne veut plus regarder en arrière. Alors elle se contente de fuir le regard de Draggan. Parce qu'elle n'a plus la force nécessaire pour l'affronter. Pour faire face à la réalité.
- Personne ne mérite la mort, répond-elle avec sincérité.
Et c'est tout ce qu'elle lui dira. Elle ne s'épanchera pas sur la possibilité qu'il ait en effet réellement été amoureux d'elle et qu'il puisse regretter leur relation et comment elle s'est terminée ; dans les larmes.
Perdue dans cet océan de tristesse, dans toute cette désolation nimbée de colère et de frustration, elle ne remarque même pas l'arrivée de Faucon. C'est seulement lorsqu'il la touche qu'elle parvient à échapper à ses tourments. Ses iris bleus se posent sur lui alors qu'il lui redresse la tête. Sa peau tressaille légèrement à son contact et si elle se laisse docilement faire, son regard glisse vers l'endroit où se trouvait Draggan, juste avant qu'il n'arrive. Un peu gênée, elle glisse quelques mots à son oreille avant de se dérober à son contact bien plus affectueux qu'il ne devrait l'être.
- Faucon... L'esprit de Draggan est là...

spectre du passé, sa conscience s'effaça légèrement quand faucon arriva sur les lieux, comme brouillé par l'arrivée de nouvelles énergies inattendues. quelques instants, l'on aurait pu jurer que la scène était terminée, que la liaison était rompue, peut-être. que l'omniscience de sa mort s'était évanouie dans les tréfonds, dans les abysses desquelles il s'était extrait. par la force de la rancœur, ou de l'amour peut-être. voire les deux à la fois. draggan avait toujours été un grand possessif, néanmoins ce trait s'était atténué avec la mort. les défunts ne possédaient rien, alors tenir encore à qui ou quoi que ce soit relevait d'une parfaite calomnie. et pourtant. ses yeux immatériels se posent sur son fils fraîchement arrivé, force étant de constater qu'il était devenu un adulte de carrure aussi robuste qu'il aurait pu l'espérer. contemplatif, le spectre ne pipa davantage mot, contemplant la drôle de scène qui se jouait devant lui, incapable de ressentir la moindre émotion.

Le mâle fronce les sourcils. Impossible. Implacable. Comment pourrait-il ne serait-ce un seul instant croire à ces inepties ? Il hume l'air mais l'odeur immatérielle de Draggan ne peut être perceptible, aussi puissants ses sens soient-ils. Il ressent pourtant l'écart qu'Absinthe tente de lui faire comprendre et il recule de quelques pas, décontenancé. Cela se lit assez facilement sur son visage fermé. Si tu es là, parle. Sa voix est dure, son ton aussi. Ses yeux morts fouillent le décor comme s'il pouvait le voir. Et pourtant. Il disait, petit. Mon oeil-lune me permet de voir ce que personne ne peut voir. Une silhouette s'immisce dans son crâne devant l'obscurité que lui offre sa vision aujourd'hui, mais elle est trop floue pour qu'il puisse savoir si c'est réellement son père ou bien si c'est là le seul fruit de son imagination, quand bien même Faucon n'en a jamais vraiment eu. Il tourne vivement la tête vers Absinthe, agacé de cette incertitude, de voir ses repères se fragiliser. Tu pleurais. C'est parce qu'il est mort ? S'il est ici, c'est ce qu'ils racontent tous. N'est-ce pas ?

Au début, elle se heurte à un mur et à vrai dire, elle n'en est pas réellement choquée. Elle s'y attendait. Car Faucon est un esprit pragmatique. Elle sait qu'il ne croit que ce qu'il peut voir. Or, désormais, sa vue lui fait défaut alors... Ne devrait-il pas revoir son jugement ? La palomino refrène l'envie d'effleurer sa joue de ses naseaux. Elle craint que ce ne soit déplacé. Bien qu'à vrai dire... Elle n'y voit pas vraiment le mal. Oui, elle apprécie Faucon et oui, elle a déjà succombé à son charme. Et alors ? Un léger frisson - à peine perceptible - glisse sur son corps lorsque le bai tourne son visage vers elle. Quelques coups font tressaillir ses flancs légèrement arrondis, presque à la surprise d'Absinthe car c'est la toute première fois que l'enfant qu'elle porte remue à ce point dans son ventre.
- Oui... Je... Je ne pensais pas que ça m'atteindrait autant, après toutes ces années, soupire-t-elle simplement en détachant son regard de Faucon pour le planter sur Draggan.
Elle l'observe un long moment et se demande pourquoi il est silencieux, soudainement.
- C'est de voir ton fils qui t'a fait perdre ta langue ? Demande-t-elle finalement, mi curieuse, mi surprise.