les 40e rugissants

La bride lui enserre la tête. Une corde lie ses antérieurs. Redjim sent le métal tout autour de lui, et le sang. Il sent, il sait que le mal palpite doucement dans sa direction. Dans l'ombre, quelque chose approche. Il tente de secouer la tête mais il est paralysé par les liens. L'angoisse monte d'un cran. Il le savait. Il l'avait su. Sa gorge se noue, il panique et se rebelle encore, en vain. La main sort de l'ombre. Le grand couteau luit lugubrement sous l'éclat de la lune. Il se dirige droit vers sa gorge. L'étalon roule des yeux, effrayé au milieu des silhouettes bipèdes impassibles. Le couteau lui entaille la jugulaire, implacable, et le flot de sang jaillit. Il ronfle des naseaux, tente de reculer, mais trop tard, la vie s'échappe en trombe de son corps et il se sent déjà faiblir. Il va mourir. Il meurt. Ils l'ont saigné, ils l'ont tué. Ils vont le découper, le manger.

Redjim sursaute brusquement et se cogne contre la paroi du box. Il est allongé dans la paille. Épuisé par la course folle depuis chez les indiens, il a finit par sombrer lourdement. Un cauchemar... Le coeur tambourinant encore sous la terreur du rêve, il cligne des yeux et se redresse maladroitement sur ses pieds. Son mauvais genou le fait terriblement souffrir. Il a forcé dessus pour obéir au cowboy juché sur son dos. L'effort soudain lui a d'ailleurs valu d'autres maux ; courbatures et mal aux reins. Mine de rien, l'âge se fait sentir... Sans doute que la nuit a masqué ses tares aux yeux des cowboys. Ils n'auraient sans doute jamais pris la peine de l'emmener s'ils avaient vu son âge et sa boiterie.

Le louvet est tiré de ses pensées par un bruit. Un humain approche. Il reste dans le fond de son box, attentif.