« Once upon a time. » L.

Sa phrase me rassure un peu, mais le poids des remords commence à m'assaillir.
« Justement, je ne veux pas réagir comme tout le monde. »

- Tout le monde ne le sait pas. Façon plutôt subtile de dire que personne n'est au courant.

J'affiche un regard indescriptible et tourne la tête pour fixer le ciel bleu parsemé de nuages cotonneux, déstabilisée. Les sous-entendus ne m'échappent décidément pas.
« Tu veux dire que.. je suis la seule au courant ? »
Alors ça, c'est une grande première, une personne qui me fait confiance au point de dévoiler son plus grand secret.

- Hormis un ami de longue date, oui. répondit-il simplement, suivant un instant le regard de la jument sur le ciel bleu.

Ma curiosité est de nouveau piquée à vif.
« Qui est-ce ? »

- Aleksey. Je ne l'ai pas revu depuis un long moment. Alors je ne pense pas qu'il soit encore ici. lâcha-t-il simplement, détaillant la pie de ses yeux d'un noir d'encre, son toupet retombant sur l'un de ses yeux.

Je reste silencieuse. Aleksey... non, ça ne me dit rien. Je fixe l'arbre touffu qui s'élève au dessus de ma tête, pensive. Un grand chêne, peut-être centenaire. Je suis fière de constater que mes connaissances ne s'estompent pas et restent encrées dans ma mémoire.
Mes yeux bruns se posent de nouveau sur le poulain.
« Viens. »

Lorsque la jument sort de ses pensées pour s'adresser à lui, le mâle hoche la tête d'un air entendu avant de faire quelque pas vers elle pour lui indiquer qu'il la suivait sagement.

Je ne sais pas vraiment où je vais, ce que je fais. Je veux juste me changer les idées, et ne pas laisser le poulain seul. La brise légère me fouette agréablement le visage, tandis que j'entraîne Psychotrope à travers les arbres de la forêt. J'avance lentement en vérifiant régulièrement s'il me suit.

Il la suit bien, mais peut-être avec quelques mètres d'écarts. Il aime regarder le monde autour de lui. Il aime le voir changer au fur et à mesure de ses pas. Laissant s'évader ses rêves d'enfant.

Je tombe alors sur une petit clairière, illuminée par le soleil qui descend peu à peu à travers la forêt. Je renifle doucement le sol, puis lève la tête vers le ciel : on ne peut pas aller plus loin, il vaut mieux pour le poulain qu'il reste ici. Je respire profondément, je n'aime pas les séparations, aussi normales soient-elles. Non, aucun amour déchirant ou quelque chose dans le genre, seulement un au-revoir. Sans savoir si je le reverrai un jour.
« Je vais devoir partir. »

Un grand "non" résonna dans la tête du jeune mâle, comme une bouffée d'adrénaline qui fit battre son coeur plus fort l'espace d'un instant. Pourtant il demeurait toujours aussi neutre, seuls ses petits yeux brillaient faiblement. - Je te reverrais..?

Malgré son expression neutre, je devine que ça ne lui plaît pas, personne n'aime les séparations. Je baisse les yeux et les relève lentement.
« Je ne sais pas, on ne peut que l'espérer. »

Il hoche alors lentement le visage. Il fallait qu'il la laisse partir. Et il fit son possible pour bloquer ses petits membres où ils étaient et ne pas la suivre. Il lui adressa un sourire, comme pour lui assurer qu'elle pouvait y aller.

Je le regarde lutter pour ne pas m'accompagner, et je lui souris chaleureusement. Il ne se souviendra sûrement pas de moi, si jamais nous nous rencontrons plus tard, lorsqu'il sera grand, fort, et me dépassera d'une large tête. Je m'approche, le sert une dernière fois, puis m'éloigne au petit trot à travers la végétation.