you know, heroes aren't meant to survive.

(lou) dans ta tête, ça sonne comme une contradiction. il fait si beau. un ciel si bleu, des fleurs toutes ouvertes, qui rayonnent. qui semblent te narguer. tu trébuches. et tousses, chancelante. ta peau est parcourue de légers tremblements. elle t'a rattrapée. la fatalité. fatiguée, tu t'appuies contre le tronc d'un cerisier, essayant de reprendre correctement ta respiration, bloquée dans tes poumons.

C'est comme s'il l'avait senti. La mort. Tapie à chaque détour de chemins, cachée dans tous les coins. Attendant son heure. Certains vous diraient que personne n'a le droit de prendre la vie de quelqu'un, car c'était le destin qui décidait de quand on mourrait. Ramsès n'était pas de cet avis. La mort, elle lui appartient, il est le seigneur de l'Enfer, l'instrument de la grande Faucheuse, mais aussi son commandant. Il ne compte plus les vies qu'il a pris à des innocents, il ne se soucie plus du sang qui imprègne encore sa peau bicolore. Il connaît le goût du sang par coeur, il ressent la peur, il sait quand l'on va rendre son dernier soupir, il reconnaît le soubresaut du dernier souffle qui s'échappe du futur cadavre. Il maîtrise l'art de tuer avec une perfection inégalable, il connaît les techniques de torture les plus affreuses. Certains sont fous, certains vous attaqueront directement, et vous tueront aussitôt. Ramsès est plus intelligent que ça, plus fourbe, parce qu'il est imprévisible. Un jour aimable, le lendemain aggressif, un instant chameur et l'autre instant carrément violent, il est le Roi, et chacun doit obéir à ses désirs. Il réfléchit, décide, et agit. Il a tous les droits, et ne se prive pas de le dire. Il est snob, vaniteux, impulsif, charmant, sensuel, galant, méprisant. Ramsès joue tous les rôles qui lui sont permis de jouer, ne restant fidèle qu'à une chose ; ses envies. Comme un enfant, il agit selon ses désirs.

Aujourd'hui, c'est comme s'il savait. La mort l'avait appelé, gentiment, guidant ses pas jusqu'à la future victime. Il l'avait longtemps suivie, marchant d'un pas félin derrière elle, ses yeux d'abysse posés sur sa silhouette chétive et tremblotante. Sa toux se faisait plus fréquente, plus bruyante. Et à chacun de ses pas hésitants et trébuchants, le sourire du mâle s'était agrandi. C'est pourtant le visage neutre, mais la mine fière qu'il s'avança vers elle, un rayon de lune faisant étinceler sa robe claire.

un étau comprime tes poumons et enserre ton cerveau. ça cogne, à l'intérieur de ton crâne, comme si un lutin frappait contre les parois avec un marteau. tu tousses de nouveau. craches un fin filet de sang. réprimes une grimace, restes appuyée contre cet arbre, éclairé par le faisceau timide de la lune. puis, tu le vois. avant même de le sentir, car tes sens sont tous accaparés par ton état, ce sont tes yeux qui le discernent. tu ne parles pas tout de suite. le fixes longuement, avant d'être secouée par une quinte de toux si violente qu'elle te fait légèrement chanceler. tu te rattrapes, de justesse. pas question de finir à terre devant lui. tu reprends ton souffle, rauque. « va t'en. » craches-tu. tu sais pourquoi il est là.

Il est patient, pour une fois. L'issue de cette rencontre est déjà déterminée, rien ne pourra changer le cours du destin. C'est ainsi, la mort est toute puissante. Elle décide, et rien ne peut la retarder. Il ne vient pas l'aider quand elle se met à cracher ses poumons, mais il se glisse près d'elle. Ses lèvres caoutchouteuses se glissent sur son corps bicolore. Il la re-dessine de sa bouche, se l'approprie, apprends le contour de son corps avec attention. Il ferme les yeux pour mieux la comprendre, s'imprègne de son odeur, et son poitrail se glisse contre sa croupe. Il s'arrête derrière elle, un peu provocateur. Elle ne ruera pas, il le sait, elle est trop faible. Son regard abyssal la fixe avec attention, il ne dit rien, parce qu'il sait qu'elle sait.

bien sûr que tu sais. et dès que tu sens ses lèvres courir sur ton corps, tu comprends que lui aussi, il sait. il sait que tu vas crever là, comme une ordure, le nez dans la poussière. qu'importe s'il tombe sur ta dépouille quelques pétales de cerisier. l'issue sera la même. mais ça n'est pas une surprise, lou. tu tousses de nouveau, trop faible pour réagir, comme il semble l'avoir compris. « laisse-moi... » arrives-tu pourtant à murmurer, en tournant l'encolure pour réussir à croiser son regard.

Il penche légèrement la tête sur le côté, l'air presque tendre, et puis il lui mord les hanches brutalement, comme pour la rappeller à l'ordre. Elle n'a aucun droit. Elle connaît la suite aussi bien que lui. < Dis-moi, Lou, c'est quoi ce mal qui te ronge, et qui te tue ? > demande-t-il d'une voix douce, posant sa tête dans le creux de son dos.

c'est blanc ou noir, jamais gris. jamais normal, jamais neutre. brutal puis doux. tendre, puis agressif. tu grimaces, gémis légèrement lorsque ses dents agrippent tes hanches. puis, sa voix vient te panser comme une compresse. « je suis malade. je sais pas ce que c'est, ils.. ils ont dit qu'il me restait pas longtemps. ils avaient.. raison. » murmures-tu d'une voix rauque, ton regard le cherchant sans le trouver.

C'est comme ça. Ramsès est manichéen, soit tout blanc, soit tout noir, comme sa robe. Un dé à multiples faces. Il a l'air tendre comme ça, câlinant ce petit brin de jument, la regardant presque avec tendresse, cette pauvre demoiselle que la mort encercle et qui cherche à être rassurée. Mais il s'en fiche lui. Ce n'est qu'un jeu, destiné à lui plaire. < Ils ont mentis, Lou. > murmure-t-il, en se décrochant d'elle. Son museau glisse le long de son flanc, remonte sur son épaule, son encolure, sa ganache, et puis il plonge son regard dans le sien. < Ce n'est pas ta maladie qui te tuera. C'est moi. > Il lui sourit d'un air réconfortant, et soudain l'embrasse passionnément. C'est un baiser vivant. Tout le contraire de ce que la jument est présentement.

« ... » aucun mot ne sort vraiment d'entre tes lèvres sèches. tu soupires. ça ressemble plus à un râle. c'est lui, qui vas te tuer. mais tu le sais déjà. depuis longtemps, en fait. depuis le premier jour. tu ne frissonnes même pas. plonges ton regard de glace dans le sien, mais pas pour longtemps; vos lèvres se scellent, et une dernière fois, il te fait te sentir pleinement vivante. un tressautement t'ébranle, et tu te détaches maladroitement. « tu ferais ça ? » bien sûr qu'il ferait ça, louve. n'en doute pas. il n'est pas celui que tu crois. celui que tu as voulu croire qu'il était.

Il se colle à elle, épris de ce tourbillon d'excitation qui l'envahit. Son large poitrail se cogne au sien, et ses lèvres se font plus violentes, rendant le baiser plus passionnel qu'il ne l'aurait pensé. Mais elle se détache, il sent l'hésitation, et s'écarte, inspirant profondément. Elle le regarde, avec ses pauvres yeux de condamnée, lui pose une question. Il relève la tête, secouant la tête, s'offusquant. Il y a de l'incompréhension, du reproche même ! dans sa question. < Enfin Lou ! Je suis ton ami, et les amis ne laissent pas leurs amis dans la souffrance. Je te rend un service. > s'indigne-t-il. Et le pire, c'est qu'il a l'air sincère. Ce qu'il dit a l'air vrai, comme une évidence, comme si tout cela était normal. Ramsès sait jouer avec les mots, il est le roi de l'oration, à contrario de son frère. Il penche la tête sur le côté et regarde Lou avec gentillesse. Mais son sourire est carnassier, comme le loup qui s'apprête à sauter sur l'agneau.

C'est violent et passionnel. Purement charnel. Votre baiser te semble venir d'un autre monde, et durer une éternité toute entière. Pourtant, lorsque tu t'en détaches, tu en es rendue toute chancelante. Ses mots cognent contre tes tympans, et les font saigner. Saigner parce qu'ils sont faux. Il ment, et tu n'es plus une enfant. Tes iris, voilés, se braquent sur lui avec une certaine sévérité. « me prends pas pour une imbécile. » siffles-tu entre tes dents, avant de te dégager de son emprise, de sa force, de son étreinte. Pourtant, t'as envie de rester là contre lui, de rester avec lui. Mais il est déjà trop tard ; chaque seconde t'enlève peu à peu à la vie. « je sais que tu en meures d'envie. alors fais-le. » Tu plonges tes yeux clairs dans ceux du démon, le provoquant, jusqu'aux derniers moments. « fais-le.. » Ta voix se brise légèrement.

Il sourit. Un joli sourire. Pas carnassier, pas méprisant. Il baisse légèrement la tête, comme s'il était soudain timide, gêné par les projecteurs qui se braquent sur lui ; c'est lui l'acteur principal, c'est de lui que dépend la pièce ! Il se glisse contre elle de nouveau, l'enlaçant de son encolure musclée, enfouit sa tête sous sa crinière, et susurre à son oreille. < Je t'aime bien Lou, je t'aime bien. Je vais accomplir ce que j'ai à accomplir, mais je veux que tu m'appartiennes. Raconte moi ton enfance, raconte-moi ton passé, confie moi tes souvenirs, je les garderais précieusement ... comme un secret. > Il glousse un peu, excité comme un enfant.

Ses mots te font l'effet de plusieurs picotements dans le flanc. Comme de petites décharges électriques. Tu le fixes un long moment. Sans répondre, avec le silence comme seule armure. Si longtemps qu'on croirait peut-être que tu ne répondras pas. Mais tes yeux sont encore parfaitement ouverts, braqués sur lui. « rêve. » lâches-tu simplement, avant de réussir à sourire, à la fois malicieuse et triomphante. « tu me prendras déjà la vie, laisse-moi mes secrets. »

Il serre les dents, et se dégage d'elle, panachant sa longue queue fournie. < Alors tu mourras comme une inconnue. Comme si tu n'avais jamais existé, comme si tu n'avais jamais marqué personne. > Il dit la sentence avec ce ton qui le rend si habile à la manipulation. Un ton pathétique, mais à la fois très détaché, de façon à ce que la jument visualise bien l'inutilité de sa personne.

Tu sens tes membres se mettre à trembler. Ses paroles te révulsent, et tu serres les dents, partagée entre la colère et la peine. Tu essaies de lui répondre, mais une violente quinte de toux t'en empêche de nouveau, et tu soupires, frustrée. Tu laisses ta tête contre le tronc de l'arbre, les yeux clos, et sans les rouvrir, murmures : « sauf que j'ai existé. »

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