Furie.

Accélération.
Forêt pénétrée. Ta cadence change.
Galop effréné. Tu traverse le bois.
Destination: le pont.

Caspian marchait lentement, veillant à ne faire craquer aucune branche, aucune brindille, bref de passer totalement inaperçu. Il savait depuis son enfance se dissimuler dans les bois - c'était bien l'une des seules choses positives que lui avaient apporté les Telmarins. Soudain, un bruit de galop effréné l'arrête, l'antérieur en l'air, les oreilles plaquées sur la nuque. L'encolure arquée, il jette un regard autour de lui, cherchant une silhouette.

Ombre furtive.
Loin d'être silencieuse.
Mais tu es invisible.
Dans cette sombre forêt.
Concentrée.
Dans ton galop.
Tu remarque pas l'étalon.
Qui fait aucun son.
Tu semble fuir quelque chose.

Une silhouette noire passe au grand galop devant lui. Etrange - elle passe presque en silence, comme une ombre. Il semblerait presque qu'elle flotte au dessus du sol. Méfiant, le brun se tapie dans les buissons, observant de loin l'inconnue qui semble s'éloigner de lui.

Tu sembles savoir où tu vas. Tes songes animent ton esprit. Tu galopes toujours jusqu'à l'arrêt brutal de tes membres. Ils s'enfoncent dans la terre. Le pont est devant tes yeux. Blocage devant ce mirage. La projection de ta mère défunte te perturbe. Quel est donc ce message? Tes yeux reflètent ta peur et ta douleur. Tu as une crise de tétanie. Ta respiration saccadée. Tes rythmes cardiaques rentre en tachycardie. Ô Songe d'Eté ne sombre pas! Signal. Elle veut que tu t'approches mais tes muscles sont tétanisés par l'angoisse qui grandit en toi. Tu perds le contrôle. Ton corps est secoué par des spasmes.

Caspian suit la noire de loin, humant l'air avec curiosité. L'inconnue traîne avec elle un parfum désuet, comme celui qu'on percevrait en ouvrant un vieux livre. Soudain, elle s'écroule, convulse ; le blond n'hésite pas une seconde. Se ruant hors des fourrés, il sent les branches pointues s'enfoncer dans ses flancs. Quelques gouttes de sang perlent sur sa robe, mais il ne s'en préoccupe guère, inquiet. " Mademoiselle ? " Demanda-t-il, pressant.

L'odeur âcre du sang te permet de rester consciente malgré tes spasmes. Il va à ton secours. Tu essaies de battre tes Démons. Tes yeux sont blancs. Dans le vide. Tu persistes à te sortir de là. Tu entends sa voix. Rassurante. Ca ne calme pas tes convulsions cependant.

La situation devenait critique. Sentant la panique le gagner, Caspian jeta un regard éperdu autour de lui. Ils étaient désespérément seuls. Le pont craquait à côté d'eux, le vent giflait le Prince et l'inconnue en détresse. " MADEMOISELLE ! " Cria-t-il, presque énervé par son impuissance. Il pensa la secouer, mais comme elle convulsait, la secouer davantage aurait été une mauvaise idée.

Son cri a un effet électrochoc et tes convulsions cessent. Tes yeux sont toujours blancs. Vidés. Tes veines sortent de ton corps ébène. Ta respiration est irrégulière. Forte. Tu es pris d'une quinte de toux. Ton regard se réanime. Noir et froid. Qui se pose sur la silhouette de l'inconnu. La bouche ouverte tu aspire de grandes bouffées d'air pour faire un apport en oxygène important pour retrouver ton calme. Tu te lève pas. Tu reste allongée aux sabots de cet mystérieux étalon. Princess est à l'affût de ce mâle imposant vu en contre-plongée. Elle se sert de ton moment de faiblesse pour franchir ta barrière mentale.

Elle revient peu à peu à elle - voilà qui était soulageant. Soufflant un peu d'air chaud à la naissance de la tête de l'inconnue, Caspian sourit pour encourager la noire à revenir à elle-même. " Comment vous appelez-vous ? " Demanda-t-il doucement, dans un souffle à peine audible pour ne pas heurter les tympans de la noire. Il se passe quelque chose dans les yeux de l'inconnue, mais il ne sait quoi. Les sourcils froncés, l'étalon brun la questionne du regard, tandis qu'elle est toujours allongée près de ses genoux.

Rien ne se lit dans ton regard. Tu as bloqué tes émotions derrière une palissade d'indifférence. Ton regard noir et dépourvu de ressentis valsent avec le regard inquisiteur de ton compatriote. Tu te rend compte que ce dernier n'a pas d'intentions sadiques. S'il voulait te tuer tu serai déjà étouffée sous ses sabots. Position faible par rapport à lui. Bouge-toi! Princess se lève tandis que ton corps las a de la difficulté à se trainer. Tu es encore troublée par ta crise. Tu es sous son emprise. Elle te fait te dresser droite et laisse découvrir ta silhouette svelte aux blessures anciennes cicatrisées. Sur les récentes du sang a séché et fait des croutes attirantes pour les mouches qui te tournent autour. Tu n'as rien d'envieux et de jolie dans tes formes souillées. "Pourquoi mon nom t'importe t'il?" Ta voix neutre veut savoir ce qu'il l'intéresse chez toi pour qu'il t'ait aidé. Quant à Princess elle a une toute autre intention à son égard.

" Elle devait avoir été belle " fut la première pensée qu'eut le brun. Debout, encore vacillante, Songe d'Ete était une future épave, une jument dont la peau, tailladée par des cicatrices plus ou moins anciennes, s'étirait difficilement pour couvrir sa carcasse. Caspian se prit à la trouver belle, dans un sens. Une beauté ravagée. Il frémit. " Vous ne devriez pas vous lever, vous êtes encore dans les vapes, " Dit-il en se levant, catégorique. La question le prit au dépourvu, mais il n'en laissa rien paraître. " Pure curiosité, je suppose. " Elle semble sur les nerfs, comme si elle était sur le point de commettre quelque chose - inconsciemment, les muscles du brun se bandent.

Le mâle a raison. Tu devrais te recoucher le temps que tes vertiges cessent. Mais tu reste debout sur tes membres fragiles qui tremblent sous ton poids. Croire qu'ils ont plus de force pour supporter ta masse pourtant fine. La curiosité peut l'amener dans une ruelle aux problèmes qui te blâment. Tu pose un regard froid sur l'étalon. Sa présence te rend mal à l'aise. Tu as l'impression qu'un lien invisible lie vos deux âmes. Que ce dernier possède une arme qui calme ton double maléfique. Elle te laisse peut-être agir pour voir comment tu te débrouilles. Un peu de repos ne fait pas de mal. Le retour de Princess par contre fera cogner fortement ton coeur dans sa paroi. Elle aura une emprise sur toi au moment où tu ne t'y attend pas. Songeuse. Tu perds le fil. Dans tes prunelles sombres se lit ton absence. Tu reviens à la réalité. Perdue. Ta tête a arrêté de tourner cependant. "Et vous donc quel est votre nom?"

Il suit chacun de ses gestes - elle a l'air mal à l'aise, comme gênée par sa propre présence. Peut-être que la présence du mâle la dérangeait aussi, mais c'est à l'intérieur que quelque chose semble la gratter, la dévorer. La noire semble sur le fil du rasoir, toujours entre la lutte et l'absence. Soudain c'est l'absence qui l'emporte, et le brun voit toute conscience s'évaporer de ses prunelles. Au moment où il se préparait à la recoucher, de force s'il le fallait, elle lui retourna sa question. " Caspian. Puisque vous ne voulez pas me dire votre nom, faites-moi au moins le plaisir de vous recoucher, " Implora-t-il, plus inquiet pour elle que pour lui.

"Caspian." Tu le répète pour qu'il s'ancre dans ton esprit. Oui. Quelque chose de bizarre veut se rappeler de cette rencontre. Le mâle t'intéresse inconsciemment. Il titille une partie de toi qui désire connaître davantage de trucs sur ce dernier. Inquiétude sonne dans sa voix et de façon involontaire tes membres fléchissent et ton corps cède. Il tombe. Le bois du pont craque et son son t'inquiète. Tu te lève pas. Tu reste couchée malgré l'avertissement du pont. A tout moment il peut se casser sous ton poids et vous deux vous retrouverez dans l'eau. Tu regarde Caspian. La force t'a quitté. Tu parviens plus à te relever.