Après le mauvais, vient le beau temps

Sa naissance est récente. Une mère n'a pas toujours l'instinct maternel, c'est le cas pour Alisha. Abandonnée à son triste sort, la petite Iwa avait appris elle-même à trouver un refuge. Oui, car hier des averses et des orages avaient frappé la Terre. Le tonnerre grondait dans les oreilles de la pouliche. Elle était trempe par la pluie qui martelait son corps.

C'était sa première nuit, ici. Seule et laissée à l'abandon, elle a du braver sa peur et trouver un refuge. Son corps tremblait et elle était prise de panique face à l'orage qui éclatait sur ces terres. Malgré sa peur, elle parvint à trouver un refuge. Un tunnel sombre dont l'entrée était voilée par l'eau. Hésitante, le cœur de la pouliche se serra dans sa poitrine. Elle prit son courage et pénétra le tunnel. Il faisait sombre à l'intérieur. Elle continuait le long, des tremblements animés son corps frêle. Elle est plus petite que la moyenne, n'ayant reçu le confort qu'elle aurait pu avoir dans le ventre de sa mère. Du coup, elle n'était pas aussi évoluée qu'elle devrait, à cause de la négligence d'Alisha.

Aujourd'hui, la matinée est belle. Comme nous pouvons le constater, après la pluie, vient le beau temps. Un rayon de soleil se réfléchit sur la pouliche. Elle ouvre les paupières. Ses yeux piqués par la luminosité, ses paupières clignées comme à son premier jour. Ses prunelles ne sont pas encore habituées à la lumière forte qui sert à la vie. Elle se relève sur ses membres encore fragiles. Tremblante, elle n'a pas passé la meilleure nuit possible. Sa respiration prouve sa peur qui la submerge. Elle veut quitter cet endroit, qui lui a été d'un grand secours pour cette nuit, mais qui l'angoisse maintenant. Elle ne sait pas par où elle est venue, donc elle prend la droite et longe la paroi.

L'océan se grandit devant ses yeux, il se perd dans son horizon. Les vagues ne sont pas féroces, elles ont un rythme doux et s'échouent sur le sable calmement. C'est la marée basse, donc ce n'est pas dangereux pour la petite Iwa. Elle s'arrête à la sortie du tunnel. Le soleil est voilé par de fins nuages mais éclaire tout de même le paysage. Une lueur admirative illumine le regard de la pouliche bicolore. La peur s'envole, même si elle n'ose pas encore s'approcher de l'eau.

Caelis marchait. Alisha devait avoir mis bas maintenant, s'étant accouplée avant elle. Mara étant fatiguée de marcher, la grise l'avait laissée dormir dans un coin du tunnel, caché et protégé, et avait continué un petit bout toute seule. Il ne fallait pas la brusquer.

Elle perçut enfin la lumière du jour, les naseaux au sol, il lui avait semblé sentir un léger relent de l'odeur de l'alezane. Fraîche. Caelis renâcla. Il lui semblait impensable qu'un être si jeune puisse survivre seule, mais était déjà mère, et mère adoptive. Cependant, si la demoiselle pouvait apporter un peu de son lait, en grande suffisance, elle le ferait. C'est bien pour ça que les chevaux ont deux mamelles. Et elle vit ce qu'elle cherchait, à force de fouiller les environs. Presque par hasard, d'ailleurs. La grise s'approcha de la pouliche pie, doucement, mais se stoppa à quelques mètres. Elle ne voulait pas lui faire peur, et se demandait comment l'aborder.

Son attention est portée sur l'océan, suivant le cheminement des vagues qui ramènent de l'eau à ses sabots. Elle a avancé, elle est proche du grand bleu. Le vent est moins fort que hier, mais il souffle quand même. Il fouette le visage de la petite Iwa. Il lui amène une odeur, celle d'une jument. Elle se retourne vivement et la voit. Peut-être pourrait-elle l'aider à nager ? Oui, elle veut donner son corps à l'océan, ne faire qu'un avec lui. Danser au rythme des vagues. Néanmoins, elle a cette crainte qui l'empêche d'avancer plus et d'offrir sa carcasse fragile à ce liquide salé. Car oui, elle a goûté. Le goût est resté sur sa langue, qu'elle tire, pensant que le goût partira plus vite.

Ses yeux azurs détaillent la jument grise. La pouliche ignore que sa mère et cette inconnue se connaissent. Elle ne connaît pas le nom de sa mère, qu'elle cherche éperdument. Elle n'a plus d'espoir, plus rien qui brûle en elle. Les heures se sont écroulés, une journée et une nuit ont passé et aucun signe d'Alisha. La pouliche doit se faire une raison, mais pour le moment elle est dans le déni. Elle pense que sa maman reviendra, lui apprendra les choses de la vie. C'est à elle que l'éducation revient, mais elle a préféré fuir son rôle. Nous pouvons la pardonner. Elle est jeune et avide d'aventure. Elle a encore des expériences à faire. Mais pourquoi le sort de l'abandon retombe sur la petite Iwa ? Elle n'a rien demandé, rien fait pour mériter ça. Pourtant, il faut qu'elle se fasse de cette réalité. Elle ne reviendra pas, jamais même. Elle n'aura que le souvenir de ce dernier regard, de ces yeux brillants de désespoir.

Elle a faim, très faim. Plus de vingt-quatre heures sans qu'elle ait mangé. Elle n'a jamais goûté le lait puisque Alisha ne l'a jamais allaitée. Sûrement, elle ne voulait pas s'attacher à son enfant. Il y a peut-être une raison pour qu'elle l'ait oubliée, et qu'elle l'ait laissée seule à se débrouiller dans ce vaste monde. La pouliche est perdue, ça se lit dans son regard. Son ventre hurle qu'elle veut se nourrir et elle supplie sans le vouloir cette jument grise de l'aider. Son espérance de vie est courte, surtout quand nous sommes petits et fragiles, pour survivre sur cette terre.

Caelis n'a de cesse d'observer le petit corps frêle de la pouliche. Elle se demande si elle ne fait pas erreur. En même temps, à part Alisha, qui laisserait un si jeune poulain seul sans surveillance. Non, Mara n'était pas vraiment sans surveillance, puisqu'elle l'avait caché à l'abri dans un endroit proche. On ne pouvait pas comparer.

Quand Iwa se retourne, elle n'a plus de doutes. Combien de poulains aux yeux d'un tel bleus sont donc éparpillés sur Galop Sauvage? Sans doute uniquement Iwa. Seul Budapest peut léguer des yeux pareils, à son avis. Tout ça pour dire qu'elle a bien des raisons de croire que c'est l'enfant d'Alisha, ce qui lui fait tout de suite ressentir de l'affection pour la petite pie. Elle s'en approche, un doux sourire sur les lèvres. Bien sur Caelis n'est pas née ainsi. Ce sont tous ces poulains à l'avenir incertain qu'elle a croisé qui lui ont développé cet instinct.

La jeune mère hennit doucement, ce mettant de côté, et désignant ses mamelles gonflées de lait à la petite. Boit, vas-y. Elle voit son air affamé, et perdu. Elle regarde l'entrée de la grotte, se demandant quand surgirait sa propre enfant, et soupira.

Voilà que son message est passé. La jument inconnue propose son propre lait à la petite Iwa en laissant l'accès à ses mamelles. Premièrement, elle hésite. Elle fait un pas vers elle, puis recule de deux. La faim lui renverse les tripes. Tant pis, elle va vers ses mamelles et elle boit. Elle ne fait pas gaffe à sa force, s'acharnant pour avoir du lait, vite. Bien sûr, ça se voit que la pouliche est mal nourrie. Nous distinguons ses côtes et sa colonne vertébrale. Elle n'a que la chair sur les os. Une silhouette frêle, squelettique et nous pouvons prendre cette pouliche par pitié.

Elle ne sait pas que Caelis connaît son identité. Quant à elle, elle ignore tout de ses parents. Bien sûr, les yeux de sa mère ont marqué son esprit et c'est la seule image d'elle qu'elle retient. Encore jeune et naïve, la petite Iwa ne se pose pas de question sur l'abandon de sa maman. Alisha a du partir, reprendre des forces suite à sa mise bas qui l'a vidée de toute énergie. La petite pouliche rêve de son père, un étalon qui est occupé dans un rôle important pour se consacrer à elle. Non, elle n'a pas encore compris que ses parents s'en fichent d'elle et qu'elle est tout simplement une erreur de jeunesse. Quand elle l'apprendra, tout risque d'exploser en elle.

Pour l'instant la pouliche bicolore se nourrit. Pauvre jument qui doit souffrir car elle appuie fortement sur ses mamelles pour faire sortir le lait. Heureusement pour Caelis, elle n'a pas encore ses dents de lait. La petite Iwa recule et lève rapidement la tête. Elle vient d'avaler de travers. C'est ça, d'aller trop vite. Elle tousse et recrache du lait.

Elle semblait hésiter, alors la grise l'encouragea du regard. Il fallait qu'elle se nourrisse. C'était une question élémentaire de survie, et simplement de vie, que de manger. La mamelle qu'elle proposait à Iwa était peu utilisée par Mara pour le moment, et regorgeait de lait, ce doux liquide. Les deux pouliches étaient nées à date proche, bien que la petite isabelle soit la cadette. Ce qui étonnait Caelis, c'est que Mara n'avait ni la robe de l'une, ni la robe de l'autre de ses parents. Ni pie, ni baie, ni grise.

Quand Iwa se mit à tirer éperdument pour avoir à manger, elle se dit que c'était gagné. Et ça la soulageait presque. Elle en avait quasiment trop et ses mamelles auraient finit par trop peser et lui faire mal. Mais c'est sur qu'en arrivant vers la fin de sa réserve, l'empressement de la jeune bicolore mettait une certaine tension. Elle grimaça légèrement, et tourna la tête vers elle lorsqu'elle s'étouffa, un peu surprise.

Les yeux de Caelis se posèrent sur la frêle silhouette avec tendresse. Elle posa ses naseaux entre les oreilles d'Iwa, descendit le long de son encolure, et se décida finalement à faire une légère pression sur les flans de la pouliche. Jeune mère, elle n'a pas encore acquis les mouvements requis, alors elle improvise, se laissant guider par l'instinct, le ressentit. Elle ne la brusque pas, la laissant reprendre son souffle. Tout va bien?

Contrairement à Mara, la petite Iwa a hérité de son père pour sa robe et ses yeux. Quant à son corps, elle a sûrement pris du côté de sa mère. Bien sûr, elle ne peut pas le savoir car elle n'a pas pu étudier sa maman à la perfection et n'a jamais rencontré son père. Peut-être qu'un jour, elle tombera sur Budapest et à travers ses yeux, elle le connaîtrait sous le nom de son géniteur. Pour l'instant, elle ne l'a pas vu et n'a aucune information sur lui. Elle cherche ses parents, mais elle a encore du chemin. À croire, qu'ils la fuient.

Le lait attaque ses poumons, rendant sa respiration difficile. Elle a beau toussé, ça ne marche pas. Caelis, voyant la pouliche dans une situation délicate, vient à son aide. La petite Iwa la regarde, prise de panique. Quand la jument fait son geste de secourisme, maladroit, mais qui permet à la pouliche de recracher le lait de ses poumons. Elle prend un bon bol d'air frais, respirant sous une cadence rapide pour que son corps soit alimenté d'oxygène.

Ses yeux azurs se collent aux noirs de la jument. Un sourire timide se dessine sur ses lèvres et ses oreilles se dressent. Elle lui doit beaucoup. Sans elle, elle aurait continué à être affamée et elle aurait fini par périr. En plus, une pouliche aussi petite et frêle, est une bonne proie pour des loups ou d'autres prédateurs. Elle n'aurait pas fait long feu sans Caelis. La petite Iwa ne sait pas comment remercier. Sa mère lui a donné la vie, mais c'est grâce aux autres qu'elle survit.

Elle comprend ses paroles, mais elle ne sait pas comment lui répondre. Elle n'a pas encore délier le nœud qu'elle a aux cordes vocales. C'est un signe de tête qu'elle lui fait comprendre qu'elle va mieux, grâce à elle. Elle n'arrive pas à faire sortir un « merci » de sa bouche, faisant une sorte de blocage. C'est juste que personne lui a appris à parler. Elle use du non-verbal pour transmettre son message. Elle colle son encolure contre le poitrail de la jument et lui donne une léchouille.

Un hennissement plaintif sortit de la caverne. Mara appelait sa mère. Caelis lui répondit par un autre hennissement, et peu de temps après, la petite isabelle sortit en trombe, la crinière ébouriffée, l’œil hagard et la démarche encore pantelante. Elle était née la veille.

Sa fille vint se blottir elle aussi près de Caelis, se frottant contre le ventre de sa mère, et saisissant l'autre mamelle encore gorgée de lait. La grise sourit, et son regard chocolaté se reporta sur Iwa. Elle accepta son geste, lui rendant une léchouille entre ses deux petites oreilles.

Un instant, Caelis hésita. Mara n'avait toujours pas remarqué la pouliche, trop occupée par sa prise d'otage nourricière. La jument de nacre se demanda si elle devait le lui dire, ou non. Et puis elle se dit que si, la jeune pie ne comprendrait sans doute pas le sens de ses paroles la, ayant appris trop peu de vocabulaire pour le moment. Elle se disait que ce serait sans doute moins violent pour la petite, le fait qu'elle réalise toute seule en temps voulu. Elle murmura à son oreille: Je te présente ta demi-soeur, Mara. Ma fille. Et décida d'ajouter ces mots qu'elle comprendrait sûrement: Si tu as faim, tu pourras toujours venir te nourrir chez moi. Et les autres juments avec des poulains te prêteront sans doute leur lait.

La brise marine effleurait les naseaux de la pouliche. Elle aimait beaucoup cette odeur. Elle passa sous le ventre de Caelis, et se posta entre ses deux antérieurs. Maman! Elle n'arrêtait pas de lui répéter ça, ses petits naseaux en l'air. Sa mère baissa la tête, touchant le front de Mara avec son nez. Elle répondit sur le même ton: Bonjour Mara! Bien dormit? Pour toute réponse, l'isabelle bailla. Puis des motifs bicolores attirèrent son attention. Elle avait entendu ce que sa mère avait dit. Rien ne lui échappe. Demi-sœur? Et commença à renifler l'étrange robe.

Mara s'est réveillée et elle rejoint sa mère. Sa robe sable et son corps bien développé montrent qu'elle est tombée avec une bonne mère. Contrairement à la petite Iwa qui est plus petite que la moyenne, avec une silhouette dont l'ossature se voyait parfaitement. L'étreinte entre la jument et la pouliche se termine. Curieuse, la petite Iwa regarde Mara qui s'alimente comme elle l'avait fait auparavant.

Les paroles de la jument captent l'attention de la petite Iwa qui dresse ses oreilles. « Demi-sœur » est un mot qui ne rentre pas dans le vocabulaire pauvre de la pouliche. Elle pose ses yeux azurs qui prouvent son questionnement. Elle ouvre la bouche, mais aucun son ne sort. Ce blocage lui est pénalisant. Elle espère que le nœud se déliera de ses cordes vocales. Peut-être son mutisme est du à l'abandon de sa mère. Elle n'en sait rien. Elle est encore jeune.

Mara, elle-aussi, se pose la question puisqu'elle répète le mot que la petite Iwa avait perçu, sans vraiment le comprendre. Elle se laisse renifler et elle la copie en effleurant de ses naseaux la robe sablée de sa demi-sœur. Elle émet un petit hennissement, heureuse de ne pas être seule. Alisha l'a abandonnée, néanmoins la petite Iwa a retrouvé du réconfort chez cette mère, une nourrice pour elle.

Caelis se retire et s'allonge un peu plus loin, sur le sable chaud. Le soleil à eu le temps de le sécher. Mara, elle, regarde sa mère faire, puis reporte son attention sur sa demi-sœur. Elle se laisse renifler, puis répond au hennissement d'Iwa. La jument de nacre en est sûre, bien que le sens de ses paroles n'ait pas forcément été compris des pouliches, il a tout de même établit un lien entre elles deux. L'isabelle en est d'ailleurs bien consciente. Elle donne un petit coup de naseaux sur son poitrail pour se désigner. Mara. Comme si c'était nécessaire de répéter. Puis elle hocha la tête d'un air approbatif. Demi-sœur. Elle inclina sa tête finement dessinée, se demandant si l'autre allait faire de même.

Mara, bien qu'elle soit mieux nourrie, était plus jeune de quelques heures. La cadette entre elles deux. Elle était plus forte, certes, mais au niveau taille elles demeuraient mêmes. La pouliche fit quelques pas de côté, se terminant par un petit bond. Elle cherchait le jeu avec sa comparse. Malgré son œil gauche aveugle, elle entendait, et sentait. A cause d'une mauvaise manœuvre, maladroite en tâtant le sol, elle trébucha et s'écroula dans le sable. Perturbée elle hennit plaintivement. Sa mère broncha à peine, se disant qu'elle n'avait pas eu de gravité. C'était arrivé quelques fois depuis sa naissance, elle avait cessé de se faire du mauvais sang.

La jument répète les mots. Mara a sûrement assimilé, mais ce n'est pas le cas pour la petite Iwa. « demi-soeur » tourne dans sa tête, essayant de décortiquer ce mot pour en retirer la signification. Rien, elle ne peut pas mettre une définition. Elle pose son regard inquisiteur, qui se noie dans les yeux ambrés de Caelis.

La petite Iwa commence à se poser des questions sur l'identité de Mara. Qui est-elle pour elle ? Sa mère a avoué qu'elles avaient un même ascendant, mais lequel ? Le père. Néanmoins, la petite Iwa l'ignore car elle n'a jamais rencontré son géniteur. Et Caelis n'a pas ce même regard qui s'est gravé dans les souvenirs de la petite bicolore, celui d'Alisha. La dernière chose qu'elle a vu de sa mère et qu'il lui permettra de la reconnaître. Et oui, elle n'a pas encore compris qu'elle ne reviendra jamais. Elle croit toujours que sa maman est juste partie reprendre des forces et qu'elle retournera auprès de sa fille.

Le monde est mal fait. Mara a la chance d'avoir sa vraie mère à ses côtés, qui la soutient et lui donnera une éducation. La petite Iwa, quant à elle, devra apprendre les choses de la vie à travers ses expériences. Elle ne peut pas considérer Caelis comme sa mère, elle ne veut pas s'incruster dans cette famille qui a l'air d'être heureuse. Elle ne désire pas être un boulet, il faut qu'elle se construit.

Elle lui est reconnaissant pour avoir été sa nourrice, mais elle a peur de ce que peut penser Mara. La petite Iwa la regarde au moment où elle tombe. Elle ne peut pas etouffer son rire, émis à sa chute. Depuis sa naissance, c'est la première fois qu'elle rigole et ça lui procure du bien. Elle se sent heureuse qu'elle hennit de joie. La petite Iwa rejoint Mara dans sa chute, se roulant par terre.

Caelis somnolait non-loin. Cependant, si un danger se présentait, elle saurait réagir. Ses oreilles étaient toujours à l'affût du moindre son, son fin odorat de la moindre odeur suspecte. Elle soupira d'aise, entendant les jeunes enfants rigoler.

Mara, ne voyant pas de signe d'inquiétude venant de la part de sa mère, se dit qu'elle n'avait rien. Chose qu'elle constata elle-même par la suite. L'isabelle faillit s'offusquer du rire d'Iwa, les quatre sabots en l'air. Mais quand elle vit qu'elle se joignait elle, elle sourit. Son intérêt pour la bicolore redoubla de force, alimenté par son immense curiosité. A son tour, elle s'enveloppa de sable. Ce dernier provoqua des démangeaisons intempestives, qui firent bondir la semi-aveugle. Mara ne jugeait pas. Son œil gauche ne fonctionnait tout simplement pas. Il n'était pas brillant comme ceux d'Iwa, mais étonnement scintillant, reflétant une lumière bleue opaque, comme s'il était de verre.

Une fois relevée, elle rua, pour se débarrasser des grains de sables dérangeants, puis se mit à tourner autour de la jeune pie au galop. Réalisant soudainement que ça ne servait à rien, elle se stoppa net. Son œil valide fixa la mer. Cette étendue d'eau salée l'intriguait.

Caelis a décidé de laisser les deux petites faire connaissance. Elle s'est allongé, sûrement pour se reposer, mais elle a gardé une distance suffisante si jamais il y a un problème. Surtout que Mara semble être aveugle, ce qui doit certainement la rendre maladroite.

Le contact du sable chaud permet à la robe de la petite Iwa de se sécher car elle avait subi hier, les averses. Son corps était encore humide. Elle voit du coin de l'oeil Mara qui la copie dans son geste. Elle se roule de plus bel, du côté gauche et du côté droit. Quand elle se relève, elle s'ébroue pour chasser les grains de sable de son corps squelettique.

La petite Iwa observe sa demi-sœur qui tourne autour d'elle, déclenchant son envie de jouet.. Ses yeux azurs détectent l’œil à l'aspect de verre de Mara. La petite Iwa ne comprend pas que Mara ne voit pas de cet œil. Elle s'est même placée du mauvais côté, Mara ne pouvant la voir. La petite Iwa se cabre et retombe sur le dos de son compagnon de jeux.

Mara ne la voit pas. Certes. Mais ses oreilles entendent. C'est le seul sens sur lequel elle peut compter, ne pouvant pas établir de distance avec son odorat, le vent soufflant dans le mauvais sens. Soit. De ce côté elle en pouvait que l'entendre. pas la voir, pas la sentir. Mais elle sait que la pouliche pie est là, à côté d'elle, pas loin. Pour autant l'isabelle ne pensait pas se la prendre sur son dos. Elle réfléchit à toute vitesse: comment se débarrasser de ce poids? Mara esquisse un mouvement circulaire, se dandine, sans vraiment provoquer l'effet souhaité. Alors à son tour, elle se cabre, faisant glisser les sabot de son aînée le long de sa colonne vertébrale. La voici enfin libre, légère comme l'air. Vive, elle échappe à son attaquante, filant droit vers la mer.

Quand les sabots de Mara rentrent de l'eau, surprise, elle se cabre de nouveau, et recule en soufflant. Ses naseaux frôlent la surface, et l'odeur chargée de sel lui fait secouer la tête. La senteur est trop forte, et les vagues semblent l'agresser. Elle recule encore, oreilles couchées en arrière.

Sur le dos de Mara, elle bouge et finit par être déstabilisée. La petite Iwa tombe sur le dos, dans le sable fin. Heureusement que ce n'est pas sur un sol dur, elle aurait souffert. Elle observe la pouliche qui est partie en furie vers l'océan. Elle commence à la suivre quand l'autre pouliche s'arrête net.

Les vagues sont violentes et s'échouent sur les membres des deux pouliches. La petite Iwa s'est aussi immobilisé et recule quand Mara le fait. Son regard azur est attiré par l'eau. Elle aimerait aller plus loin, mais la peur grandit en elle. Le grand bleu ne fera qu'une bouchée de ces pouliches, si elles font les intrépides. Or la raison de la petite Iwa la maintient sur le bord.

Elle voit une grosse vague, dépassant les deux mètres, qui menacent les deux pouliche. La petite Iwa a déjà reculé, elle se trouve plus loin de l'eau que Mara. Elle hennit, à poumons ouverts, pour l'avertir. La vague se déchaîne et prend de la hauteur. La pouliche bicolore ne cesse de hennir, perdant même son souffle.