« La seule chance que vous avez est celle que vous vous créez. »

Rien ne rend plus rusé, plus hypocrite que l'amour. Ce sentiment, qui est censé être le plus grand de tous, nous fait faire, sans honte, les choses les plus petites et les plus mesquines.

Chao, lui, filait à toute allure entre les dunes, la queue en panache, les oreilles plaquées contre son crâne. Le vent charriait sa crinière noire et ses sabots frappaient le sable doré en cadence. Arrivant près du Sphinx, il ralentit, donna quelques ruades, pivota sur lui-même. Chao sprinta, et termina en arrêt glissé. Satisfait de sa performance, il secoua sa crinière et alla reprendre son souffle à l'ombre d'un palmier, ses muscles saillants brillants de sueur sous les rayons du chaud soleil.

L'immaculée observait silencieusement l'étalon. Il semblait être taillé pour la course et il faisait preuve d'une agilité fascinante. Lorsqu'il cessa sa course folle, la jument décida de venir à sa rencontre. Elle approcha en trottant gracieusement, laissant ses sabots ne frôler que la surface du sable brûlant.

Si Chao était si agile, c'était grâce à son entraînement. De plus, le désert, où il était né, était son élément. Il tourna la tête en grimaçant, aveuglé par le soleil, et remarqua alors une jument blanche. L'étalon sabino renâcla à son attention, curieux.

Lorsque la jument fut assez prêt du mâle, elle lui lança gaiement, d'une humeur joviale:
« Bonjour! Je suis Jen', & vous? »
Elle laissa apparaître un doux sourire sur son visage.

Pas vraiment habitué à se faire aborder de la sorte, l'étalon abaissa légèrement son encolure vers l'avant, intrigué. Bonjour...moi c'est Chao. Se présente-t-il, sourire en coin, amusé. Il secoua sa crinière pour la débarrasser du sable qui le démangeait. Z'êtes pas d'ici. Commente-t-il, connaissant de vue - au moins - chaque membre de ce troupeau, et éventuellement des autres.

« Je fais partie des Egyptiens depuis peu en effet. »
Elle le détailla de la tête aux pieds, soudain plus froide.
« Est-ce également vôtre cas? »

L'étalon sourit d'autant plus, bien au contraire de la jument grise. Il reprit depuis la base: Chao, éclaireur égyptien. Frère du dominant et fils de l'ancien dominant. Il haussa un sourcil, attendant avec impatience de voir si elle le prenait pour un prétentieux, ou un membre de sa harde qui avait bêtement conscience de son titre.

Intéressant. Son visage se radoucit et elle répondit d'un ton neutre.
« Enchanté. Je suis la fille de Gaël, fier Roi du plus grand et redouté troupeau de l'Amérique Latine. Du moins jusqu'à ce qu'on l'assassine. »
Elle se doutait bien que Chao ne connaissait pas l'existence de ce continent, mais pour elle, c'était une grande fierté. Sur sa terre d'origine, aussitôt aurait t-elle prononcé ces mots qu'elle aurait été traité telle une princesse. Gaël n'était pas un tyran, mais un parfait dominant, respecté. Elle l'admirait beaucoup.  

L'étalon, lui en revanche, fils de Tyran et meurtrier, le dernier plus redouté de Galop Sauvage avec le jumeau de celui-ci. Chao haussa des sourcils imaginaires. J'connais pas. Mais si tu veux savoir, on a à peu près le même passé. Il redressa son encolure et pointa ses oreilles vers la jument. Mon père a été tué il y a quelques mois, parce qu'il était un assassin et un roi tyran. Il a réussi à monter tout Galop Sauvage contre lui après des années de pression, bien avant que je sois né déjà. Explique-t-il. Et que fais-tu si loin de ton pays?

La ravissante jument écoutait attentivement Chao, très intéressée. Un tyran? Le père de Jen' n'en était pas un, il était redoutable au combat mais ce n'était guère pour cela qu'il était comme celui de l'étalon. Assassiné? Tout deux? Pas pour la même raison. Jen' avait tendance à dire ce qu'elle pensait, sans imaginer les conséquences.
« Tu ne penses pas qu'il a mérité sa mort? »

Si ce n'était pas le cas, j'aurai été éliminé comme ses partisans. Il sourit en coin, et ne précisa pas qu'en ce temps là, il était bêtement neutre, Chao étant un opportuniste au caractère de bandit, qui ne faisait que ce qui l'arrangeait...même si pour son grand damne, il n'y parvenait pas toujours.

   

Elle l'observa longuement sans piper mot. Puis elle leva la tête vers le visage du sphinx. Ses longs crins blancs se balancèrent automatiquement en arrière.

Il lui rendit son regard. L'Egypte regorge de symboles comme celui-là. Précise-t-il, en voyant l'attention que prêtait la jument à la gigantesque statue mythique.

" C'est magnifique."
Lâcha t-elle en guise de réponse. D'où elle venait, les paysages étaient splendides mais jamais elle n'avait vu d'aussi grandes statues. Elle fut un instant éblouie par le soleil et détourna la tête aussitôt, reposant ses doux yeux noirs sur l'étalon.