les extrémistes à deux balles

Khalee observait l’eau miroitante depuis quelques minutes déjà, hésitante. Elle avait vu plusieurs ombres inquiétantes, dont une très grosse, passées sous ses yeux sans qu’elle ne puisse clairement identifier ces choses aquatiques. Etaient-elles hostiles ou inoffensives ? Elle n’était pas en reste s’il fallait se lancer dans un corps à corps terrestre, mais dans l’eau… Elle était lucide et ne donnait pas cher de sa peau. Mais son côté casse-cou la poussait à pénétrer dans le lac mystérieux. Un, deux, tr… L’arrivée d’une jument alezane stoppa son élan. Peut-être même que l’inconnue venait inconsciemment de lui sauver la vie. Khalee fronça les sourcils, la rouquine avait l’air ailleurs, et entra dans l’eau l’air de rien. « Vous ne devriez pas trop vous attardez dans ces eaux belliqueuses. » lui conseilla Aly, sans pour autant bouger de sa place. Elle était curieuse de connaitre la suite de l’histoire : alors bestioles hostiles ou inoffensives ?

Khalee observa la jument sortir de l’eau d’un œil distrait, avant d’hausser les épaules d’un air nonchalant. « Il faut bien mourir un jour. » répliqua t-elle simplement. La jument ébène allait reporter son attention sur l’eau avant que la mine défaite de l’inconnue ne l’interpelle. Elle l’observa quelques secondes, de longues secondes, avant de détourner son regard en se disant que ce n’était pas son problème ni ses affaires. Mais il fallait croire que ces temps ci le soucis d’autrui lui tiraillait un peu les entrailles. Surement à cause de sa rencontre avec Noé. Elle grommela pour elle-même avant de rejoindre la berge derrière elle. « Mais la mort attendra encore un peu. » ajouta t-elle en se dirigeant vers l’inconnue. Aly s’immobilisa à quelques mètres d’elle et pencha la tête sur le côté en plissant légèrement les yeux. « ça va comme vous voulez ? »

La jument noire la regarda d’un air sceptique, tout le corps ainsi que la gestuelle de l’inconnue indiquait pourtant le contraire. Khalee ne savait pas si elle devait insister mais elle ne pouvait simplement répondre un ça peut aller et passer son chemin. « Ne nous intéressons pas à moi, pardonnez-moi mais … Vous faîtes vraiment peine à voir. » Ce n’était absolument pas délicat mais Aly n’avait pas pour habitude de passer par quatre chemin. « Comment vous appelez vous ? »

June. C’était court et simple, mais jolie. Khalee se surprit même à penser qu’elle aurait pu appeler sa fille ainsi un jour. Elle secoua la tête pour chasser cette idée de son esprit ; elle n’était vraiment pas prête à être mère. « Khalee. » répondit –elle simplement. Puis elle rajouta, hésitante : « Enchantée ? » Elle interrogea du regard la jument alezane. « Mon père ne pas vraiment appris les convenances, mais je crois que c’est ce qu’on dit lors d’une nouvelle rencontre, corrigez moi si je me trompe. » Tant bien que mal, la sauvageonne prenait sur elle pour apprendre le protocole compliqué de la socialisation.

Khalee esquissa un bref sourire en baissant le regard vers le sol après avoir observé les réactions de la jument. Elle semblait être son total opposé : douce, délicate, réservée. La marwari était franche, colérique, impulsive, sauvage. Aly releva lentement ses yeux vers l’alezane, la dénommée June. « Vous ne semblez pas plus à l’aise que moi avec toutes ces conneries. » souffla t-elle dans un rictus amusé. « Vous êtes ici depuis longtemps ? » La sauvageonne tentait tant bien que mal de faire parler l’inconnue, elle n’en avait absolument pas l’habitude, en temps normal elle aurait passé son chemin et aurait oublié l’alezane en une poignée de seconde. Mais avec la nuit tombant progressivement et sa mine défaite, elle ne se sentait pas de la laisser seule. De plus, il était peut-être temps pour elle d’établir quelques relations sur ces nouvelles terres.

Khalee leva les yeux au ciel en balançant sa tête vers le haut, plaçant involontairement son toupet ébène devant ses yeux. « Oui des conneries. » La sauvageonne faisait des efforts mais ce n’était pas toujours évident, elle ne cernait pas encore la logique de toutes … Ces conneries « Par exemple, on se dit enchanté de rencontrer un inconnu mais comment pouvons-nous réellement l’être tant que nous ne le connaissons pas un minimum ? » Elle dégagea son toupet de ses yeux d’un mouvement de tête et l’interrogea du regard. Avant d’hausser les épaules d’un air nonchalant. « Quelques jours. Je n’ai pas rencontré grand monde. »

La noiraude se redressa et fixa la jument en restant silencieuse quelques secondes, peut-être même une minute ou deux. La jument ne semblait pas la suivre, peut-être y allait-elle un peu fort ? Elle n’en savait rien, elle ne savait pas quel sorte d’effort elle devait faire pour tenter de nouer une quelconque relation sur ces nouvelles terres. Khalee se retrouva déroutée, elle n’avait jamais fait attention aux autres puisque personne n’avait fait attention à elle mis à part sa mère. Elle tentait de renverser la situation mais c’était plus difficile que ce qu’elle ne le pensait. Elle ne savait plus trop où elle devait mener la discussion.
La marwari finit par plisser les yeux et ces derniers s’attardèrent un peu sur les flancs ronds de l’alezane. Elle les désigna du bout des naseaux. « C’est pour bientôt ? »