** D'Austral et Boréal

O W B E R I N E 

Il faisait nuit plus tôt que la normale sur les terres du Nord. L'akhal s'était frayé un chemin parmi les caribous, ou plutôt les avait bousculé pour avoir accès au point d'eau. Mais sa surface était gelée, ce qui n'allait pas l'aider à étancher sa soif. 

OROSZLÀN.
Le Lion adore cet endroit.
Il l'apprécie particulièrement. Les couleurs chatoyantes et surréalistes qui viennent envahir le ciel à la nuit tombée le laissent toujours rêveur et profondément admiratif. Il n'a pas encore remarque l'individu de l'autre côté du lac, se déplaçant avec une lenteur douce et gracieuse.

L’akhal non plus ne remarque pas l'étalon à la robe d’or, trop occupé à trouver une solution. Il pose un sabot sur la glace, minutieux, le soulève puis l’abat avec force contre la surface du lac rigide. Il recommence plusieurs fois jusqu'à ce qu’enfin la glace cède, créant un trou assez large pour qu'il puisse boire. Mais cela attire quelques cervidés téméraires, ou bien stupides. Owberine rabat ses fines oreilles contre sa nuque, donne des coups d'épaules et assène quelques morsures en grondant férocement. C'était son trou d’eau. 

Alerté par les bruits de glace et de coups, l'esprit vif et aux aguets, Oroszlàn remarque bien vite la silhouette noire en face. Il fixe le corps sinueux qui lui arrache un long frisson. Il est trop loin pour sentir son odeur, mais quelque chose se tend en lui.
Il secoue ses crins et reste là, à l'observer faire sa place et sa loi au milieu des caribous, qui sont pourtant ici chez eux avant qu'il ne soit chez lui.

Oroszlàn a écrit:

Il est trop loin pour sentir son odeur, mais quelque chose se tend en lui.

Les caribous finissent par lâcher l’affaire et Owberine se retrouve tranquille pour apaiser sa gorge sèche. Il boit l’eau gelée avec une lenteur maitrisée pour ne pas que cela devienne un supplice. Ses yeux vairons finissent par croiser la silhouette d’or de l’autre côté du lac, silhouette le fixant. Il redresse l’encolure, faisant face sans siller à ce qui semblait être le dominant du Nord, Oroszlàn. Ses parents avaient exigé de lui qu’il connaisse les personnages importants de l’ensemble de ces terres, le Lion, comme certains le nommaient, en faisait forcément parti. L’Héritier.

« Le Lion » est un juste compromis entre ses deux situations. D'un côté héritier, d'un autre bâtard. Fils illégitime du Roi Fou. Il croise le regard particulier de l'être en face et tressaille légèrement. D'un signe de tête, il le salue, sans bouger pourtant. Sans savoir exactement de qui il s'agit.

Owberine penche la tête sur le côté, il est trop loin pour bien le discerner, pour mieux l’observer. Devait-il se laisser tenter et approcher ? Le Lion le salue d’un signe de tête. Les oreilles de l’étalon noir se tournent vers l’arrière, mais il finit par hocher la sienne à son tour. Il se met machinalement en marche pour le rejoindre, contournant avec précaution le lac de glace.

À son tour, pour ne pas laisser le noir faire seul l'effort de le rejoindre, le doré prend la marche également, de son allure plus lourde. Il s'immobilise à un ou deux mètres de l'autre, seulement. Il le discerne bien. Il lui ressemble trop. « Bonjour. » murmure-t-il d'une voix polie, cordiale.

L'étalon noir s’immobilise à l’unisson avec le dominant. Son regard inquisiteur n’a rien d’agressif, mais le corps d’Owberine y réagit comme, ses muscles se tendant. La voix du mâle à la robe d’or charbonneuse a des consonances polie et douce, mais l’akhal reste fixé sur la lueur étonnée dans son regard. " J'espère que ce n'est pas ma soeur que tu essaies de trouver sous mes traits. " Il était près à toutes les folies lorsqu'il s’agissait de sa jumelle, même d’attaquer Le Lion sur la base de suspicion. 

Un sourire un peu malsain, un peu vipère, vient s'acharner sur les lèvres du dominant. Il fait maintenant le lien avec l'autre veuve noire, la jeune, l'inexpérimentée, qu'il a connue peu avant. « Plutôt ta mère. » lui renvoie-t-il d'une voix toujours posée.

Le mot mère raisonne dans son esprit et lui fait lâcher un léger rire mesquin. " Rowena est tout sauf une mère. Elle ne donne la vie que pour mieux la reprendre. " souffle t-il alors que son regard bicolore s’ancre à celui du mâle. Une longue cicatrices zèbre sa peau le long de sa gorge, toute proche de sa jugulaire, résultant de sa dernière entrevue avec la veuve noire. 

« Disons plutôt génitrice, alors. » lâche Oroszlàn, clairement d'accord avec l'étalon. Il est encore dégoûté d'avoir vu la veuve noire mettre bas, seule au milieu de la glace, puis laisser le petit là, au sol, pour mort. « Mais elle ne gagne pas à tous les coups. La preuve, toi et ta soeur êtes toujours en vie. Et mon fils aussi. » révèle-t-il d'un ton neutre, qui se veut détaché.

Owberine le fixe, glacial. Cette révélation le surprend sans vraiment l’étonner, Rowena était ambitieuse. " Je ne pensais pas le Roi du Nord aussi stupide. " finit-il enfin par dire en détournant son regard de lui, non sans un certain dédain, s’attardant un instant sur le lac gelé. Qu’il ait baisé sa mère lui importait peu, seule Runaway comptait dans sa vie. Après un soupire, il reporte son regard bicolore sur lui, sourcils froncés, sévère. " Pourquoi ? " demande t-il simplement. Quelles circonstances pouvaient faire que lui et sa génitrice se soient retrouvés à engendrer un enfant ? 

« Je ne suis pas le Roi du Nord. » contre-t-il d'une voix calme mais autoritaire. Le Roi du Nord restera, pour lui, toujours et encore son père. À jamais détrôné. Il n'est que le Prince, ou le Lion du Nord, comme l'appelait Murphy avant sa mort.
Pourquoi ? Qu'en sait-il lui-même ? « Elle réveille quelque chose en moi que je n'aime pas, et qui ne m'aime pas non plus. » Est-ce réellement une explication ? Peut-il décrire le désir fou qu'il avait ressenti, avec elle, son amante d'une nuit ? L'amante de sa folie ?

" Tu es ce que tu es, que tu le veuilles ou non. " répond Owberine d’une voix tout aussi calme, si bien qu’on aurait pu le penser emplit de sagesse. Tromperie. Il était tout sauf sage, comme le Lion visiblement. Ses derniers mots piquent sa curiosité. " Le côté obscure est attirant. " complète l’akhal. Pour sa part, il s’était totalement laisser happer par cette dernière. Mais avec de tels parents, comment pouvait-il en être autrement ? " Cependant ce n’est pas sans risques. " ajoute t-il en plissant légèrement les yeux. " Sweeney voudra certainement la mort de l’enfant. " Ce salopard, mon père. Il redresse l’encolure et hausse les épaules d’un air indifférent. " Rowena aussi peut être. "