- losing my religion.

CSILLAG.
Le pont me semble interminable.
J'aime cette sensation d'être à mille pieds du sol, d'être en apesanteur un peu, d'être en danger. Je ferme même les yeux. Le moindre pas de travers me projetterai sûrement dans une chute mortelle. Un sourire s'étire sur mes lèvres – et dans ma tête, Gallisc sourit lui aussi – parce qu'on aime ça, se sentir au bord de la mort. Comme si ça me donnait un peu plus l'impression d'être en vie.

Elle l'attend de l'autre côté, souriante. Elle l'a reconnu tout de suite, le petit Csillag. Sa belle face blanche, marquant sa peau noire, soulignant ses yeux pâles ... il est unique. Il ferme les yeux pourtant, se laissant guider par ses tripes, alors elle ne dit rien, ne voulant l'effrayer, prête à intervenir s'il approche trop près du bord.

Je remarque que j'arrive bientôt au bout de la traversée – courte, je suis déçu – lorsque je sens les lattes du pont qui remontent légèrement. Mes grands yeux clairs s'ouvrent et avalent directement la silhouette de Luce. Je la reconnais immédiatement.
Elle a grandi, elle s'est affirmée, elle est toujours aussi jolie, c'est vrai. Mais elle a toujours cette finesse, cette grâce même à l'arrêt, cette douceur naïve au coin des lèvres. Je la salue d'un mouvement d'oreilles, d'un sourire un peu frivole et malicieux, tout en continuant de m'approcher encore.

Salut Csillag ! lance-t-elle d'un ton joyeux, relevant la tête dans un geste un peu bref. Il lui sourit d'un air malicieux, et son petit coeur s'emballe de joie.

« Salut, Luce. » Ma voix s'est affirmée, elle est plus grave, plus chaude, plus... sensuelle. Je m'approche d'elle et finis par ralentir, un peu trop près peut-être. Mes yeux clairs fouillent les siens, glissent sur ses courbes, remontent à son visage brun. « Tu as bien grandi. Tu es ravissante. »

Merci Csillag, dit-elle d'une voix charmante, si mignonne. Elle l'observe à son tour, se souvenant de leur première - et dernière rencontre. Elle était bien plus hargneuse, à l'époque. Tu as grandi aussi, tu es devenu un vrai mec ¬¬

Oh oui, bien plus. Sûrement moi suis-je devenu encore plus espiègle. Je prends son commentaire pour un compliment et gonfle un peu mon poitrail. « Comment vas-tu ? »

Elle hésita un peu, une micro seconde, repensant encore et toujours à Sinha. Je vais bien ! Bien que je n'ai pas revu mon père depuis ... toujours, en fait. Et toi ?

Tiens. Bizarre. Si je pouvais savoir qu'on avait tous les deux une relation étrange avec la même personne... « Je suis navré pour toi. » je prétends, ne sachant en réalité pas si c'est une mauvaise chose ou bien une bonne. « Moi ? Je vais bien. » Je lui offre mon plus beau sourire.