- j'porte plainte pour coups et blessures.

CSILLAG.
Je fixe le lièvre. Immobile, absent, là mais pas là.
Attrape-le. Tu me prends pour qui, Gallisc ? C'est un vulgaire lapin. Je vaux bien mieux que ça. Attrape-le, je t'ai dit. Je soupire et pour une des premières fois, je décide de l'ignorer.
La voix – plus qu'une voix, une présence, toute une image, une personne – dans mon crâne et là à côté de moi gronde. Ça me provoque immédiatement une douleur fulgurante au niveau des tempes. Je me penche en avant, pris de tremblements et de sueurs froides. Arrête ça tout de suite ! Alors fais ce que je te dis. Tu n'as pas le droit de me désobéir. Jamais. La douleur se calme mais reste présente, tapie, attendant sûrement mon assentiment. Je sens la présence de mon double dans mon dos, qui me surveille, me traque. Je couche les oreilles. Je n'aime pas ça. Je fais un pas vers le lièvre qui me remarque enfin et la migraine qui me vrillait le crâne me lâche soudainement. Il a trop d'emprise sur moi. Alors que je m'élance et m'apprête à fondre sur lui, autre chose le fait fuir immédiatement.

Je suis en colère. Une odeur équine me transperce les naseaux et je soupire fort, agacé. Gallisc aussi est énervé, au fond de moi, je le sens bouillir mais il ne se permet aucune remarque, parce que j'avais commencé à lui obéir. Je trouve finalement la coupable et la toise durement, la dominant d'une tête ou deux. « Tu l'as fait fuir ! »

Merde, je pensais avoir répondu

Ma tête, précédemment basse, effleurant le sol, se redresse soudain quand une voix sortie de nulle part fait éruption. Je cherche l'individu du regard et ne tarde pas à le trouver. Je le connais, d'ailleurs. Comment oublier un tel visage, de tels yeux. Ca faisait longtemps, tiens. Cependant, ses paroles me blessent, me brisent en deux. Elle est cinglante et j'en avais jamais eu connaissance durant notre enfance. La mine déconfite, le regard à nouveau jonchant le sol, je réponds timidement. < Pardon ... > Oui, je ne trouvais d'autre chose à dire que de m'excuser.

Sur le coup, je ne l'ai pas vraiment reconnue. Mais bien vite, je me souviens de la petite pouliche assez frêle et rêveuse rencontrée quand j'étais gosse. Je m'adoucis un peu, en levant les yeux au ciel. J'ai dû lui faire peur, ou du moins la vexer, l'effrayer, vu son air effarouché. « Désolé Céleste. Mais c'était important. » Je dilate mes naseaux, et détourne doucement mon regard d'elle. Elle a bien grandi, elle aussi.

Je redresse doucement la tête lorsque lui-même vient à s'excuser. Je ne comprends pas vraiment ce changement de comportement soudain. Quelques minutes avant, il m'incendie. Et maintenant, il s'excuse. Peut-être avais-je raté quelque chose ... Mes yeux scintillants, remplis de gentillesse, le regarde en silence, avant que ma voix timide ne se fasse entendre. < Pourquoi c'était important ? > osai-je demander à Csillag.

Je soupire. « Tu pourrais pas comprendre. » C'est pas pour la prendre pour une débile, c'est juste que je pense que ça dépasse un peu la vision du monde de beaucoup de personnes, ce après quoi je cours moi.
Après quoi Gallisc me fait courir, en fait.
Je me détends un peu, ignore mon double qui fait la gueule, à côté de moi. « Tu as bien grandi. » remarqué-je en lorgnant son corps qui devient élancé.

Je tends doucement mon encolure vers lui, désireuse de souffler contre ses naseaux, un peu d'air chaud. Je cherche son regard, me voulant compréhensive et à l'écoute. < Dis-moi ... C'est ton ami, Gasillag ? > dis-je, étant persuadée que j'avais écorché le prénom de son ami d'enfance. < Je me souviens de lui, lors de notre première rencontre. > Je ne le quittais pas des yeux, me baignant agréablement dans cet océan azur. Un fin sourire orne mon visage et mon regard se plisse, amusé. < Tu as bien changé, toi aussi ! T'es devenu plutôt pas mal ... > Je me redresse finalement, lui faisant toujours face.