les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve;

(oroszlàn)

Le Lion regarde les ombres grandir, tendre leurs silhouettes charnues vers d'autres parcelles à dévorer. Il observe leur ballet, leur croissance et pourtant, bientôt, leur mort prochaine. Il est drôle de penser que c'est le soleil couchant qui cause leur naissance et les guide jusqu'à leur apogée, et qu'il s'agit de la nuit pour tenir le rôle de leur meurtrier. On pense souvent le contraire. Mais la nuit n'est pas faite d'ombres.
C'est la lumière qui crée les ténèbres. Il est immobile sous l'un des menhirs, ses grands yeux sombres ouverts et attentifs. Au-dessus de lui, le félin à la crinière figée semble rugir pour le protéger. Un lion, comme lui. Il sourit un peu, et réprime un frisson. Ses blessures sont encore sensibles, mais il parvient de nouveau à parler, manger et boire normalement. Ses oreilles s'inclinent une seconde vers la gauche. Quelqu'un approche.

L'inconnu se dévoile et s'offre au regard du Lion. Il est plus fin que lui, moins impressionnant et pourtant, il transpire de cette prestance qui n'appartient qu'aux Rois. Un panache qu'on lui décrit souvent, à lui aussi. Il l'observe s'avancer, son regard neutre détaillant l'attitude de l'autre qui lui parait légèrement arrogante, presque provocatrice ?
L'ombre de la statuette féline ne couvrant qu'une partie de ses poils dorés, le Nordique s'avance lentement dans la lumière, secouant sa longue crinière d'étoiles argentées. « Bonjour. » Sa voix est rauque, chaude et imposante, mais pourtant calme et sans agressivité.
La silhouette de l'inconnu lui présente un souvenir qu'il n'a jamais souhaité oublier, qu'il n'aime pas se souvenir pourtant. Il cligne des yeux pour que les deux contours (celui réel et l'autre, chimérique) ne se superposent pas plus longtemps. Nox...

Le Lion se sent soudainement déshabillé par le regard du mâle, mais il ne cille pourtant pas, gardant le sien, sombre et sans fond, plongé au fond de celui de l'inconnu. Les lèvres du dunalino se soulèvent un peu, faisant naître un sourire amusé. « Elle ne vous plait pas ? » répond-il seulement, une légère lueur malicieuse au fond de ses deux puits. Il s'ébroue, secouant un instant sa longue crinière claire, offrant à son encolure le passage d'un courant d'air frais avant de l'enfermer de nouveau sous la protection chaude et humide de ses crins.

Un sourire toujours amusé orne les lèvres d'Oroszlàn. « Chacun ses goûts. » commente-t-il seulement, observant en levant la tête le profil bas de la statuette. « Je m'appelle Oroszlàn. Et vous êtes ? »