Perdue ?

Voilà que s'avancent les sujets tumultueux. Pourquoi s'est-il lancé dans cette discussion en la questionnant, au juste ? Il n'en sait rien. Peut-être lui reste-t-il encore un brin de clarté d'esprit, au final. Il cligne des yeux plus souvent, se décollant de sa peau, sans doute pour mieux y revenir par la suite. Il marche en fixant le sol, aussi blanc que ses yeux sont noirs. « Vous avez déjà vu une aurore boréale ? » questionne-t-il, éludant sa question tout simplement en n'y répondant pas. Parce qu'au fond, qu'est-ce qu'il en sait ? Sa compagne, voilà bien des semaines qu'il ne l'a plus vue..
Et peut-être cette absence cause-t-elle aussi la remontée de ses vices. Il tressaille pour essayer de ne pas laisser le parfum que dégage la jument lui monter trop à la tête.

Il s'éloigne, fixe le sol. Voilà, le moment si fort qu'ils venaient de partager, si personnel et si émotionnel, terminé. Envolé. Ne reste qu'un pincement au cœur chez Hérézy, c'était trop tard, elle était attachée. Autant qu'une liane a besoin d'un arbre pour vivre, elle sentait qu'à partir de ce moment précis, elle aurait besoin d'Oroszlàn pour vivre. Seulement ce n'était pas possible. Tout ce poids tomba sur les épaules de la jument grise, elle baissa les yeux à son tour.

- Non, jamais.

Dit-elle, presque dans un soupir.
Ce cheminement étant fait dans son esprit, Hérézy se prit alors par le sabot. Après tout, même si elle n'aurait jamais une vie parfaite, autant profiter des bons moments d'une vie passable ! Un fin sourire revint sur ses lèvres, plus hautes en un coin, et elle redressa l'encolure. Ses yeux doux se posèrent ensuite sur l'étalon doré, à nouveau. Il faisait battre son cœur la chamade, aucun doute.

- Mais promettez-moi qu'un jour vous m'en montrerez une.

Elle sourit plus généreuse, pleine d'un sentiment nouveau : l'espoir.

Il sent que quelque chose s'est rompu. Est-ce mieux ou pire ? Il n'en sait rien. Le dunalino continue de marcher, mais à présent, il se sent presque gêné, sans savoir réellement pourquoi. Il hoche doucement la tête, un peu distrait, lorsqu'il sent le regard de la grise sur lui. Croiser son regard lui suffit pour l'embraser de nouveau et il tressaille de tout son long, avant de lui rendre un sourire malicieux, de nouveau. « Ce sont les plus belles choses que j'ai vu de toute ma vie. Entre autres. » fait-il avec un clin d'oeil équivoque, voulant la désigner, peut-être un peu maladroitement. « Mais elles ne sont visibles que la nuit... » commence-t-il doucement, d'une voix basse, presque chuchotée vers elle.
Il redresse vivement la tête ensuite, envoyant en arrière et de tous côtés ses crins argentés qui brillent sous les rayons du soleil pâle. « Vous faîtes quelque chose ce soir ? » demande-t-il avec un sourire rayonnant, bien plus chaud que le soleil. Bien plus chaud que son coeur, fait de glace, comme son royaume.

Elle sentit à nouveau ce doux et délicieux frisson parcourir son échine toute entière, et elle ne pu s'empêcher de fermer les yeux un court instant, le savourant, encore. Quand elle les rouvrit, elle vit son petit clin d’œil, et ses dernières paroles résonnaient dans son esprit. Encore un compliment... Il comptait la rendre complètement dingue ou quoi !? Elle effleura le bout de son nez avec le sien en guise de réponse, et lui sourit avec malice.
Hérézy se mit à rire à gorge déployée à sa question. Non pas pour se moquer de lui, bien sur que non, il la faisait rire, c'était aussi simple que ça. Le regard pétillant, elle fit quelques pas en trottinant pour s'éloigner de lui.

- Je ne me vois pas faire autre chose que rester avec vous !

Piaffant presque, Hérézy l’appelait au jeu, à la taquinerie. Et plus si affinités...

Il est indéniablement attiré par elle, c'est certain à présent. Elle s'éloigne, mais il la suit, comme s'il en était aimanté. La flamme dans ses yeux s'allume de nouveau. Lorsqu'elle a frôlé ses naseaux des siens, il a pu respirer son souffle comme s'ils ne faisaient qu'un.
Il veut ne faire qu'un avec elle.
Il essaie de rester un minimum concentré, la suivant, respectant la distance induite par le jeu. Mais quel jeu, au juste ? « Alors restez avec moi.. » souffle-t-il d'une voix grave, une voix chaude, séductrice. Ses yeux noirs ne la lâchent pas d'une seconde.

La jument grise est perdue, entre des dizaines de sentiments contradictoires. Fuis moi je te suis, suis moi je te fuis. Ils jouaient à un jeu extrêmement dangereux, et Hérézy le savait, mais il était bien trop délicieux pour parvenir à s'arrêter.

- J'y compte bien.

Elle plissa légèrement ses yeux et, audacieuse, déposa un tendre baiser sur la ganache du bel étalon à la robe dorée. Puis elle s'éloigna au petit trot, panachant sa queue fièrement. Hérézy fit même quelques foulées de galop, presque sur place, avant de revenir au plus près d'Oroszlàn.

- Je me demande quelque chose...

Elle posa ses yeux dans les siens, et prit un air aussi aguicheuse qu'elle le pouvait.

Il est rassuré de voir qu'elle va rester avec lui. Qu'il est encore capable d'attirer les gens à lui et pas seulement de les faire fuir. Il tressaille de tout son long lorsqu'elle dépose un baiser sur sa joue. Il ne dit rien, handicapé des mots, son esprit tentant de se dépêtrer des vagues d'assaut qui déferlent en lui. Il se perd dans son regard, s'y noie littéralement. Il ne voit plus rien d'autre. La neige n'existe plus, sa raison non plus. Elle va le faire fondre, à coup sûr. « Je vous écoute. » répond-il d'une voix grave en se rapprochant d'un pas, un seul. Son encolure est courbée, il garde sa tête contre son poitrail dans une démarche souple, féline, aguicheuse, elle aussi.

Il la fait totalement craquer. Même si elle pourrait paraître sure d'elle, Hérézy ne maîtrise pas grand chose de ce qu'il se passe... Il n'y a plus que lui qui compte, lui et lui seul. Ses yeux toujours posés dans les siens, elle se met à jouer avec ses crins de ses douces lèvres. Geste qui pourrait paraître anodin mais qui déborde de tendresse.

- Si je vous suit, disons si je décide d'élire domicile ici...

Elle laissa sa phrase en suspens, pour laisser planer cette atmosphère de séduction, dans laquelle Hérézy était déjà jusqu'aux oreilles.

- Aurais-je le plaisir de vous côtoyer ? Ou êtes-vous trop occupé à combattre des méchants...

Bien sûr elle savait que c'était beaucoup plus compliqué, qu'il y avait énormément d'autres choses qui rentraient en compte, mais il y avait des mots qu'elle avait envie, presque besoin d'entendre.

Un geste qu'il n'a plus connu depuis de longs mois. Qui le fait frémir, qui lui fait fermer les yeux, un peu assommé par cette tendresse inopinée. Il sent son coeur battre à tout rompre à l'idée de l'avoir ici, au Nord. Chez lui. Qu'elle soit dans les parages. Qu'il puisse la retrouver, facilement. Il se recule à peine pour pouvoir ancrer son regard dans le sien. « Les monstres attendront. » Il ose un sourire légèrement provocateur, mais aussi flatteur. « Si vous décidez de poser vos valises ici, chez moi, alors je serai toujours là pour vous. Vous pourrez me trouver à n'importe quel moment. Et je serai là. » promet-il en laissant ses naseaux vibrer, tentant d'absorber le plus de parfum possible.
Pour s'en rendre malade. Il hume aussi encore et toujours les effluves des chaleurs de la jument grise, mais ses yeux restent rivés aux siens pour le moment.

[On le continue comme les terres ont changées ou on en fait un nouveau ?]