à mer tum //S//

Sydän avait laissé ses pas le guider vers les grandes montagnes du nord, dernière terres avant les frontières du Royaume des Glaces. Un douloureux poids se force au creux de sa poitrine, une pointe de regret. Il reste quelques instant a observer les montagnes, puis se détourne. Une page a été tournée, cela ne serre à rien de relacer le passé.

Le ciel était dégagé, ce soir-là. On pouvait même y discerner quelques constellations, mais Ana n'y faisait pas vraiment attention. À vrai dire, ce lieu, qui marquait presque l'entrée des terres du Nord, la rendait nostalgique. Non seulement, elle savait que cela affectait Sydän au plus haut point - mais surtout, cela mettait sa famille dans une position délicate. Et il fallait qu'ils trouvent une solution au plus vite.

Perdue dans ses pensées, elle remarqua à la dernière seconde qu'elle était sur le point de foncer dans quelqu'un. Relevant la tête, elle constata qu'il s'agissait de Sydän. Il semblait l'avoir remarquée depuis peu, lui aussi. Était-il perdu dans ses pensées, à son instar ? Elle ne dit rien et se contenta de l'observer. Parfois, le silence avait plus de valeur que les mots.

Effectivement, Sydän méditait et repensait beaucoup à sa vie d'avant. Avec une pointe de regret, certes, mais lorsqu'il réfléchissait un peu plus, il se rendait compte qu'il était bien mieux maintenant. Bien plus disponible pour sa famille, bien moins de responsabilités. Une vie pépère, bien qu'un peu monotone. Ses pensées s’arrêtèrent là lorsqu'il bouscula une petite jument bai à peine plus petite que lui. Cette silhouette familière et ses yeux de biches étaient bien connus par le pie. Sans rien dire, il l'a dévore du regard puis vient instinctivement enrouler son encolure autour de la sienne, le coeur bondissant.

Lorsqu'il enroula son encolure autour de la sienne, naturellement, elle se laissa faire. Ils restèrent ainsi, mués dans le silence, jusqu'à ce que le cœur de la brune se fit trop lourd. Elle s'évertuait à ne pas y penser, mais c'était tout bonnement impossible. Ses pensées s'emmêlaient depuis plusieurs jours, elle ne dormait presque plus. Il fallait qu'elle se déleste. Il le fallait. « Sydän, il est encore arrivé… quelque chose. Quelque chose de terrible. » Elle n'en avait pas encore parlé à qui que ce soit, et cette simple phrase fit remonter les souvenirs qui la hantaient depuis maintenant une semaine. Ses yeux picotèrent et sa gorge lui brûla. Allait-elle réussir à aligner trois mots sans s'effondrer ?

Sydän s'en veut de ne pas avoir perçu la tristesse qui éprenait sa belle. Il est surpris et à la fois inquiet lorsqu'il l'a voit sangloter. La bai était une jument forte, si elle pleurait c'est que quelque chose de grave était arrivé. Il resserre un peu plus fort l'étreinte. " Dis moi tout. Que se passe t il ? Il est arrivé quelque chose à Teal !? " s'inquiète t il en piétinant le sol d'anxiété. Il commençait à imaginer tout les scénarios possibles. Ses yeux clairs cherchent à capter le regard de l'arabe, pour la soutenir.

Lorsqu'il la serra contre lui, ce fut comme un détonateur. Les larmes qu'elle arrivait à contenir jusqu'ici s'écoulèrent librement le long de sa ganache, et elle fut parcourue de frissons fort désagréables. « Teal… oh non, rassure-toi, il va b-b-bien. » Sa voix était chevrotante, et la boule qui obstruait sa gorge compliquait la tâche. Elle éprouvait un certain mal à s'exprimer. « Il est arrivé… malheur à… » Naska. Mais ce nom ne voulait pas franchir le seuil de ses lèvres. Il restait bloqué au fond de sa gorge, comme un poison coriace.

Sydän est complètement meurtri, totalement impuissant face à cette tristesse. Il tente en vain de la soutenir en passant ses naseaux sur le doux visage de sa belle. Son cœur se serre puissamment, quel nom allait elle annoncer ? L'attente devient interminable, Sydän à l'impression d'être au bord du vide, au bord du gouffre. Comme s'il allait sauter, mais sans parachute car il savait que la chute de l'histoire serait douloureuse et tragique.

Elle laissa encore échapper quelques larmes qui, finalement, l'apaisèrent. Elle réussit à se calmer et à reprendre son souffle, avant d'annoncer d'une traite. « Il est arrivé malheur à Naska, Sydän. Il… » Elle prit une bonne bouffée d'air et ferma les yeux. « …n'est plus des nôtres. » Sa voix mourut sur les dernières notes.

Sa voix est si faible, à peine audible. Il a du mal a décrypter tous les mots. Pourtant un nom passe trop bien la barrière de ses oreilles : Naska. Il aurait préféré avoir mal entendu. " Non.. " geint il, atterré. Il ne s'attendait pas à cette nouvelle. Son cœur s'arrête l'espace d'un instant. " Qu.. Comment est ce possible ? " demande t il, la voix brisée. Il peine à garder contenance. Son cœur semble se briser en milles petits morceaux, dire que leur dernière altercation avait été une dispute...

Elle se concentrait sur un point fixe, le regard mort, perdu dans le vague. Comment trouvait-elle la force de lui raconter tout ça ? D'une voix cassée, plus aiguë encore, elle ajouta : « Isildure. C'est Isildure qui l'a… tué. » Sur ces mots, elle déglutit et ses yeux noisettes rencontrèrent les siens. Comprenait-il, désormais ?

Sydän baisse lentement l'encolure, il était complètement décontenancer et se sentait vide de l'intérieur. Il vient coller sa ganache à celle d'Ana tandis qu'une multitude de questions fusaient dans son esprit : Mais pourquoi lui ? Comment ? ..Son corps tressaille doucement, il contient difficilement ses sanglots. Mais pourquoi avoir décidé de rejoindre le territoire de cet garce... Il regarde sa bien aimée d'un regard tendre pour tenter d'en savoir un peu plus et là il comprend son regard. Il n'a pas besoin de mots. Ensemble, rien qu'avec un regard, ils s'étaient compris. Si Anastasia avait choisit les sables c'était pour venger Naska.

Ils restaient là, sans bouger, prisonniers d'un silence de plomb, le regard dans le vide. C'était une discussion lourde et difficile, mais ils devaient l'avoir, c'était primordial. Ana ne pouvait plus garder ça pour elle seule. La vérité devait éclater au grand jour. Il avait le droit de savoir… « Sydän je l'ai vu… étalé sur le sol. J'ai essayé de l'aider mais il était déjà trop tard. La garce était déjà partie. » À cette évocation, sa voix tressauta et une énième larme coula sur sa ganache. Elle ferma les yeux. « Je veux la détruire. » Cette phrase résonna comme un coup de tonnerre, elle débordait de haine et de mépris. Elle sonnait si étrangère, dans sa bouche… et la force avec laquelle elle avait été prononcée avait un côté effrayant.