▵ Le coeur en haine, l'âme en peine

B A I L E Y

Son regard était fixé sur un point imaginaire à la surface de l'eau. Les vapeurs chaudes du bassin avaient humidifiées sa crinière ébène, bien qu'elle ne se soit pas immergée totalement dans les eaux chaudes et habituellement réconfortantes des sources. Le réconfort, elle n'était plus certaine d'en trouver ou que ce soit ni dans quoi que ce soit pendant un bon bout de temps. Son royaume n'était plus, son père n'était plus, sa mère, sa soeur, son frère -bien qu'en réalité il ne l'était pas non plus- avaient disparu. Tout semblait lui échapper.

Elle entend des bruits de pas irréguliers approcher d'elle, cependant Bee ne bouge pas d'un millimètre. Ses muscles se sont tendus, et elle s’apprête à répliquer à la moindre attaque. Elle s'en voulait déjà assez d'avoir du céder les terres de ses parents à ces anarchistes, inconnus du Nord, elle ne se laisserait pas totalement déloger de chez elle si c'est ce qu'ils cherchaient à faire. Mais c'est une voix plutôt douce qui l'aborda, et elle ne s'y attendait tellement pas, qu'elle ne put retenir un sursaut surpris. La jument brune lève ses yeux de biche vers l'individu, un étalon qu'elle n'avait jamais vu, qui se dressait non loin d'elle sur la berge. Son regard dérive jusqu'à sa jambe blessée, avant de remonter jusqu'à ses yeux. Bonjour. répond t-elle doucement. Désolée, je m'attendais à quelqu'un d'autre. Mais elle était incapable de dire qui. L'eau vous fera du bien. continue t-elle en désignant sa jambe.

Elle ne bouge pas de son emplacement dans le bassin mais lève les yeux pour observer l'entrée de l'étalon. Son petit air d'extase lui arrache un petit sourire en commissure de lèvres. Mais un sourire bref et éphémère.
Ses oreilles pointent en avant à sa question puis en arrière, elles font ainsi plusieurs allers retours, indécises quant à la teneur de cette question. Avant elle se méfiait de dévoiler son identité car son père lui avait dit qu'on pourrait lui vouloir du mal, mais aujourd'hui qu'elle était la donne à propos de tout ceci ? Etait ce pire ou au contraire, plus personne en avait rien à foutre ? Oui. répond t-elle dans un premier temps, le regard perdu à la surface de l'eau. Puis Bee le relève doucement vers l'étalon inconnu. Je suis la fille d'Aslaug et Maddox. dévoile t-elle de but en blanc, se moquant finalement bien des conséquences, car les conséquences n'avaient plus la moindre importance.

Sa réponse l'interpelle, elle fronce les sourcils. Enfaite, elle est sceptique. Il les connaissait bien ? Mais elle, elle ne le connaissait pas du tout. Elle se concentra, se permit de le détailler d'avantage, mais non, rien ne lui revenait en mémoire. Vous les connaissez bien ? répète t-elle pour marquer son étonnement. Elle est sur la défensive, mais Bee finit par soupirer. Elle n'était pas non plus obligé de connaitre tout les amis ou connaissances de ses parents, ils avaient eut une vie avant elle et Ubbe. Mais une pointe d'amertume fait brutalement son apparition, et bien qu'elle aurait voulu garder ces quelques mots pour elle, ils sortent de sa bouche sans préambule : Pourtant, je ne vous ai pas vu lorsque les anarchistes sont venus au Nord.

Elle effectue plusieurs légers hochements de la tête en réponse, pour signifier qu'elle avait occupé sans pour autant qu'elle ne prenne le soin de répondre quoi que se soit. Qu'il y avait-il à répondre ? Plus rien. Jusqu'à ce qu'une question la titille un peu, assez pour qu'elle se sente de la poser. Elle fronce légèrement les sourcils et lui lance un regard interrogateur, peut être un peu méfiant aussi. Et ... Qui êtes vous ? Ses yeux glissent sur sa jambe, du moins au reflet qu'on voyait d'elle à travers l'eau. Elle se retient de hausser les épaules, elle ne voulait pas paraitre insolente. Ce n'était pas parce qu'elle se sentait mal qu'elle devait le faire payer aux autres. Qu'est ce qu'il vous est arrivé ? essaie t-elle tout de même de s'intéresser.

Redjim. Ce nom résonne dans sa tête et pleins d'informations affluent sous son crâne. Ses oreilles se redressent et pointent dans sa direction. Le reste de sa présentation est inutile mais elle ne lui fait pas remarqué, par politesse. Oui ses parents lui avaient parlé des anciens rois et de leurs familles, cela faisait partie de l'histoire de ses terres et de son peuple, elle était l'Héritière du Nord, elle devait savoir tout ça. Même si aujourd'hui, cela n'avait plus la moindre importance. Elle hoche la tête pour confirmer qu'elle savait cela, et se permet même de rajouter : Vous êtes aussi le père de Bryséis. A son soupire, elle se tend immédiatement, sans qu'elle ne comprenne tout de suite pourquoi, comme si son corps réagissait avant même que son esprit ne réalise ce qui allait suivre. Peut être pour que le choc soit moins rude ? A moitié prête. Les mots tombent. Il la regarde droit dans les yeux et elle en fait autant, ne cillant pas. Ses naseaux se dilatent, sa respiration s'accélère d'instinct. Bee ressent tout un flot de sentiments différents. Sa mâchoire se serre, quelques secondes, voir minutes, puis se desserre à l'unisson qu'un long soupire ne s'échappe de sa gorge. A quoi bon ? Tout était fini maintenant, et c'était sa faute à elle.Et donc si vous n'aviez pas été blessé, je vous aurai vu aussi en face de moi au Nord, c'est ça ? Sa voix est basse et las, pourtant aucuns reproches n'en sort.

Bee écoute attentivement ce qu'il lui énonce, et se retrouve en accord sur l'esprit global de ses revendications. Sauf que ... Mais tout les dominants n'étaient pas comme ça. tranche t-elle, sans agressivité. Pourquoi ne pas simplement avoir remplacer ces dominances tyranniques ? Que cela apporte t-il de faire tomber l'ensemble des dominants ? Les royaumes apportaient un certains équilibre, chacun prenait soin de son peuple et ses terres. Ceux qui ne souhaitaient pas être sous la coupe d'un dominant pouvaient choisir de rester solitaires. Elle fronce les sourcils. Aujourd'hui nous sommes attaqués par un groupe d'individu qui veut s'emparer de nos terres. Qui veut s'emparer de notre liberté à tous. Et comment allons nous nous défendre alors que nous sommes tous diviser ? Comment ? Nous devons nous unir. Nous aurions du nous unir. C'est impossible à présent.