☁ Je rentre à ma maison

Bowie baille à s'en décrocher la mâchoire. La journée a été bonne, très tranquille et incroyablement douce pour la saison. Le jour décline à grande vitesse. D'un pas tranquille elle regagne un coin retiré du jardin où elle aime vivre, un petit havre prés d'un arbre aux branches lourdes de petits lampions vermeilles.

Bowie s'arrête devant une lanterne tombée sur le chemin, quelqu'un d'un peu maladroit a dû la faire tomber. La blanche s'active à la ramasser et la raccroche à une branche solide. "Et voilà ma jolie !" La jeune jument affiche un sourire de ravissement et s'apprête à reprendre sa route. L'une de ses oreilles pivote, quelqu'un s'approche. C'est un grand étalon, bâti comme un roc, à la robe sombre. "Bonsoir monsieur ! "

"Oh non, non, pas du tout !" Voir des nouvelles personnes ne l'ennuie jamais de toute manière. Cela rend la blanchette plutôt heureuse de rencontrer des têtes inconnues au détour de ces paysages ô combien familiers. "Je rentrais chez moi en fait, la journée a été bien remplie !"            

Elle acquiesce, amusée par la réaction étonnée de l’étalon noir. Il est vrai qu’en ces temps-ci tout le monde lui semble perdu. Les territoire ne sont plus que de vagues régions portant les noms donnés par les premiers dominants de ces terres. Les frontières ne tiennent plus, chacun peut aller et venir comme bon lui semble. Bowie, elle s’en fiche, elle n’a besoin de personne pour s’installer et survivre, elle a décidé de ne plus se plier à ces règles, c’est terminé ça pour elle. « Oui, je vis dans un coin de ce jardin, vous voulez voir ? »

Le temps lui semble suspendu. Il n’a jamais rencontré quelqu’un comme elle. Quelqu’un qui a une maison, et qui ne se complique pas la vie. Du moins, c’est l’impression qu’elle lui donne. Elle semble si sereine, si calme. Elle dégage quelque chose d’apaisant.

- Oh, ma foi pourquoi pas… Je vous suis !

Dit-il, tout joyeux de voir à quoi pouvait ressembler "une maison" par ici. Sa curiosité prenant soudainement le dessus.

Super ! Bowie est ravie, elle a le bonheur facile. Elle en piafferait presque d'impatience, c'est une habitude qu'elle avait en étant pouliche et qu'elle essaye de réfréner avec l'âge. D'un signe de la tête elle lui intime de le suivre et part dans un petit trot rebondie en suivant un chemin bordé de jolies fleurs rouges et de lanternes aux lueurs chaleureuses.

Sans attendre, Snow lui emboite le pas… Enfin plutôt le trot. Il en profite pour secouer son encolure et laisse ses longs crins valser dans le vent, au rythme de ses grandes foulées aériennes. Son regard se balade un petit instant sur la délicate créature qui trotte devant lui puis il passe sur le paysage qui les entoure. Il fait si chaleureux par ici…

A peine quelques mètres plus loin, Bowie sors du sentier et saute par-dessus un petit buisson épineux qui, à la belle saison, se remplie de baies sucrées très douces en goût. Une petite clairière à l'herbe tendre s'offre à eux. La jument trottine jusqu'en son centre et se tourne vers l'étalon noir, une lueur de fierté brille dans ses yeux ambrés "Tadaaam, c'est ici !" Les nombreux arbres autour d'eux sont décorés de lampions aux lueurs vacillantes. Le clapotis ambiant indique le passage d'un ruisselet dont l'eau claire laisse apercevoir quelques petits poissons aux couleurs vives. Un arbre à la ramure plus importante sert d'abris à la jument blanche, on peut le deviner car l'empreinte laissée par son corps y est clairement visible.        

Bien trop occupé à observer le paysage, Snow ne voit pas de suite que la jument bifurque. Alors surpris, il accélère l’allure pour la suivre mais… lors du saut, il se prend les sabots dans le buisson épineux et s’écorche l’antérieur bien comme il le faut. Il se stoppe brusquement, un fin filet de sang parcoure sa jambe, du dessous du genou jusqu’au boulet. Outch ça pique… Le grand noir souffle des naseaux, déconcerté, il n’a pas vraiment l’habitude de se blesser et encore moins pour si peu. Néanmoins, l’atmosphère et la douceur de l’endroit lui change les idées et lui redonne du baume au cœur. Il redresse alors la tête, ses yeux sombres parcourent ladite maison.

- C’est vraiment joli !

Commente-t-il et l’a rejoignant au centre de l’endroit.

"Merci !" Son grand sourire enfantin quitte son visage lorsque ses yeux se posent sur les écorchures que s'est fait le mâle, certainement en sautant par-dessus l'arbuste. "Oh ça va ? Désolée j'aurais dû te prévenir pour le buisson..." Elle pointe du bout du nez le cour d'eau près de sa couchette, elle avait pensé à tout avant de s'installer ici et ce coin était vraiment parfait, la blanche avait tout à portée. "Viens, si tu veux nettoyer ta jambe !"    

Milles excuses pour le retard !

Snow s’arrête aux côtés de la jument banche.

- Ce n’est rien, c’est moi, je peux être maladroit parfois…

Dit-il avec un petit sourire, relativement gêné. Ses oreilles basculent vers l’avant lorsqu’elle lui montre le petit ruisseau. Le grand noir la suit, sachant très bien qu’il ne fallait pas rigoler avec les blessures même si celles-ci semblent superflues.

- C’est super gentil mais je ne voudrais pas abuser de ton hospitalité non plus.

Ajoute-t-il. Raaah Snow et sa politesse légendaire…  

"Aucun soucis, j'aime bien avoir de la visite." Elle lui répond de sa voix la plus douce, celle qui vient du coeur. Avec précaution, elle verse un peu d'eau sur les blessures légères du massif étalon noir. "Ca va faire un peu froid." Les coupures peuvent parfois s'infecter mais celles-ci sont vraiment superficiel, un peu d'eau clair devrait suffire. Elle se redresse et lui sourit. "C'est bon !"