carton rouge

La brise du soir venait faire danser les fleurs entre elles, sous l'observation de l'ébène qui faisait acte de présence près des grands arbres. Le ciel avait la couleur des fleurs, le spectacle ne pouvait que plaire à Léïne, discrète dans son coin.

Vinushka
Elle ne s'est pas encore battue avec un GSien et espère au fond d'elle que cela n'arrivera pas tout de suite. Elle n'est pas réellement forgée mentalement au combat. Quand cela arrive, c'est souvent de manière imprévue et involontaire. La brune se hasarde quelques heures en dehors du royaume des ombres, ce champ de fleurs rouges lui donne le sourire. Au loin, elle distingue une silhouette, elle l'observe silencieusement.

Ce champ avait quelque chose que toutes les plaines de GS n'avaient pas en elle. Quelques minutes venaient de défiler, laissant une silhouette au loin s'introduire dans le champ de vision de l'ébène et son odeur se glisser dans ses naseaux. C'était une dame. Une oreille en avant, l'autre en arrière, la panthère resta là. Si l'inconnue serait intéressée par une éventuelle rencontre, ces pas la guideront vers Léïne.

Alors sans plus attendre, elle pénètre de tout son être, corps et âme, dans ce champ aux couleurs rougeoyantes. Elle hume l'air d'un coup sec, laissant se hisser cette douce odeur subtile de la nature. Comme si elle nageait en plein océan, Vinushka en oublie presque l'étrangère au loin qui semble l'avoir remarquée elle aussi. Puis, soudain, ses yeux se fixent sur le néant, ses pupilles se dilatent. Tout ce rouge, toute cette couleur, toute cette harmonie perturbent l'inconscient de la brune qui se met à paniquer. La femelle tente de se concentrer du mieux qu'elle peut, sentant en elle grandir cette flamme haineuse qui la hante.

Les yeux sombres de l'ébène observer l'inconnue, commençant son errance dans celle-ci. Mais c'était impossible pour Léïne de deviner que le subconscient de la jument commencer à dériver. Pour elle, ce n'était qu'un simple pétage de plomb parmi tant d'autres, pauvre naïve.

Comme si les choses vibraient autour d'elle. Comme si les sons étaient décuplés. La démence s'installait en elle, elle se sentait partir. En quelques minutes, qui lui parurent très longues, Vinushka perdit le contrôle d'elle-même. La peur l'alimentait et jouait avec son pauvre corps. Tel un pantin, elle subissait cette folie. Ces images de bain de sang, cette panique de s'y noyer. Le rouge, partout du rouge tapissait ciel et terre. Les flots berçaient sa folie. Mais la rage de vaincre somnolait au fond d'elle ; la brune se mit soudainement à galoper comme si elle essayait de s'échapper, tête basse, regard perdu dans le néant, en direction de la noiraude qu'elle percuta de plein fouet. Elle trébucha à son tour, s'égratignant les genoux et se redressa d'un bond comme on s'amuse avec un pantin ; comme désarticulée.

Quelques secondes et tout s'était renversé dans ce paysage si doux. La vision de l'ébène venait de revenir, et ses pensées suivent le mouvement à leur tour. Que s'était-il passé ? Autour d'elle, rien n'avait changé à par une forme équine au sol avant d'effectuer un bond, que Léïne se permit de faire à son tour. Qui-êtes-vous ? Lâche-t-elle simplement, la panthère avait bien le droit de savoir qui était cette vache jument qui venait de la percuter sans s'excuser.

Plongée dans ses méandres, Vinushka n'entendait qu'un flot lointain de paroles. Elle n'arrivait même pas à distinguer correctement chacun des mots prononcés. Ce n'était qu'un chant diabolique qui cognait dans sa tête. Les oreilles baissées, elle fit face au monstre de ses rêveries et se cabra. Ses antérieurs battant l'air, elle effleura légèrement le corps immobile, puis retomba lourdement sur le sol. Ses yeux noyés dans le néant se fixèrent sur la silhouette nébuleuse. "Bats-toi, ordure des enfers !" lança-t-elle, rageusement.

L'inconnue ne semblait pas être dans un état normal, du moins aux yeux de l'ébène. Ses sabots effleurant le corps de Léïne, mais qu'allait-elle faire ? Son adversaire avait une sacrée carrure, et avait sacrément l'air entraîner. Peut-être que la folie de la jument allait cesser si on lui donner un coup ? Trop de questions se bousculèrent dans sa tête. Oreilles en arrière, tête en avant, elle chargea la jument, la percutant de plein fouet sur le côté en envoyant une morsure sur son épaule.

L'autre contre attaque. Elle est bien l'oeuvre des enfers. La rage de Vinushka s'amplifie alors qu'on l'attaque, qu'on lui fait comprendre qu'elle devra mener ce combat jusqu'au bout pour s'en sortir. Se sortir de ses torpeurs, de ses angoisses. L'obscurité qui l'encercle fulmine et crée une espèce de brouillard autour de ces deux êtres. La morsure bouillonne, ses muscles paniquent. D'un coup d'oeil furtif, son regard absent jauge la gravité de l'entaille. Il est temps de continuer ce qu'elle a commencé. Il est temps d'arrêter ce cauchemar. A son tour,
Vinushka se cabre et envoie valser ses antérieurs dans le vide. Elle n'a plus la sensibilité qu'elle a lorsqu'elle est lucide. Elle rate son coup, essoufflée.

Elle n'était pas la seule essoufflée, non pas par folie mais par manque d'entraînement. Léïne esquiva de justesse le coup de la jument, avant qu'à son tour, elle se lève et tente de frapper l'encolure de la jument. Allait-elle y arriver? Même survivre ? C'était impossible. La folie de l'autre jument lui semblait avoir donner de la force. Là voilà ratant son coup, elle retombe lourdement sur ses antérieurs, s'écartant un peu.