the best rockabilly

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Hekâ profite des premiers rayons du soleil, qui éclaboussent d'un or rose la muraille. Son poil duveteux frémit sous la froide bise de la fin d'hiver. Elle apprend à apprécier ce qu'elle entend, à trouver beau ou laid les choses et les sensations. Elle apprend à ressentir. Parfois, c'est trop, parfois ce n'est pas assez. L'énorme retard accumulé est rude à rattraper pour l'ex-momie.

Jeu 22 Mar 2018 - 11:17

La lionne n'a pas dormi. Jamais la nuit, en fait. Elle est donc sur la muraille majestueuse lorsque l'aube se réveille, éclaboussant le paysage d'un coup de pinceau rose orangé. Ses crins blancs se couvrent de paillettes rosâtres, son corps cramoisie revêt une robe dorée. Sans émotion particulière, elle erre sur les pavés, se demandant si l'on peut faire une différence nette entre rêve et réalité.
Quand a-t-elle rêvé pour la dernière fois ?

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Les yeux d'ambre se fixent sur une silhouette légèrement en contrebas. C'est un cheval à la démarche qui erre, qui rôde. La robe est sombre, avec un teinte brune presque cuivrée, et la crinière d'un blanc laiteux. Sa curiosité émergente et décuplée, qu'elle ne parvient encore ni à satisfaire, ni à contrôler, la pousse à faire quelques pas vers elle pour l'observer de plus près. Elle ne fait pas partie des parias, ou bien elle a été nouvellement enrôlée, car Hekâ ne l'a jamais vue. Et avant de l'aborder, les derniers mots de la Veuve lui reviennent en tête, au sujet du pouvoir des mots, au sujet du pouvoir que l'on a quand on sait parler. Assurément, Rowena a appris à ses monstres à parler. Il faut être subtile. Il faut désirer en noirceur mais en douceur. Hekâ redresse légèrement sa tête, et repart vers l'inconnue. Quelques rafales viennent balayer ses crins noirs et pelucheux, et la dent de loup qui y est nouée, dernier souvenir de Rowena, vient s'agiter contre son encolure.

Lov la remarque lorsqu'elle est presque sur elle. Elle observe son corps encore jeune, ses membres encore fins ; ses crins d'un noir obscur qui contrastent avec les siens. Quelques mèches blanches viennent s'y mêler, comme si on avait tenté de la peindre, sans succès. La dunalino ne ralentit pas, lui arrivant presque dessus de son pas archaïque, lourd et silencieux pourtant. Elle pile net devant l'isabelle, la dévisageant en silence.

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Les deux entités seraient presque entrées en collision. Aucune d'elles n'a ralenti, jusqu'à ce qu'elles s'arrêtent net, l'une juste en face de l'autre. Hekâ est encore petite et menue par rapport à l'inconnue, mais cela ne la déstabilise en rien : elle a toujours eu une grande confiance en elle et en ce qu'elle peut faire, malgré sa deuxième naissance. Ses yeux ambrés détaillent en silence la femelle. Tu aurais pu me rentrer dedans, dit-elle alors qu'un rictus fin vient étirer ses lèvres. Elle aurait dû dire ça avec un ton outré ou indigné, mais elle n'en pense rien. En fait, ça sonne plutôt comme un test.

Les lèvres de Lov viennent lentement s'étirer en un sourire-miroir. Légèrement taquin, légèrement provocateur. « J'aurais pu. » répond-elle pour signaler la différence avec les faits : elle ne l'a pas fait. Elle s'ébroue, laissant ses longs crins blancs et emmêlés venir frôler l'isabelle. « Tu aurais pu m'éviter, aussi. »

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Je n'ai besoin d'éviter personne, rétorque l'égyptienne sans détacher son regard ambré de celui de la femelle. Je m'appelle Hekâ.

Elle soutient son regard de braises, où des flammes sinueuses viennent lécher ses iris à elle, si noirs. Deux gouffres sans fond. « Lövojka. » répond-elle simplement. Sans se douter un seul instant qu'elles sont de la même famille.

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Tu étais au rassemblement. Et à l'entraînement, aussi. Que cherches-tu ? demande Hekâ en reposant son regard sur la canopée. Elle ne l'avait jamais vue avant et porte encore les parfums d'ailleurs.

Lov s'approche encore d'elle jusqu'à n'être qu'à quelques centimètres de la jeune. Son souffle brûlant et glacé à la fois vient s'échouer sur le visage de l'isabelle, qu'elle fixe de ses grands yeux noirs. « À ne pas voir tout notre travail saboté. » répond-elle naturellement, sur un ton monocorde.

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Lövojka s'avance vers elle d'une proximité qui devrait devenir envahissante et inquiétante, mais Hekâ ne frémit pas une seconde ni ne recule. Elle garde ses prunelles de la couleur du soleil dans celles de la femelle. Elle regarde le chanfrein sombre, les naseaux tressaillants, jusqu'aux lèvres, puis replonge son regard dans le sien. Un rictus railleur étire légèrement sa bouche. Quel travail ?

Le même demi-sourire s'esquisse sur les lèvres de la palomino au pelage sombre. Elle détourne son regard pour le poser dans le vide, tout près d'elles, juste derrière la muraille, qui semble les protéger. « Tu l'ignores, alors que cherches-tu, toi ? »

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Le rictus d'Hekâ s'estompe. Première chose avec elle : toujours, toujours répondre à ses questions quand elle en pose. J'ai demandé : quel travail ? Sa voix est plus ferme. Ça a toujours été ça : jamais elle n'a laissé filer une question tant qu'elle n'a pas eu de réponses. Si Lövojka regarde l'horizon, les prunelles pâles de la jeune guerrière sont fixées sur elle.

Et elle sent son regard rivé sur elle. Mais par provocation peut-être, Lov s'entête à ne pas la regarder, toujours avec son sourire arrogant. Elle n'a pas peur d'elle. Ni de personne d'autre, ni même de la mort, d'ailleurs. « Tu crois que tu auras toujours tout ce que tu demandes, petite ? » crache-t-elle avec un brin de mépris dans la voix. Si elle, elle a toujours été assurée et sûre d'elle, même quand elle était jeune, elle n'a jamais pris comme acquis quelque chose.

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Les yeux d'Hekâ se ferment un instant, sous l'agacement que lui provoque la jument. Elle se demandera toujours pourquoi les plus vieux tiennent toujours à faire savoir qu'ils sont plus vieux, plus mûrs, plus expérimentés. Elle croit lui faire une révélation sur la vie, et en plus elle l'appelle petite. La jeune guerrière renifle avec dédain. Tu crois que tu peux te permettre des leçons de morale à des inconnus, vieillarde ? dit-elle, par pure provocation envers les paroles de la femelle. J'aurai toujours ce qu'il m'est possible d'obtenir.