Le regard de WABAN est porté sur le grand feu sacré. Le feu crépite, envoyant de grandes nappes de fumée vers le ciel. L’étalon se détourne d’un pas lent, il serre les dents en sentant ses vertèbres craquer. Ses vieux os supportent difficilement son propre poids. Il s’avance dans la petite clairière où tous l’attendent en silence, l’angoisse est palpable. Le vieil équidé s’immobilise au centre du cercle puis patiente quelques secondes avant de prendre la parole pour rassembler ses idées : Le grand jour est arrivé. commence t il en toussotant pour échauffer sa voix rauque. Il n’a pas l’habitude de jouer le porte-parole, mais ce soir l’heure est grave. En temps que cheval de chef, c’est une de ses responsabilités. L’étalon laisse retomber le silence, il lève son museau vers le ciel, la lune est dégagée et l’humidité de la nuit fait gonfler son poils épais. Les Cow-boys ont envahi la plaine aride, ils seront bientôt là. Nous devons partir. Le temps presse… Dans l’assemblée, les chevaux commencent à s’agiter. Aponi jette des regards inquiets autour d’elle comme si les intrus pouvaient surgir d’une minute à l’autre. Liwanu concède à relever la tête vers l’assemblée, abandonnant quelques instants son épis d’orge qu’il avait chipé dans le potager. Askook et Ozalee se tiennent en retrait, toujours silencieux, ils attendent la suite. Imala est revenue d’expédition cette après-midi, elle dit avoir trouvé des terres habitables, si ses dires sont exacts, elles seront parfaites pour nous accueillir le temps de préparer la rébellion. L’étalon tourne la tête vivement en direction d’une jument assez agitée. Satinka. Peux-tu nous en dire plus ? C’est toi qui as accompagné ta cavalière dans cette expédition. La jeune jument s’avance pour se placer à son tour au centre du cercle, bien contente d’être enfin mise en avant. Elle soigne son entrée en faisant claquer ses sabots sur les pierres et se positionne face à son oratoire. Ses petits yeux noisettes toisent la foule avec arrogance, tous semblent suspendus à ses lèvres, et cela l’amuse bien. Bon, tu craches le morceau ! s’agace un mâle rouan au tempérament volcanique : Askook. Il n’est pas connu pour sa patience. La rouquine le foudroie du regard puis relève la tête pour égaliser sa crinière, nullement déstabilisée. C’est vrai, avec Imala nous avons trouvé des terres habitables. Mais il faudra marcher longtemps. Elles se trouvent à trois lever de soleil d’ici. L’assemblée commence à s’échauffer, certains soufflent, d’autres grattent le sol d’anxiété. Satinka frappe le sol de son antérieur pour ordonner le silence. Nous devrons traverser un désert, puis contourner une rivière et enfin gravir une montagne appelée Piton, c’est dans sa vallée que nous nous installerons. Waban la remercie d’une œillade discrète, il reprend sa place et congédie la jument d’un regard entendu. La rouquine, un peu frustrée, qui attendait sans doute des applaudissements, se détourne en claquant sa queue sur ses flancs avec insolence. Vous avez tous bien compris ? La grande migration commence, nous devons nous tenir prêt. Un toussotement timide interrompt le porte-parole, une palomino fait un pas hésitant en avant pour prendre la parole. Waban, quand partons nous ? demande la frêle jument au regard angoissé. Nous partons à l’aube. Mangez-bien. Dormez-bien. Prenez des forces. La grande migration sera éreintante. A ces mots, le grand étalon pie hoche la tête et se détourne, signe que le discours est terminé. Des murmures inquiets perdurent mais l’étalon enfonce ses oreilles dans sa crinière pour ne pas les entendre. Le vieil étalon soupire et s’isole dans un endroit tranquille pour faire son nid. Alors que Waban entreprend de retourner la terre avec son sabot, un hennissement hésitant l’interpelle. L’étalon redresse les oreilles, et aperçoit Aponi, la palomino de tout à l’heure. Que veux tu ? demande t il d’une voix douce en effleurant sa tempe d’une caresse affectueuse.Je voulais juste savoir… Nous partons définitivement ? Nous ne reviendrons jamais ici ? La voix de la jument est presque inaudible tant sa gorge est serrée par l’émotion. Ces terres, c’est ici qu’elle était née. C’est ici qu’ils sont tous nés. Ils y sont terriblement attachés. Ne t’en fais pas, ce n’est que temporaire. Lorsque nous aurons réussi à chasser ces vermines, nous reprendrons notre place ici. La jument hoche la tête timidement, les rayons de lune éclairent sa robe couleur miel. Elle est plus lumineuse que jamais. Malheureusement, dans ses yeux clairs brille toujours la même lueur apeurée. L’étalon souffle un vent chaud et réconfortant entre ses oreilles, il l’embrasse sur le front pour l’apaiser. Sois sans crainte, je te promets que nous reviendrons. Aponi essuie une larme discrète qui s’échappe de ses yeux. Elle s’ébroue légèrement pour chasser les lucioles qui lui effleurent les flancs et Waban reprend la construction de son nid. Waban ? Oui ? Comment s’appellent les terres où nous partons ? Ces terres s’appellentLuanera.
Hirondelle
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Age : 29 Pseudo : Healiah
Sam 31 Oct 2020 - 18:49
C H A P I T R E 2
Le camp est en pleine effervescence. Depuis le milieu d’après-midi, les hommes du colonel s’affairent à démonter la grande écurie de bois. Colorado observe tout ce remue ménage sans trop s’en préoccuper. Il se contente de manger l’herbe sèche du pré. Cette nuit, le camp va migrer une nouvelle fois. Il doit prendre des forces pour la longue marche qui va suivre. Les hommes ont chargé les fusils dans les roulottes, demain c’est lui qui devra tirer tout ça jusqu’au nouveau campement. D’un pas lent, Colorado rejoint Nevada, une jument qui mange dans le pré voisin. A son approche, cette dernière rabat les oreilles aussitôt. Ne m’approches pas. Gronde t elle d’une voix sombre. Attends, Nev. On doit parler. J’ai entendu dire que les hommes vont nous mener vers les nouvelles terres. Tu te sens capable de tirer une charrue ? La jument n’a que la peau sur les os, elle serait bien incapable de tirer quoi que ce soit. Je ne sais pas. Mais peu importe. Il est hors de question que je les aide. Chaque foulée nous rapproche un peu plus des terres indiennes où je vivais autrefois. Je ne veux pas qu’ils chassent une nouvelle fois mon ancien peuple. Colorado pousse un couinement inquiet et tend ses naseaux en direction de la jument, mais il ne récolte qu’une vilaine morsure. Nevada… ne dis pas ça. Tu sais bien quel sort les hommes réservent aux chevaux qui se rebellent… La jument s’apprête à rétorquer mais un jeune étalon fait son apparition en bombant fièrement le torse. Ne t’en fais pas Colorado, J’ai entendu cet abruti de Jerry fanfaronner dans l’écurie. Nevada partira avec lui en mission de reconnaissance. Nevada détourne le regard et s’éloigne en soupirant. Tandis que Colorado baisse les oreilles légèrement. Eh beh les gars. Vous êtes pas content ?! On va faire la guerre, ça va être fun ! Depuis le temps que j’attends de faire goûter mes sabots à ces enfoirés de sauvages ! Tu ne penses pas ce que tu dis… souffle Colorado. Evidemment que si ! Depuis que je suis né, je n’attends que ça. Un sifflement sonore retentit à l’autre bout de la pâture. Le jeune étalon déploie sa large encolure et réponds d’un hennissement bruyant. Il est l’heure. Le colonel m’appelle. Bon courage pour tirer la charrue, elle a l’air lourde… dommage que tu n’ai pas le privilège de porter le général du camp. s’esclaffe le jeune d’une voix moqueuse avant de détaler au galop.
Colorado reste immobile, jusqu’à ce qu’un Cow-boy viennent le chercher avec le matériel d’attelage. Le soleil se couche à l’horizon. Il est l’heure de partir. La nuit va être longue…
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Mar 1 Sep 2020 - 15:56
