She's always dancing ▬ Satinka

Les membres de Satinka sont douloureux. Elle ne pensait pas qu'il serait autant difficile de résister à la puissance du mâle. Le jeu en vaut pourtant la chandelle ; autant lui faire comprendre dès le début qu'il ne sera jamais maître des décisions. Il aura toujours besoin de son accord.
- Non, répond-elle abruptement avant de prendre le pas.
Elle avait d'autres projets que de rester toute la journée ici. Bien qu'ils allaient être compliqués à mettre en œuvre maintenant qu'elle est attachée au sauvage. Lorsqu'elle le dépasse, elle couche ses oreilles contre sa nuque et fait claquer ses dents à quelques millimètres de sa peau. Et elle n'hésite pas à poursuivre sa route, qu'il suive ou non. Parce que cette mésaventure lui a ouvert l'appétit et elle ne dirait pas non à quelques pommes bien juteuses.

Satinka ne s'inquiète pas trop du boulet qu'elle traine derrière elle. Il suivra. Il n'aura pas d'autres choix que d'être docile de toutes façons. Parce qu'elle ne lui cédera rien et s'il est un minimum intelligent, il l'a très certainement déjà compris. La pie avance d'ailleurs d'un bon pas ; son ventre gargouille et l'idée de déguster quelques pommes la fait presque saliver d'avance. Une fois devant le verger, Satinka se met en quête de quelques pommes qui auraient pu échapper à la vigilance des indiens. D'habitude il y en a toujours deux ou trois qui trainent ici et là.

Sa recherche n'est pas vraiment couronnée de succès puisque toutes les pommes qu'elle parvient à trouver sont sacrément abîmées. Aucune ne semble être mangeable, à son plus grand désespoir. D'habitude, elle en trouve toujours au moins deux. Un soupir lui échappe lorsqu'elle se décide enfin à abandonner et ainsi donner raison au sauvage. Son regard brun glisse vers les plus hautes branches des pommiers qui sont encore pourvues de pommes. Les indiens attendent certainement qu'elles tombent pour pouvoir les ramasser.
- Tu as vu à quelle hauteur elles se trouvent ? Je ne suis pas une girafe, raille-t-elle, pas vraiment d'humeur à supporter les railleries du jeune mâle.

Le regard de la pie suit le mouvement de l'étalon caramel. Alors là, elle veut bien voir. La suite est pour le moins inattendue ; il donne un gros coup de croupe dans l'arbre qui se met à trembler, ce qui a pour résultat de faire tomber plusieurs pommes dont une sur la tête de Satinka. Et j'vous l'dit, heureusement qu'elle a la tête dure cette mule de Satinka . Enfin ça ne l'empêche pas de donner un coup de dent au mâle pour le réprimander et lui passer l'envie de rire de la situation.
- De la jugeotte je n'irais pas jusque là. Un gros cul suffira et dans ce domaine là, tu me bats largement, rétorque-t-elle en attrapant la plus belle pomme pour l'engloutir en vitesse.
Ah oui parce qu'elle est aussi comme ça Satinka ; égoïste.

Ses oreilles s'enfouissent de nouveau dans ses crins. Il n'y a pas à dire, elle préfère de loin Ozalee. Au moins il se soumet, lui. Et il ne la ramène pas. Sans prévenir, Satinka prend le trot et arque son encolure pour tirer d'un coup bien sec sur la corde. La pression autour de son encolure lui fait mal et l'étouffe à petit feu mais ce n'est qu'un insignifiant petit détail pour elle.

Rapidement, la corde se desserre autour de son encolure, au plus grand soulagement de Satinka. Elle ignore où aller. Elle aimerait bien trouver une façon de couper cette corde devenue gênante mais elle n'a pas d'idées. Elle accélère légèrement son trot. Elle n'a pas envie de rester à proximité du camp. Et elle meurt d'envie de se venger de Hiamovi. Peut-être en libérant cet imbécile ? Quitte à le suivre... Dans les terres sauvages ? La pie s'arrête lorsqu'ils arrivent à la plaine Abequa qui représente la frontière entre leurs deux terres.
- Tu as toujours envie de t'échapper ? Lui demande-t-elle en posant son regard brun sur lui.
Qu'il profite de ce moment. Il ne se représentera jamais.

Satinka ne se laisse pas émouvoir par l'attitude enfantine de l'étalon. Il est vraiment très étrange. Et attachant aussi, d'une certaine façon. Cette fois, elle lui laisse le loisir de brouter et de profiter du paysage. Elle l'a bien assez contraint pour aujourd'hui et elle se sent mieux depuis qu'elle a quitté le campement. Elle ressent donc moins le besoin d'être désagréable et peste.
- Alors tu es libre. Félicitations, souffle-t-elle d'un ton détaché.
De son côté, Satinka se sent nerveuse. Elle n'a jamais quitté les terres indiennes. Et même si elle est pour le moment accompagnée, elle ignore à quoi s'attendre et ça l'inquiète un peu. Que deviendra-t-elle ? Retournera-t-elle chez les indiens une fois libérée de cette corde ? Elle l'ignore. Peut-être que sa vie prend simplement un nouveau tournant.
- Enfin presque libre. Mais puisque je ne connais pas le monde sauvage... Ton monde, c'est toi le guide désormais, finit-elle par lui dire.

Devant l'attitude du mâle, Satinka lève les yeux au ciel. Comme si c'était son genre de mentir. Elle commence même à râler quand soudainement, elle sent la corde se tendre autour de son cou. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il parte comme une fusée ! Au contraire, elle pensait marcher tranquillou et profiter du paysage. Au lieu de ça, elle est forcée de prendre le galop et pas un petit galop hein, sinon c'est pas drôle. Satinka allonge sa foulée de galop pour se placer à hauteur du mâle. Elle ignore où il l'emmène et ça ne fait qu'augmenter sa nervosité. Sur l'instant, elle regrette même d'avoir accepté de le suivre. Ici, elle n'est plus rien. Leur galopade dure un bon moment et lorsque l'étalon caramel s'arrête enfin, la pie est à bout de souffle. Elle est bien meilleure sprinteuse qu'endurante. Elle s'arrête non loin de lui mais tout de même à bonne distance et rive son regard brun sur lui. Pourquoi s'est-il arrêté et surtout... Pourquoi ici ?
- Où sommes nous ? Demande finalement Satinka en humant l'air pour tenter de repérer une quelconque odeur connue.
Mais tout ce qu'elle sent, c'est le lointain parfum des fleurs... Et les effluves musquées de l'étalon caramel qui lui donnent presque envie de se blottir contre lui pour se rassurer.