(ad) corpse bride

Vague souvenir écarlate. Cette jungle, aussi vivante soit-elle, ne lui inspire que la mort, giclante et funeste. La transition d'une sève vitale et brûlante, à de vulgaires croûtes de sang. Adam erre d'un pas lent, peu pressé. Malgré les vestiges d'un double décès parental, le lieu ne lui évoque aucune angoisse. Ni amertume, ni tristesse. Il cesse sa progression et s'adosse à un arbre, observant silencieusement les environs.

Son regard bute sur une pierre recouverte de boue et il s'y accroche quelques instants. De vagues images secouent son esprit. Il reconnait sa mère, droite et froide, puis son père, bancal et spécial. Il accélère les images pour lancer le chapitre du décès. Une tête, dépourvue de tout socle, glissant jusqu'à ses sabots. Pourtant défigurée par le sang, il la reconnait. C'est ce visage qu'il s'efforçait d'appeler « papa ». Un décès ridicule. Causé par l'absence considérable d'assurance. D'amour propre.

Un craquement coupe le film avant qu'il n'ait pu lire the end. L'écran disparaît, les souvenirs aussi. Le regard embrumé, Adam se redresse et observe les environs un peu plus minutieusement.

L'animal baisse lentement les yeux vers la provenance de cette petite voix. Sans surprise, sans ravissement, il découvre avec dégoût un petit être nauséabond. Un gosse. « Bonjour. » Lâche t-il simplement. Il écarte rapidement son regard du petit corps, méprisant cet enfant autant que tous les autres. « Les jaguars ne t'ont pas encore dévoré, visiblement. »

Adam se redresse un peu, un faible sourire habillant ses lèvres. « Je doute pouvoir satisfaire un fauve. » L'exemple était bien mal choisi. Le corps taillé de l'étalon était presque aussi fin que celui du poulain. La seule épaisseur capable de recouvrir ses os était essentiellement composée de muscles. Ce qui ne semblait pas être un met aisé à dévorer. « A nous deux, qui sait, nous ferions peut-être l'affaire. »

Le grand étalon pouffe finement, se moquant ouvertement du petit être qui tente de blesser son égo. Qu'il se fasse dévorer sans Adam, ça lui est bien égal. Dans tous les cas, le bel entier n'est pas prêt de laisser sa chaire fraîche à qui que ce soit. « Ne t'inquiète pas petit, je suis sûr que tes parents se feront une joie de t'accompagner. Tu seras le petit cure-dent. » Il claque sa langue, amusé d'imaginer une telle scène. Un peu de poivre par ci, de sel par là..

« Trois fois mon gabarit ? Alors les loups la trouveront plus appétissante. Elle pourra même leur servir de buffet à volonté. » Ricane t-il, réellement pas impressionné. Il se félicite que le petit morde aussi aisément à l'hameçon. « Tu es bien naïf de croire que la masse fait la force. » Mais comment lui en vouloir ? Il est jeune, il ne s'est probablement jamais battu. Mh, un peu comme Adam finalement.

Adam est sensible, délicat, et d'une remarquable susceptibilité. Irritable par les mots, par un simple regard. Mais ce qui surpasse ces traits fortement ancrés, c'est sa clairvoyance et son mépris des demi-portions. Quand bien même cette phrase l'aurait enragé si elle avait été crachée de la bouche d'un adulte, à cet instant précis, elle le fait doucement rire. Quelle crédibilité peut-il accorder à cette larve qui désapprouve son physique ? Aucune. Ne t'inquiète pas pour moi et économise tes méninges, petit. Elles te seront sûrement plus utiles que ta masse. Siffle-t-il, sourire orgueilleux aux lèvres.