• Discovery. | Yume

L'enfant observe l'eau qui la sépare de la petite île qui lui fait face et qui lui semble si inaccessible. Mais l'étalon qu'elle suivait discrètement venait de traverser, et elle ne pouvait pas rebrousser chemin maintenant. Elle devait le suivre. Mais comment ? Elle n'avait jamais été trop loin de la berge, n'avait jamais nagé à proprement parlé. Encore moins une telle distance. Aby pince ses lèvres sur le côté, hésitante, puis décide de tenter l'expérience. Elle avance doucement dans l'eau froide, les oreilles pivotantes sur le sommet de sa tête, observant le courant sans se méfier du danger qu'il représentait. Le sol disparait sous ses petits sabots, et tant bien que mal, elle essaie de rester à la surface. Ses petits sabots frappent la surface de l'eau avec férocité, mais elle peine à garder la tête hors de l'eau. Elle boit alors la tasse une fois, puis deux, s'épuise. Un hennissement inquiet lui échappe.

Aby est à la fois rassurée et honteuse de voir le mâle revenir sur la berge suite à son appel. Elle aurait aimé à continuer à le suivre discrètement, et surtout elle aurait aimé franchir ces eaux seule. Mais son père n'aurait vraiment pas été content si il lui était arrivé quoi que ce soit. La pouliche s'agrippe à la crinière rousse de l'étalon et se hisse sur le dos qu'il lui présente. Il a l'air de nager si facilement lui, pourquoi n'y est -elle pas arrivé elle ? Un peu vexée, elle détourne le regard de la berge vers laquelle il se dirige pour le porter sur l'eau les entourant, les englobant. Et là, elle distingue une forme étrange, qui disparaît presque instantanément. Aby fronce les sourcils. Peut être l'a t-elle rêvé. Mais elle a des doutes. La pouliche pivote son regard un peu partout, attentive. Et elle la revoit, la forme, derrière eux cette fois, et cela semble les prendre en chasse. Plus vite Monsieur. Souffle t-elle, sans qu'aucunes angoisses ne percent pourtant dans sa voix. De son père, elle apprend le contrôle, la maitrise de soit et de ses émotions.

Elle commence à peiner à garder le contrôle de ses émotions, un coup d'oeil vers l'arrière lui signifie que la chose s'est encore rapprochée, puis d'un coup plus rien. Mais elle ne se sent pas plus sereine pour autant, son instinct lui dit que le danger est plus fort encore. Et il ne le trompe pas. Aby se retrouve de nouveau livrée à elle même dans l'eau. La berge n'est plus très loin, elle déploie chaotiquement ses grands membres fins et nage droit devant elle. Mais où est le Monsieur ? Elle tourne la tête et le voit disparaître sous l'eau, eau qui se maquille de pourpre. Cette couleur, elle la connait déjà trop bien. Les paroles de son père lui reviennent en tête. La loi du plus fort. Elle pourrait en profiter, nager jusqu'à la berge et attendre qu'une âme passe dans le coin pour revenir la chercher. Elle pourrait survivre au détriment de cet inconnu. Être le plus fort. Son corps a déjà fait demi tour, avant que son cerveau en prenne conscience. Aby prend une grand inspiration et plonge sous l'eau, sans savoir si elle en ressortira.

Abysse aperçoit l'étalon qui commence à se faire entrainer par … Par une créature qu'elle ne connait pas. Il donne un coup à son assaillant, qui semble légèrement l'assommer mais pas assez pour le faire lâcher prise. L'adrénaline la pousse à agir, sans comprendre comment elle en est capable. Elle passe devant l'étalon et vient à son tour assener un coup de sabot dans l'oeil de la créature, qui cette fois lâche sa proie. Aby n'a pas le temps de se réjouir de son exploit que sa vision se trouble et que ses poumons se remplissent brusquement d'eau. Elle avait retenu sa respiration plus que de raison.

Les cris qui se transforment en hurlement. La douleur, perçante, stridente, terrifiante. La peur, celle qui paralyse, celle qui vous entraine au fin fond des abysses. Le bruit des os qui craquent, qui rompent, du déchirement de la chair. L'odeur du sang, partout. Le froid, saisissant. Et comme chaque fois que son subconscient se perd, elle revit inlassablement cette scène. Mais cette fois, c'est différent, elle n'arrive pas à s'en extraire, à s'en échapper. Et plus la scène se répète en boucle, plus le froid se diffuse, plus elle se sent appartenir à ce monde de ténèbres. Et brutalement, sans prévenir, la voilà comme aspirer et elle revient à elle, crachant de l'eau et inspirant avidement de l'air. Abysse rouvre les yeux, des yeux paniqués. Elle ne sait plus ni où elle se trouve, ni avec qui elle se trouve ? Maman ? Maman ?! L'appelle t-elle. Elle l'entendait encore hurler dans ses oreilles. Son esprit confus retrouve petit à petit sa clairvoyance et elle se souvint alors. La petite île. La traversée. L'eau trouble. Le Monsieur. La Bête. Et plus rien. Aby tourne son jeune visage vers l'étalon alezan, tremblotante, sans trop savoir si c'était de froid parce qu'elle était trempée ou pour autre chose. Me..Mer...Merci. Souffle t-elle d'une voix chevrotante. Mais l'odeur du sang, elle est omniprésente aussi ici, pas seulement dans son esprit troublé et hanté. Elle cherche vivement d'où cela provient et remarque la jambe blessé du Monsieur. Tu saignes ! L'interpelle t-elle comme si il était pas au courant. Ses petits yeux commencent à s'imprégner de larmes. C'était de sa faute. Je...Je suis dé..Désolée...