I would've crossed the stars to keep you in my life ▬ Satinka

Ces derniers temps, Jerry l'emmenait très souvent au pré. Elle y passait une grande partie de la journée et rentrait uniquement pour la nuit aux écuries. Satinka n'y comprenait pas grand chose mais ça lui allait bien. Elle préférait encore le grand air plutôt que d'être enfermée dans cette horrible boîte.
Aujourd'hui, il ne prend même pas la peine d'entrer avec elle dans le pré. Il la détache à l'entrée après avoir glissé un petit mot dans ses crins, tout près de sa plume. Je te rends ta jument. Avec un petit cadeau en prime. J'espère qu'il te plaira. Jerry. Charmante attention, n'est-ce pas ? Satinka redresse la tête pour fuir le contact de l'homme. Elle le déteste. Ses dents claquent tout près de sa main et elle voit qu'il se retient de justesse pour ne pas lui en coller une. Il jette un rapide coup d'œil aux alentours et repousse légèrement la porte, sans pour autant la verrouiller. Il pose son regard sur la jument indienne et souffle ;
- Aller, casses-toi la mordeuse. Tu seras plus utile là-bas qu'ici. J'te récupérerais après la bataille.
Il s'éloigne rapidement. Mieux vaut que Mike ne fasse pas le lien entre la disparition soudaine de la jument pie et sa présence dans les prés à cette heure aussi matinale. Pour Satinka, ça semble irréel. Elle pousse doucement la porte du pré du bout de son nez et prend rapidement le galop pour sortir du pré. Elle sort rapidement du Ranch, n'y trouvant aucun obstacle. C'est qu'il a bien réfléchit à son plan, cet imbécile de Jerry. Malgré sa gestation avancée, la jument indienne est rapide. Elle sait qu'elle a beaucoup de chemin à faire avant d'être de nouveau chez elle. Il lui faut d'ailleurs plusieurs heures - et quelques pauses pour reprendre son souffle - pour arriver sur les terres indiennes. Assoiffée, elle se jette presque sur le lac Maori, sans même faire attention au reste. Pas même à la présence toute proche d'Imala.


( Priorité à Imala svp )

Les gorgées se succèdent pendant plusieurs longues minutes avant que la jument pie ne détache enfin ses lèvres de la surface du lac. Encore essoufflée, elle prend le temps d'observer les environs - notamment derrière elle car elle a peur d'être suivie - avant de prendre le pas. Et elle se fige aussitôt, lorsqu'elle remarque Imala, sur l'autre rive du lac. Son cœur s'emballe subitement dans son poitrail et sans réfléchir davantage, elle s'élance vers elle au trot, malgré sa fatigue. Un petit hennissement lui échappe lorsqu'elle arrive à sa hauteur et ses naseaux vont directement s'enfouir dans le creux de son cou. Tu m'as manqué mon amie...

Le chanfrein de la jument pie se cale rapidement contre l'abdomen d'Imala qui vient d'attraper sa tête pour l'étreindre avec tendresse et émotion. Le maquillage de son humaine coule sur sa robe tachetée et cette constatation serre le cœur de Satinka qui comprend qu'Imala est entrain de pleurer. Elle aimerait tant pouvoir la réconforter, lui dire qu'elle va bien et qu'il ne faut pas pleurer pour si peu... Mais elle ne peut pas. Parce que, malgré ce lien si puissant qui les unies, elles ne partagent pas le même langage. Dans un geste lent et infiniment précautionneux, Satinka passe sa tête au dessus de l'épaule d'Imala pour la serrer contre elle.

•••

Depuis leurs retrouvailles, quelques jours ont passé. Les flancs de Satinka sont toujours aussi ronds. Elle sait pourtant que la naissance approche car le poulain est de plus en plus énergique. Il ne tardera pas à voir le jour. Peut-être aujourd'hui ? Ou demain ? L'attente devient presque insupportable ; Satinka a hâte d'être enfin libérée de ce fardeau. Docile, la jument pie se laisse guider par Imala jusqu'au lac Maori, bien qu'elle ne comprenne pas vraiment quel en était le but.

( Je me suis permise d'ellipser pour faire avancer au plus vite j'espère que ça te vas )

La jument pie prend son temps pour entrer dans le lac. L'eau est fraîche en cette fin d'automne. Elle s'y acclimate pourtant vite et même si elle ne va pas très loin, elle profite de ce petit bain revigorant quelques minutes avant de ressortir. Le nez dans l'herbe, elle ne fait plus attention à rien, si ce n'est aux caresses que lui prodigue Imala en essorant sa robe.


La guerre approche. L'assaut est prévu pour dans deux jours. Alors, pour Jerry, c'est le moment idéal de rejoindre les terres indiennes. Il a prétexté partir en mission repérage mais il n'en est rien. En bref, c'était l'alibi parfait pour tenter de trouver Imala. Parce que, naïvement, il espérait encore pouvoir la convaincre de fuir avec lui. Ou quelque chose du genre. Avant même d'arriver aux écuries, le jeune homme sait déjà quel cheval il va prendre pour son expédition ; Delaware (aka Filao). C'est le cheval idéal ; il est robuste et semble avoir une bonne endurance. Il saura supporter toute cette route faite en si peu de temps. Car ils ont à peine plus d'une journée et demi devant eux. Jerry harnache rapidement l'étalon et se met en selle. Puis il le talonne pour lui demander de prendre le galop. Afin de le ménager, il change régulièrement d'allure mais ne s'arrête qu'une fois ou deux. Ils arpentent un petit moment les terres indiennes les plus reculées avant que Jerry ne trouve enfin ce qu'il cherchait ; Imala. Au début, il s'arrête, pour observer de loin. Elle semble heureuse d'avoir retrouvé sa jument et d'un côté, ça fait plaisir à Jerry. De l'autre, il déteste la voir si heureuse. Il serre légèrement ses mâchoires et demande à Delaware d'avancer au pas pour s'avancer vers l'indienne. Et il reste prudent ; il guide l'étalon à une main, l'autre se trouvant non loin de son arme. Il connait bien Imala, il sait qu'elle est capable de tout.

Jerry continue de serrer fortement ses doigts sur les rênes pour empêcher Delaware d'avancer davantage. Peut-être était-ce une mauvaise idée de le choisir lui, finalement. Lorsqu'il en a vraiment marre, il lui donne un petit taquet dans la bouche pour lui intimer de rester calme. Il n'a aucune raison valable pour faire son relou puisque Satinka est pleine jusqu'aux yeux et que, de toutes manières, la saison des chaleurs est finie. En somme, pour Jerry, l'étalon n'a aucune raison de s'intéresser à la jument indienne. Un léger soupir lui échappe lorsque son étalon se cabre pour contester la fermeté de son contact. Et lorsqu'il est enfin calmé, il donne toute son attention à Imala.
- Je me doutais que tu serais heureuse de la retrouver. Elle a vraiment mauvais caractère, je ne sais pas comment tu fais pour l'apprécier, répond-il en haussant légèrement les épaules.
Il flatte ensuite l'encolure de l'étalon et descend de son dos. Il décide de ne pas lâcher les rênes mais accepte enfin de lui laisser un peu plus de liberté. Qu'il puisse aller renifler la jument s'il en avait toujours envie, par exemple.
- Qu'est-ce que tu penses de mon étalon ? Demande-t-il finalement en encrant ses iris noisette dans les siens.
Quant à la question d'Imala... Il y répondra. Mais pas tout de suite. Pour le moment, il a envie de parler d'autres choses bien plus légères.


Lorsque le cowboy arrive avec sa monture, Satinka couche ses oreilles contre sa nuque et se hâte de suivre Imala lorsque cette dernière va à leur rencontre. Plus elles se rapprochent et plus le cœur de la jument pie bat fort dans son poitrail ; C'est Jerry et Filao qui arrivent droit vers elles. Ses flancs sont soudainement secoués de coups plus ou moins réguliers. Comme si l'enfant qu'elle portait pouvait sentir la présence toute proche de Filao.
- Filao ! Souffle-t-elle lorsqu'il n'est plus si loin.
Le pauvre est forcé de rester à bonne distance d'elle ; Jerry ne lui accorde aucune liberté. Elle reste donc à sa place, malgré l'envie de le rejoindre. Elle aimerait tant le retrouver... Mais elle ne peut pas.
- Je vais bien... Et le bébé aussi. C'est pour bientôt... Réplique la jument pie. Et toi... ? S'enquiert-elle, inquiète pour lui.

La réplique d'Imala était prévisible. Faut dire qu'il lui avait tendu une sacrée perche. Enfin bon, on apprend de ses erreurs. Quant à cette histoire de sous-entendus, évidemment, il ne capte rien. C'est qu'il n'est pas assez réfléchi pour capter ce genre de nuances, le pauvre garçon. Et lorsqu'elle réplique que c'était son étalon et qu'il le lui avait volé, il tombe des nues. Ca, il l'ignorait. Pour lui, il avait simplement capturé un cheval sauvage. Rien ne pouvait lui indiquer que Delaware avait un jour été entre les mains d'Imala.
- Je n'ai rien volé du tout. Je l'ai capturé devant le ranch. C'est pas de ma faute si vous surveillez aussi mal vos chevaux. D'ailleurs Satinka aussi vagabondait seule lorsque Emily l'a capturée. On l'a sauvée d'ailleurs, regarde les cicatrices qu'elle a sur ses flancs. C'est un puma qui l'a attaquée, répond-il simplement en rangeant son arme pour de bon.
Il sait qu'au final, tout ce qu'elle osera faire, c'est lui en coller une. Et il n'a franchement pas peur. D'autant plus qu'il a de quoi se venger si jamais elle ose lui faire un tel affront. Même si en vrai, il n'a pas du tout envie d'en arriver là.
- Enfin bref. C'est drôle de voir qu'on a eu les mêmes goûts. Et, petite anecdote sympathique... C'est lui le père du poulain qu'elle attend. Je me demande à quoi va ressembler le poulain... Dit-il en glissant son regard sur son étalon qui s'empresse déjà de rejoindre sa dulcinée maintenant qu'il a un peu de liberté.


Satinka ne comprend pas trop ce qu'Imala et Jerry peuvent se raconter. Imala ne semble pas très contente et Jerry semble mi gêné, mi anxieux. A croire qu'il cache quelque chose. Satinka reste méfiante ; elle sait qu'il peut se montrer imprévisible et elle n'est pas certaine qu'il ait bon fond.
- Ne t'inquiète pas. Et ne soit pas désolé. Tout va bien maintenant, répond-elle.
A vrai dire, au fil des semaines, elle s'est habituée à sa condition. A voir - et sentir - son corps changer. Et elle s'est même faite à l'idée de devenir mère. Au final, ça n'avait pas l'air si insurmontable. Surtout aux côtés d'Imala. Un léger sourire glisse sur ses lèvres lorsqu'elle voit le regard de Filao dévier jusqu'à son ventre parcouru de légers mouvements.
- J'en serai plus que ravie, réplique-t-elle.
Peut-être parce que ça veut dire qu'ils seront forcés de passer un minimum de temps ensemble... Ou peut-être parce qu'elle est simplement touchée de savoir qu'il compte s'impliquer dans la vie d'un petit être qu'il n'a nullement désiré. Sans doute un peu des deux, pour être franc. Néanmoins, lorsqu'elle sent que leurs lèvres se rapprochent, elle recule un peu le bout de son nez et l'embrasse entre les deux naseaux. Parce que malgré qu'elle en ait très envie, elle se souvient qu'il n'est pas seul. Et elle ne veut pas le briser un peu plus. Il ne le mérite pas.