♣ an other day

Phyllis trimbalait son énorme ventre depuis pas mal de temps. Il lui faisait encore plus mal qu'à la première fois, il semblait.. plus lourd, étonnement. Phyllis était restée dans les parages de la Savane, voulant quand même que Jinn assiste à la naissance. Mais elle ne l'appellerait pas, car elle savait très bien que Texas rôdait aussi. Valait mieux être sur ses gardes. Elle ne voulait pas créer d'embrouilles supplémentaires entre eux, vu qu'ils finiront leurs vies ensemble.

Ce fut dans un long soupir qu'elle se coucha par terre, face à la rivière, qui coulait tranquillement.
Alors qu'elle regardait un oiseau, une violente contraction vint mettre sa tête par terre. Elle avait envie de l'appeler, envie de lui montrer ses enfants, mais elle ne pouvait pas..
Elle serrait les dents, silencieuse et meurtrie de douleurs.

Phyllis avait déjà commencé son travail. Cette fois-ci, il lui semblait plus pénible, plus long, plus douloureux. Elle pensait à Jinn en silence, sans aucun bruit, juste ses traits défigurés par la douleur.
D'un coup, des naseaux passèrent sur son corps. Ce fut alors comme un vaste frisson, car elle savait déjà que c'était lui. Et si tout ne se passerait pas comme prévu ?
Certes, elle était affaiblie, et le poids du poulain la faisait horriblement souffrir. Elle ne voulait pas qu'il la voie dans cet état-là, prête à donner sa vie pour qu'une autre naisse.
< Jinn.. > Murmura-t-elle doucement, ses yeux plongés dans le vide, alors que des violentes contractions sévissaient tout son corps.

Son corps tremblait presque de frénésie, animé par une sorte de sentiment désagréable qu'est la perte de soi-même. Des gouttes de sueur perlaient sur son front, et le corps du poulain sortait lentement, pour atterrir sur l'herbe molle qui entourait la rivière.
Ce fut une dégradation très rapide dans l'état de la petite noire, qui posa sa tête par terre dans un ultime souffle. Ses flancs n'étaient plus que d'horribles côtes que l'on pouvait deviner, et tout son être était d'une maigreur à faire pâlir plus d'un. Porter ce poulain était sûrement ce qui risquait de la tuer. Ses yeux se fermaient lentement, dans un long soupir.

< Occupe toi .. du poulain.. > Siffla-t-elle entre ses dents. Elle voulait le repousser gentiment, comme d'habitude, mais elle n'en avait même plus la force. Sa respiration était lente, voir trop lente; ses flancs se soulevaient avec difficulté, et ses yeux étaient à présent clos. Aucun de ses membres ne bougeait, il n'y avait que le vent qui faisait voleter ses crins, et parmi eux, une mèche des crins de Jinn. Elle posa doucement sa tête au sol, comme pour signaler qu'elle était en train de partir.
C'était comme une mélodie décroissante que jouait le cœur de Phyllis. A chaque battement, des précieuses secondes s'enlevaient.

La noire sombra dans un état comateux, ne bougeant pas d'un pouce, ses lèvres posées sur le sol terreux. Toute forme de vie lui semblait exclue, et les paroles de Jinn n'étaient qu'un sombre charabia. Toute force l'abandonnait peu à peu, et elle se sentait comme paralysée, avant que son esprit de s'aventure dans un profond coma.

. . .

Ce ne fut que beaucoup d'heures plus tard que la noire émergea enfin de son état comateux. Les oiseaux sifflaient toujours, rien ne semblait avoir bougé. Sauf.. Jinn était endormi à côté d'elle, et elle cherchait des yeux la pouliche, qu'elle trouva elle aussi endormie contre elle.
Elle poussa un long soupir pénible, au vue des côtes qui se dessinaient sous sa maigre peau. Elles étaient toujours là, elles aussi.
La noire poussa doucement Jinn pour qu'il se réveille, en surveillant la mignonne petite boule brune qui dormait à ses sabots.