« Once upon a time. » L.

- Je n'ai jamais eu de mère. Du tout, se retint-il d'ajouter. Elle ne comprendrait peut-être pas. Après tout, le seul équidé à être au courant de son histoire est Aleksey. Il garda son regard fixé sur le paysage, s'obstinant à l'observer pour ne pas affronter sa propre tristesse. Une mère était tout ce qui lui manquait.

Bien sûr, que je ne comprendrais pas. Tout être vivant a forcément une mère biologique -connue ou pas- , non ? Et on ne pouvait nier le système de la nature.
« Comment ça ? » Dis-je, en penchant légèrement la tête sur le côté, chose que je fais souvent lorsque je me pose une question.

- Je suis... Psychotrope sentit sa gorge se nouer. Comme pour l'empêcher de parler. A quoi cela le mènerait-il de lui dire ? Qu'est-ce que cela allait lui apporter ? Il avait trop honte. Mais peut-être qu'avec elle se serait différent. Ou du moins il essayait de s'en convaincre. Déglutissant sa salive, il souffla. - ..orphelin. Il était incapable de dire la vérité, torturé désormais par un mal de crâne. Son cerveau fonctionnait à cent à l'heure.

J'expire lentement et mon souffle se perd dans l'air ambiant.
« Désolée.. » Je souhaite en savoir plus, mais je refuse de le voir souffrir davantage. Tout le monde a son jardin secret, et je respecte le sien. Je préfère qu'il se livre à moi, je ne veux pas l'obliger à tout me raconter.

Les souvenirs remontent. Pendant que les larmes baissent les armes.
Le bai se revigore un peu. Il faut rester fort. Il relève alors la tête, car il l'a toujours fait. Parce qu'on lui a apprit à vivre ainsi. Il sourit. Par automatisme. Et pourtant, pour avoir été crée, il n'avait à la base pas demander la vie depuis les cieux. Que faisait-il donc ici ? Toujours les mêmes questions qu'il se posait inlassablement. - Ai-je l'air différent ? murmura-t-il, feignant l'indifférence.

La question se répète dans ma tête, et je cherche un double-sens dans ses paroles. N'en trouvant aucun, je le détaille alors de haut en bas, traquant la moindre anomalie possible.
« Pourquoi le serais-tu ? » J'aurais très bien pu répondre par un « Non. » mais je préfère pousser le problème un peu plus loin, un moyen de remettre en question le petit bai.

Le bai mordilla brièvement ses lèvres, cherchant les mots adéquats à la demi-réponse demi-question de la pie. Il haussa simplement les épaules, détournant son regard vers la ligne d'horizons, qu'il observait avec une certaine mélancolie dans le fond du regard. - Il y a des choses pour lesquels la nature ne peut rien.

Je fis mine de ne pas comprendre, hochant la tête à la manière d'une jument écervelée.
« Quel genre de choses ? » Ce sont les êtres vivants qui sont désarmés devant la nature la plupart du temps.

- La procréation elle-même. Elle a beau avoir créée l'acte, il s'avère modifiable artificiellement. répondit simplement le mâle, comme si cela coulait de source. Il n'était pas franc dans ses explications, attendant de voir si la pie serait apte à comprendre.

Je baisse les yeux et réfléchis rapidement, rassemblant peu à peu les pièces du puzzle. C'est au bout de quelques secondes que je parviens à décrocher une explication à la réponse de Psychotrope.
« Tu es né.. de cette manière ? » Une boule m'envahit la gorge, je comprends enfin.

Pour toute réponse, le silence. Pour toute explication, la souffrance. Silencieuse. Mesquine. Voilà ce à quoi de résumait la vie du bai pour le moment. A une absence ou plutôt à une entrave des sentiments par le peu d'expérience qu'il a eu dans la vie. Il ne connait pas la chaleur. Il ne connait pas l'amour. Imperceptible hochement de la tête.

C'est simple : je m'en veux. Je m'en veux d'avoir poussé le sujet si loin, au point de percer la blessure profonde du poulain. J'essaye de me persuader que je ne pouvais pas savoir, mais je suis loin d'être bête, j'ai délibérément continuer à lui poser des questions.
Pour toute réponse, je baisse la tête et réfléchis à un moyen de le rassurer sans pour autant lui faire croire que je cherche à me faire pardonner pour mon erreur. Je ne sais pas comment ont pu réagir les autres personnes, mais j'espère que je ne fais pas la même chose.

- Ne vous en voulez pas, voyons. lança-t-il après avoir reporté son attention sur la pie. Il lui offrit un sourire sincère, ne voulant pas installer le malaise entre eux deux. Elle paraissait si gentille, qu'il s'en serait obligatoirement voulu.

Je redresse la tête et observe le poulain.
« J'ai quand même une bonne raison pour ça. » Je lance tout en me pinçant légèrement les lèvres.

- C'est pourtant une réaction tout à fait naturelle. remarqua le bai en observant la grande pie en face de lui, ses petits yeux de velours brillant faiblement.