« S'il faut mourir, autant vivre à en crever. » [A]

Elle galopait, les yeux fermés, libre, sans attaches, sans frontières. Juste elle & son imagination. Elle & le monde qui l'entourait.

Marry

Le parfum des fleurs. Le soleil qui me chauffe la peau. Le ciel bleu, tiré à quatre épingles. Je me sentais coupable, d'être aussi bien, aussi heureuse, alors que j'avais tout perdu ces derniers mois. Mais j'avais envie de danser, chanter, plonger mon museau dans la mer florale qui s'offrait à moi. Le vent faisait onduler les dames à collerette en vagues retenues, des nuages de pétales s'envolant à chaque assaut. J'avais l'impression de voir les visages de ceux que j'aimais, se dessiner dans les nuages aux milles couleurs, et celui de Vaati revenait plus souvent que les autres. Je les regardait, rêveuse, me demandant quand j'allais les retrouver ici.

Alice continuait de galoper. Libre. Livrée à elle-même. Elle s'interdisait les questions, les doutes, les peurs. A cet instant-là, elle voulait juste profiter. Profiter d'une liberté à laquelle elle tenait plus que tout. Elle inspira l'air à fond. Inspiration. Expiration. Le monde lui appartenait. L'avenir lui appartenait. Elle s'évadait tranquillement des règles, des frontières, des limites. Elle oubliait ses problèmes. Elle oubliait Lyes, Lenwë, Leith, Lloèn. Elle les oubliait tous pour que, le temps d'une galopade, elle se sente libre. Comme avant.

Elle était empreinte d'une beauté libre, presque sauvage. Galopante, envers et contre tous, chaque foulée provoquant une tornade de pétales. Je la regardait, subjuguée, hypnotisée. La présence de cet ange sublimait l'endroit, le rendait encore plus surréaliste. Moi, j'observais chaque détail de cet être, sortit d'un rêve, à la crinière ondulante dans une danse avec le vent.

Soudain, elle rouvrit les yeux. Sortie d'un rêve ? Non. Elle était rêve, elle vivait de rêve, elle créait le rêve. C'était ça son monde, son domaine, sa dimension. Elle ne pouvait plus se résoudre à vivre ailleurs. Ses yeux se posèrent sur une jument blanche & Alice obliqua sa trajectoire vers elle. Elle frémit, ronflotant des naseaux, et un sourire brillant s'installa sur ses lèvres.

Une décharge me frappa. Dans ses yeux, un monde sublime, infinit, qui s'étalait. Ses deux prunelles, je m'y accrochais, comme je m'accrochais à la dimension que j'y apercevais. J'avançais, comme un papillon, faible esprit, attiré par une lanterne auréolé d'une lumière indéfinissable. Alors elle me sourit, et ce qui restait de ma volonté se brisa. Je m'engouffrais dans son monde, le visage fendu en un sourire ravi.

Alice rayonnait. C'était sa nature, c'était son devoir, c'était sa mission. Rayonner devant les autres. Leur transmettre son éclat de vie. Et quand elle vit les yeux de la blanche s'allumer en croisant les siens, une bouffée de chaleur qu'elle ne comprit pas l'envahit soudain. Elle s'arrêta doucement devant elle. Elle avait l'impression d'être dans un rêve. Elle tourna la tête sur le côté, se perdant dans la contemplation de ses amies les fées, avant de reporter son attention sur l'inconnue. « Bonjour... » murmura-t-elle d'une voix douce & délicate.

« Bonjour. » Ma voix était légère, inconsistante, comme tout mon être à présent. Je me sentait, étrangement bien, libérée de tout, du monde. Plus rien ni personne n'avait d'emprise sur moi, j'étais comme élevée, à un autre état, un état intermédiaire entre la réalité et le rêve. Ma personne se trouvait dans le même monde que la seconde précédente, mais un monde sublimé par mon subconscient, par mes rêves les plus fous. Dans une liberté totale, je me mouvais, sans aucune peine, sans aucun autre obstacle que moi-même. Et Ô combien mon imagination me portait, en ce moment même. Je fis un pas en avant, et un nuage de papillons s'envola. En regardant mieux, je vis qu'il avaient un visage, un corps. Des fées. Et sans un bruit, avec une rapidité déconcertante, ils formèrent un visage. Vaati.

Elle lui répondit & Alice sourit. Elle était elle aussi plongée dans de doux rêves, irréels & pourtant présents. Des dizaines de papillons s'envolèrent sous les sabots de la blanche & la palomino leva ses yeux émerveillés vers le ciel où leurs ailes dessinaient des formes. Elle ferma les yeux pour ne pas mieux les discerner, laissant dans son esprit seulement l'image de leurs ailes bleutées qui se chevauchaient. Elle les rouvrit alors, éprouvant un sentiment fort pour la jument sans savoir d'où il venait. Elle fit un pas vers elle & frôla ses naseaux avec douceur. Ses yeux, brillants de magie & de rêves, de désirs, d'ambitions, de défis, de vie, s'ancrèrent dans les siens. « Je m'appelle Alice. » Après-tout, c'était une évidence, non ? Quel autre nom aurait bien pu aller à la fille qui venait du pays des merveilles.

Superbe :note:

Ses naseaux m'effleurèrent et son regard planté dans le mien, sembla traverser tout mon être, m'imprégnant de tous ses rêves les plus fous, qui paraissaient à présent être notres. Alice, voilà le nom de cette dimension aux milles merveilles. Un sourire fleurit sur mes lèvres. « Moi c'est Marry, comme Marry Poppins. » Je riai alors, parce que je ne savais pas qui était cette fameuse Marry Poppins, et mon rire parut se décomposer en échos, se transformer en une allègre mélodie.

« Enchantée Marry. » murmura doucement la belle palomino, son regard ne se décrochant pas de celui de la blanche. Elle eut un rire enfantin & cristallin en entendant d'où son nom venait. Elle, c'était elle qui se l'était choisi. Vu qu'en se réveillant, pouliche, amnésique, elle ne se souvenait même pas de son nom. « Moi c'est comme Alice au pays des merveilles. » Encore une évidence, pas vrai ?

Alice du pays des merveilles. Ça sonnait tellement bien. Je ris encore, avec légèreté. « Tu veux que je t’apprenne le plus beau mot qui existe ? » Fis-je, les yeux brillants, avides de partager la clé de mes espoirs et de mes escapades subconscientes alors que j'étais livrée à moi même, enfant.

Alice haussa les sourcils avant de pencher la tête sur le côté, intriguée. « Rêve ? Magie ? » tenta-t-elle avec un immense sourire. Elle inspira à fond. « Vas-y, dis-moi. »

Je souris de plus belle. « Super... » Pas en avant. « Cali... » Pas un arrière. « Fragi... » Pas chassé à droite. « Listi... » Pas chassé à gauche. « Cexpia. » Piaffé. « Lido. » Tour sur moi-même. « Cious. » Arrêt total. « Ce qui donne... » Suspens. « Supercalifagilisticexpiali-i-docious. » Chantais-je alors, tournoyant dans une tornade de fleurs.

Alice fronça les sourcils, tentant de comprendre mais ... ne comprit rien. Elle se mordit la lèvre pour ne pas rire. « Mais... ça veut dire quoi ? »