yellow light /

Ses jambes plient. Son corps blanc laiteux se couche alors au sol alors qu'elle pousse un douloureux soupir. C'est le moment. Elle inspire l'air serein et apaisant. Ses crins nacrés s'éparpillent au sol en une couverture de cristaux, tandis qu'elle sent les premières contractions arriver. Ça y est. Elle hennit doucement.

Noctambule découvre son nouveau territoire avec les yeux d'un enfant. Un enfant...Le mot n'a pas fait le tour de son esprit qu'un doux hennissement lui fait immédiatement dresser l'encolure ; "Neva..." Souffle-t-il en prenant un pas un peu plus actif, les oreilles droites. C'est comme si un ange était tombé du ciel ; Elle est là, allongée, sereine malgré l'événement qui se prépare. Noctambule sourit avec tendresse, dans quelques instants, ils seront parents d'un nouveau petit être ; "Tout va bien se passer ma douce, j'ai confiance en toi."

Elle le voit arriver immédiatement. Comme s'il était toujours à veiller sur elle quelque part dans les environs. Elle cherche son contact, en tendant l'encolure. « O-oui, je l'espère.. » fait-elle en toussant légèrement, avant de reposer sa tête sur le sol. « Tu restes avec moi, hein ? Merci d'être là.. »

Plus de bruit. Plus un mot. Le silence est pur et c'est dans cette pureté que leur enfant naîtra avant de briser la quiétude de ses premiers pleurs. Noctambule caresse les naseaux de Nevaeh en soufflant un air chaud et rassurant. Il acquiesce, se plante devant eux, tous les sens aux aguets. Qu'on vienne leur chercher du mal....ils repartiront en geignant dans les jupons de leur mère. Non mais...  

Rassurée de ne plus être seule pour cette épreuve, elle ferme alors les yeux et pousse de toutes ses forces. Sa respiration s'accélère, elle prend garde à respirer profondément. Après-tout, la mise à bas d'Hamlet s'était si bien passée...

Toujours immobile, perché sur ses quatre puissantes jambes, Noctambule ne lâche rien. Chaque bruit, chaque odeur...ses sens sont très actifs. Il a développé son odorat et son ouïe ; perdre un oeil n'est pas quelque chose d'anodin en pleine nature. Il entend la respiration de Neva' s'accélérer. L'instant est proche. une boule se forme dans la gorge de l'étalon, tout comme dans son estomac.

Dans sa tête, elle entend l'horloge qui s'accélère. Tic, tac. Mais elle bat toujours Neva', ton heure n'est pas encore celle-là. Elle ferme les yeux, péniblement. A chaud, d'un coup. Elle sent alors les contractions apporter les premiers centimètres de l'enfant à l'air l'air. Seulement, lorsque c'est un sabot qui fend l'air, elle comprend que quelque chose cloche. « Noct.. »

Aussi rapide que l'éclaire, Noctambule se retourne. Dans la voix de Neva', il a aussi compris que des complications se présentent. Il s'approche, cachant son stress du mieux qu'il le peut pour ne pas inquiéter d'avantage la nouvelle maman. Une jambe...merde, le poulain se présente mal. "Pousse fort ma belle, je t'aiderai du mieux que je le peux..."

« non, il.. il va.. » Son souffle s'accélère, s'étrangle dans sa gorge enflée. Elle se tord l'encolure pour tenter de voir mais n'y arrive pas et laisse sa tête retomber brusquement au sol. « il faut le tirer, si on attend trop longtemps, il s'étouffera. » Elle a des larmes plein les yeux. Elle se met alors à pousser de toutes ses forces, sa respiration entrecoupée de gémissements déchirants de douleur.

Etouffer ?! Il ne laissera jamais cela arriver. Il ne peut pas l'attraper directement, il le blesserait mais si c'est là, la dernière solution alors il le fera. Il observe les alentours et trouve une liane pendant mollement de son arbre ; "J'ai une idée Neva' ! Je n'en ai pas pour longtemps." Avec la force du désespoir et quelques violents coups de dents, il arrache cette corde végétale. Le prince noir revient et entoure la jambe de leur enfant de façon à pouvoir tirer avec ses dents tandis que la jument de nacre poussera. Il cale la liane solidement dans sa bouche, prêt à agir ; "Ch'est bon ! Vas y!"

Elle a mal. Elle souffre. Mais surtout dans sa tête. S'il meurt, elle se dira qu'elle l'a tué. Si elle le tue, son horloge cessera de battre, de rythmer sa vie, et elle partira en fumée, elle aussi. Alors, elle pousse de toutes ses forces, ne voyant même pas clairement ce que l'étalon fait. Soudainement, elle sent le corps du petit retomber, et laisse sa tête s'affaler sur l'herbe en arrière, épuisée.

L'effort a été éreintant, non, pire que cela. La douleur, l'angoisse et la fatigue ont mis Nevaeh K.O. Ce n'est pas à lui de faire les soins mais son amoureuse doit absolument se reposer. Il lèche énergiquement la nouvelle-née pour la réchauffer. Elle ne bouge pas, il n'observe aucune réaction. Non. Non. C'est impossible. Le prince noir redouble d'efficacité, nettoyant l'enfant et soufflant un air chaud sur son tout petit corps, si frêle. Le silence est lugubre. Le monde s'arrête. Les secondes s'écoulent et s'étirent. Noctambule manque de s'écrouler dans un sanglot de joie lorsqu'il entend un hennissement suraiguë émit par leur fille. "Neva'...." Chuchote-t-il, "...c'est une adorable petite fille."

Le pire, ce n'est pas la douleur. Ni la fatigue. Mais le silence. Cet horrible silence qui lui vrille les tympans. Il devrait y avoir les premiers cris. L'appel à l'oxygène. À la place, Nevaeh constate, les yeux clos, un silence déroutant. Effrayant. Un silence qui prend trop de place, un silence qui fait monter des larmes amères derrière ses paupières. Elle redresse l'encolure, cherche le regard du père pour y voir ne serait-ce qu'une flamme de réconfort. Des yeux qui lui diraient « ne t'en fais pas, ma chérie, il va bien ». Mais non. Rien. Un regard aussi déboussolé que le sien. Elle a soudain envie de ne plus exister. Jusqu'au premier éclat. Enfin. Son coeur se relâche en une myriade de soulagement, et les larmes débordent sans qu'elles ne les contrôle. « oh.. oh qu'elle est belle.. notre fille. » murmure-t-elle doucement, sa gorge enflée par des sanglots incontrôlés et incontrôlables.

Le coeur de Noctambule ne semble plus pouvoir s'arrêter de battre et ses larmes déferlent tel un torrent enragé. Il est passé d'une émotion extrême à une autre en quelques secondes à peine. Il a les jambes molles mais il rit, il rit d'un bonheur trop intense pour être contenu. Si l'angoisse n'avait pas été aussi forte, il serait en train de bondir comme un cabri. Les jambes encore tremblantes, il s'approche de Neva' et dépose un baiser trempé de larmes sur son joli front ; "On dirait un ange...as-tu pensé à un nom ma douce ?"

Elle déglutit péniblement. Se redresse doucement, en soupirant à cause de l'effort, pour pouvoir lécher leur belle fille. « j'avais pensé à omaha.. qu'en dis-tu, toi ? »