/ gods

Bientôt, Caelis mettrait bas. Ce n'était plus qu'une question de temps. Elle se demandait ce que devenait Budapest, la demoiselle. Elle s'arrêta à l'entrée d'un couloir. Mine de rien, il faisait moins froid ici que dehors. Mais plus qu'en Egypte. Sa robe grise se hérissa sous le coup d'un frisson. Il était à la fois causé par la fraîcheur, mais aussi par une odeur: elle regarda à droite, à gauche, hébétée. Trop tard. La dernière fois, elle était en infraction. mais pas cette fois.

Caelis recula, ne sachant quoi faire. Elle était dans un cul de sac. A travers la paroi de glace derrière elle, on pouvait apercevoir des dessins préhistoriques gravés dans la pierre. Sa croupe heurta le froid du mur de glace, et surprise, la grisette poussa un hennissement plaintif. Elle avait peur de Budapest, elle était coincée, elle venait sans doute de se faire repérer. Mais elle savait une chose: Budapest à de l'honneur. Il n'attaquera pas si elle est au sol. Alors Caelis se couche doucement, sur le flan, poussant un soufflement rauque qui n'était pas feint. C'était son astuce favorite.

Non. Couine-t-elle. La fière joueuse n'était plus qu'une enfant perdue. Elle le toisa à son tour d'un air méfiant et égaré, reculant ses oreilles sans les rabattre. Si je me lève tu vas me faire mal. La grisette renâcla. Remarque, ça fera que quelques cicatrices de plus. Pouffe-t-elle d'ironie.

Il imitait bien Ramsès. Elle gronda par réflexe, une lueur apeurée passant dans son regard. Réalisant soudain que c'était Budapest, elle cessa, et soupira. Si, ils l'étaient. Caelis n'était plus une étincelle pétillante, mais une petite flamme qui tentait de ne pas s'éteindre. Et toi...! Ne sachant pas quoi dire, elle se contenta de souffler: Comment vont Mara et Iwa? Puis la grisette essaya de se relever, non sans mal, son ventre la tirant d'un côté et pesant sacrément lourd. Et, à contre cœur, ajouta: Et toi?

Ses prunelles s'agrandirent d'un bloc. Sa fille, dominante des Nordiques? Y pensant, elle secoua fièrement son encolure. Puis elle hocha la tête pour Iwa. La grisette soutint son regard sans provocation, ni animosité, rien. Peut-être une lueur de douleur et de douceur. Tant mieux, alors. Murmure presque Caelis. Puis c'est ses sabots gris qu'elle fixa. Ça faisait longtemps. Elle laissa suivre un silence, se tourna vers lui. On a jamais...pris le temps de discuter depuis. Elle croise son regard, ce regard si bleu, qui lui rappelle tant de choses: l'empire, leurs jeux au Parthénon, à la banquise, et ce fameux soir sur le ponton. L'éducation de Mara, les retrouvailles avec Iwa, les batailles affrontées ensemble. Et maintenant c'est l'un contre l'autre qu'ils se battaient.

Caelis se mit à l'observer, lentement. Puis son front se plissa. Le Budapest qu'elle connaissait avait changé, elle ne voyait rien de forcément plus sage mais de plus...affirmé. Il avait chassé son propre père après tout. Quelque chose de plus posé, de plus présent, de moins comme avant, de plus comme juste maintenant (omg cette phrase). Perdant sa défensive, la grise allongea son encolure et renâcla. Ouais, tu m'avais fait mal. Et aussi parce que Ramsès m'a interdit de voir qui que ce soit de mes "ennemis". Elle loucha pour désigner ses naseaux recouverts de cicatrices. Ou sinon, ça. Elle leva sur lui un regard de pouliche perdue.

Les blessures physiques ne sont rien comparées à celles du cœur. C'était sortit tout seul. Puis elle ajouta: On a jamais été ensemble, t'as...oublié? Mais pourquoi est-ce qu'elle le voyait comme un ex alors? La grisette était toujours belle, pour de nombreux étalons, avec ses allures cadencées et sa sveltesse. Mais malgré son âge encore peu avancé, on voyait qu'elle avait du vécu, de l'expérience. Ses yeux noisettes se posèrent sur le corps abîmé de Budapest. Shamane et lui s'étaient bien amochés. Elle ne bougeait pas, se contentant de l'observer avec un air encore plus enfant qu'avant. Caelis n'avait jamais vraiment grandit, les responsabilités tout ça, la prison que lui avait offerte Ramsès, avaient arrêté le temps pour son esprit.