the gods are ready to obey

Le regard noir de la crème se braque sur l'autre bout du pont. Ses flancs, gonflés d'une nouvelle vie, frissonnent un instant. Sa masse improbable lui feront prendre des risques considérables, mais, qu'importe. Son territoire s'abaisse à ses pieds, et ce pont se laissera franchir par la maîtresse de l'Orient.

Sa robe à la couleur de l'ébène l'avantage pour réussir à se dissimuler dans la pénombre de la jungle. De l'autre côté du pont, son poids léger lui a permis de le franchir sans appréhender la destruction et la mort certaine. La jeune akhal porte son attention sur la jument, ignorant qu'il s'agit de la reine du Levant.

Avant qu'elle fasse un pas, le pont grince. Son regard abyssal se lève vers une maigre silhouette d'obsidienne. Un instant, ses yeux se voilent d'une haine dévorante, mais qui y reste emprisonnée. Elle ne bouge pas, toise la jeune akhal.

Stoïque comme la silhouette immaculée en face d'elle, la jeune akhal copie son comportement en la jugeant de son regard noir. Les effluves, qui se dégagent de l'inconnue, sont amenées par le vent jusqu'aux naseaux dilatés de Runaway. Ce parfum lui rapporte de brèves informations sur l'identité de la chef de ces terres. Un sourire fend le visage de la noiraude mais il reste imperceptible par la distance importante qui séparent les deux rapaces.

Va la rejoindre. Et voilà que se manifeste la voix qui détient les clés de sa conscience. Runaway médite mais finit par suivre ce qui lui a été dicté. Elle se risque une nouvelle fois sur le pont, le faisant ainsi tanguer. Elle n'a aucune appréhension alors que le bois grinçant menace de se rompre à tout moment. Ses prunelles, inspirant les ténèbres, ne quittent pas leur cible tandis que la distance se réduit à chaque pas du corbeau.

Les regards d'obsidienne se captent. Septenrê ne bouge plus, fascinée par les prunelles totalement opaques et remplies de ténèbres de cette grande panthère noire. Sa peau d'or frissonne intensément lorsque l'énigmatique noire s'avance de ses pas aussi terribles que gracieux. Ses muscles se tendent légèrement, roulent sous sa peau.
Elle demeure figée, bloquant l'accès à la terre ferme, inconsciemment. Elle ne parvient pas à lâcher cette princesse d'ombres du regard, et ne parvient pas non plus à dire quoi que ce soit. Le silence leur convient sûrement.

La distance entre les deux protagonistes se réduit. Ses yeux finissent par être capturés par le regard profond mais sombre de la jument immaculée. C'est une fascinante créature que nous avons là. Runaway écoute la douce mélodie de cette voix qui se manifeste dans sa tête. Les deux juments se mesurent à une force invisible qui semble les lier d'une attraction naturelle et inexplicable.

Le corbeau s'arrête par contrainte. Ses prunelles gardent toujours la même cible. Cette inconnue est telle une proie que le rapace fixe avant d'en faire sa victime entre son bec solide. Le silence règne. Aucune des deux veut le perturber. Elles sont installées dans un confort qui semble leur plaire. Leur mutisme ne les dérange pas, leur échange de regards suffit. Puis, Runaway fait un pas et le bois grince.

Et si les prunelles de l'akhal sont inexpressives, le regard de Septenrê est habité d'un feu sauvage, une force brute et animale à l'état pur. Une force qui semble bien plus ancienne qu'on pourrait le penser. Les planches de bois grince et gémissent, écrasées par les sabots implacables de l'étrangère. Alors, le corps de la reine semble s'éveiller de sa torpeur: les veines lézardent de nouveau sa robe d'or, ses muscles roulent et jouent sous sa peau. Elle n'effectue aucun pas, sachant pertinemment que si elle le faisait, elles tomberaient toutes les deux. Septenrê se décale légèrement pour laisser passer la grande créature, et pouvoir humer son odeur, apprécier de plus près de quoi elle est faite.

Et voici que la reine de ses terres se décale. Runaway ne tarde pas à saisir l'occasion pour quitter ce vieux pont. Ses pas maîtrisés, elle n'est pas emportée par la fin de son destin.
Elle ne veut pas mourir, elle a encore des devoirs à faire. Elle repense aux paroles de Rowena. Cela la fait sourire. Elle demeure proche de la belle colombe.
Son regard, percé par les ténèbres, pénètrent la flamme sauvage de ces deux yeux. C'est une fascinante créature.
Ses naseaux dilatés hume son odeur ; ses lèvres près des siennes s'enivrent de ce souffle chaud. La proximité ne gêne pas Runaway. Le corbeau attend de voir la réaction de la reine du Levant.

L'énigmatique corbeau se précipite sur le pont, franchissant l'issue que lui a accordée Septenrê. Elle effleure de tout son long la silhouette musculeuse de la reine, et un long frisson parcourt celle-ci. Leur regard se font prisonniers l'un de l'autre, et la dorée inspire le parfum sec de la jeune araignée. Un grondement roule dans sa gorge et meurt aussitôt lorsque, hypnotique, elle vient effleurer les lèvres de sa dominante. Son souffle froid caresse ou griffe 7. Elle ne réagit pas, et continue de suivre la sublime anatomie de l'inconnue des yeux.

Runaway veut jouer avec elle, avec ce corps parfait qui emplit son visage comme le gyrophare d'une voiture de police. Un jeu sensuel, un jeu dangereux, dans lequel Runaway fait avancer le pion ; éclairée par ce césarisme qui brûle. La noire ne reculera pas. Le silence plane, dure et impose un rythme aux deux protagonistes.

Septenrê s'avance, et se place devant la noire, de côté. Ses naseaux se dilatent, et elle observe le regard de Runaway. Elle serre les dents: la noire semble vouloir s'engager sur un terrain particulier, mais 7 ne le fera pas. Il n'y a que Ruyn qui puisse jouer avec elle à ce jeu. C'est leur jeu. Cependant, elle n'effectue aucun geste de recul, et se contente de guetter chaque mouvement de l'autre.

Le visage de Septenrê se crispe. Sa mâchoire serrée alerte Runaway qui s'arrête. Elle ne veut pas jouer sur ce terrain. Tant pis. La noiraude ne s'attardera pas avec elle, enfin elle reporte cela pour plus tard. Elle a d'autres projets pour cette jument immaculée.
Sweeney. Ce nom écorche sa bouche quand elle le sort.

Elle semble comprendre. Septenrê ne se détend pas, et continue à poser sur la noiraude un intense regard. « Que veut-il? » murmure-t-elle, méfiante quant à l'ibérique bai.